La segmentation des offres Internet fixe arrive : l'illimité en danger

La division des forfaits internet résidentiel se rapproche à grands pas. Notre confrère Owni a en effet dégoté un document de travail de la Fédération Française des Télécoms (FFT), dont les membres principaux sont Orange, SFR et Bouygues Télécom. Free n’en fait cependant pas partie. Or en fin de document, on retrouve un tableau particulièrement explicite.

forfaits Internet fixe segmentation

Comme vous pouvez le voir, ce tableau, nommé « Proposition de découpage par gamme pour le fixe » copie en quelque sorte le modèle de l’internet mobile. On y retrouve notamment une colonne « Plafond de consommation » ainsi qu’une colonne expliquant les conséquences d’un dépassement de ce plafond. À l’instar du mobile, on retrouve donc les très connus « réduction de débit ou blocage » de la ligne. Mieux encore, la partie en marron parle de limitation de téléchargement par session, ainsi que de bloquer la VoIP, le P2P et les Newsgroups à une certaine catégorie d’abonnés.

Bien entendu, il ne s’agit ici que d’exemples et de pistes de réflexion. Néanmoins, Orange a confirmé à Owni que « oui, il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils, » sans préciser lesquels... « s’ils ne concernent qu’1% des gens qui downloadent des films toute la journée, alors c’est envisageable. C’est inacceptable si cela impacte davantage de clients. »

À écouter Orange, le but est donc de limiter les trop gros téléchargeurs. Un beau discours qui est censé rassurer les clients et les associations de consommateurs. Néanmoins, selon nos informations, il ne s’agit ici que d’un discours de façade. Pour cela, remettons dans son contexte la réalisation de ce document.

L'ARCEP, le dindon de la farce

Cette réflexion date du 21 juillet dernier. Elle est en fait une réponse à la consultation dirigée par l’ARCEP au sujet de la neutralité des réseaux nous rappelle Owni. Sauf que le débat, qui mêlait opérateurs, associations des consommateurs et l’autorité de régulation, n’avait pas du tout pour but d’aborder le sujet de la segmentation des forfaits internet fixe.

Son rôle était plutôt de clarifier certains sujets comme la position des opérateurs sur la neutralité des réseaux ou encore les termes utilisés pour vendre leur forfait, dont le fameux "illimité" qui n’a d’illimité que le nom. En somme, faire preuve de plus de transparence.

Mais selon l’une de nos sources, présente lors de ce débat, la FFT n’a bizarrement jamais abordé le sujet de la division des forfaits internet fixe en présence de l’ARCEP ou des associations des consommateurs. Une information confirmée par Édouard Barreiro de l’UFC-Que Choisir à Owni.

En effet, les opérateurs assurent que ce document a été fait en concertation avec les associations des consommateurs. Ce qui est totalement « faux » d’après l’UFC, ce que confirme d’ailleurs l’ARCEP, qui dit n’avoir jamais eu vent d’une telle idée. L'Autorité a donc vu son débat détourné par la FFT à son insu... 

Aucune justification économique, hormis d'augmenter les revenus des FAI...

Édouard Barreiro revient d’ailleurs à la charge contre les FAI : « les opérateurs ont manipulé beaucoup de gens, élus comme représentants de consommateurs. Mais cette décision reste inacceptable. Limiter Internet sur le fixe n’a aucune justification économique. Les coûts fixes ne varient pas selon la consommation des utilisateurs, ou très peu. Les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés: d’abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs. Les opérateurs se croient tout puissants. »

Effectivement, en juin dernier, le PDG d’Orange Stéphane Richard a affirmé que sa société préparait bien des forfaits à deux vitesses. Un normal, et un autre plus rapide, ceci grâce à des collaborations avec Google et d’autres sociétés web importantes. En somme, l’un subira la congestion des réseaux (notamment sur YouTube), surtout en soirée,  tandis que l’autre, qui devra bien sûr mettre la main à la poche, ne sera pas touché par le phénomène.

Il n’était pas ici question de limiter des forfaits au débit, mais l’idée de diviser les offres faisait déjà son chemin. L’élaboration d’un tel document de la part de la FFT n’est donc pas étonnante. Sauf que la fédération a bassement profité de la consultation de l’ARCEP pour mettre en place ses idées. Il serait ainsi intéressant de connaître l’avis de l’Autorité de la concurrence sur un tel procédé.

Un cheval de Troie...

Selon nos informations, le discours officiel des FAI, afin de faire passer la pilule, est de faire croire que pour la majorité des abonnés, ces nouvelles dispositions n’auront aucune incidence. Seuls ceux qui abusent de leur liberté de télécharger de façon illimitée, soit une ultra minorité, seront touchés. Des règles qui ressemblent donc fort à la téléphonie fixe vers les mobiles ou à l’international.

Mais il s’agit ici plutôt d’un cheval de Troie. Les Français vivent depuis longtemps dans un monde où l’internet fixe est illimité. Totalement illimité. Même du côté du câble. Seul problème, le potentiel de croissance du marché se réduit petit à petit. Les FAI cherchent donc un moyen d’augmenter leurs revenus dans un marché bientôt mature. Outre sceller des alliances avec des sociétés comme Google et faire payer les éditeurs de contenus (comme SFR), il ne reste donc plus qu’une seule solution : se tourner vers l’abonné. Et donc augmenter les tarifs ou le forcer à utiliser ses services (VoD, etc.).

Le changement de TVA, cumulé aux nouvelles box et aux nouveaux services associés comme la téléphonie illimitée vers les mobiles, a déjà permis une hausse non négligeable des tarifs. Mais cela ne suffit pas. L’idée de segmenter les offres fait donc son chemin. Pour faire passer la pilule aux abonnés, les arguments des FAI sont tout trouvé selon notre source : proposer des forfaits internet certes limités, mais à petit prix (20 ou 25 euros ?), et des forfaits normaux voire améliorés à des tarifs bien plus onéreux (40 euros voire plus).

Free est-il toujours en position d'agitateur ?

Reste un point fondamental à régler : les FAI ne peuvent pas appliquer une telle segmentation si certains, Free par exemple, ne jouent pas le jeu. Tous doivent proposer conjointement de tels forfaits. Dans le cas contraire, le risque de voir les abonnés partir massivement vers les FAI ne jouant pas le jeu est réel.

Le document de la FFT concerne déjà Orange, SFR et Bouygues Télécom. Free, de son côté, a assuré à Owni qu’une telle segmentation n’était pas pertinente à ses yeux. Nous rappellerons néanmoins que Free a scellé en début d’année un partenariat très important avec Orange afin d’exploiter ses réseaux 2G et 3G pendant quelques années, en attendant que Free développe son propre réseau. Officiellement, cet accord implique une simple contrepartie financière…

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