Mise à jour 25//11/2011 la décision de la CJUE prononcée hier à l'égard du filtrage des FAI devrait également inspirer le droit de l'hébergement. Pourquoi ? Une autre question préjudicielle, non encore tranchée, avait également été posée à la Cour à l'égard de ces intermédiaires. Or, cette question reprenenait au mot près la question SABAM-Scarlet pour l'adapter au droit de l'hébergement.
Première diffusion 28/07/2011
Une autre affaire va pousser l’Europe à se pencher sur la légalité des systèmes de filtrage en Europe. Le 10 juillet 2010, le tribunal de première instance de Bruxelles avait soumis une question préjudicielle auprès de la CJUE. Voilà quelques jours, le 7 juillet dernier, la CJUE a accueilli les plaidoiries des avocats sur ce dossier dont on attend maintenant l'arrêt. Tour d’horizon.
Première diffusion 28/07/2011
Une autre affaire va pousser l’Europe à se pencher sur la légalité des systèmes de filtrage en Europe. Le 10 juillet 2010, le tribunal de première instance de Bruxelles avait soumis une question préjudicielle auprès de la CJUE. Voilà quelques jours, le 7 juillet dernier, la CJUE a accueilli les plaidoiries des avocats sur ce dossier dont on attend maintenant l'arrêt. Tour d’horizon.
L’affaire oppose la SABAM (Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgever, équivalent de notre SACEM) et le réseau social Netlog NV. La SABAM souhaite que le site soit responsable des violations au droit d’auteur qui pourraient être commises par ses deux millions de membres belges (voir cet article de Datanews relatant les faits à l’époque).
Dans son magazine n°62 de septembre 2010, la SABAM détaillait ses prétentions : « les sites de partage communautaires sur Internet (de type FaceBook, MySpace, YouTube,…) font un usage massif d’œuvres protégées au travers des vidéos qui y sont placées et visionnées chaque jour ». Pour la SABAM, le temps était donc venu de s’attaquer à ces intermédiaires en sollicitant des mesures de filtrage pour prévenir et faire cesser ces échanges qu’elle estime illicites.
Deux actions avaient été lancées, l’une contre YouTube l’autre contre Netlog. « Le but de ces actions est de faire constater par un juge qu’en leur qualité d’intermédiaire, YouTube et Netlog sont les mieux placés pour mettre un terme aux infractions au droit d’auteur qui peuvent être quotidiennement constatées sur ces sites » résume la SABAM.
En juillet 2010, plutôt que l’emballement, le tribunal de Bruxelles a préféré soulever une question préjudicielle sur la légalité du système juridique national tel qu’interprété par la SABAM.
Un filtrage généralisé chez l'hébergeur à partir d'un pouvoir d'injonction
La question préjudicielle s’articule autour de cette disposition belge qui permet à un juge d’émettre une injonction de cessation à l’encontre d’un hébergeur: « [les juges nationaux] peuvent également rendre une injonction de cessation à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par des tiers pour porter atteinte au droit d'auteur ou à un droit voisin »
Il s’agit de savoir si avec cet outil juridique, la SABAM peut réclamer la mise en place chez un hébergeur « à l'égard de toute sa clientèle, in abstracto et à titre préventif, à ses frais et sans limitation dans le temps, un système de filtrage de la plus grande partie des informations stockées sur ses serveurs, en vue d'y repérer des fichiers électroniques contenant des œuvres musicales, cinématographiques ou audiovisuelles (…) et d'en bloquer ensuite l'échange ».
Cette question reprend l’une de celles posées dans la fameuse affaire Sabam/Tiscali, en la transposant de l’univers des FAI à celui des hébergeurs.
D’où son importance.
Le filtrage chez les FAI, un rêve recadré par l'avocat de la CJUE
Le dossier Sabam-Tiscali est toujours en attente de jugement auprès de la CJUE. Cependant, l’avocat général (procureur de la CJUE) a déjà repoussé sèchement l’interprétation de la SABAM dans ses conclusions.
À l’égard des FAI, le juriste a considéré ces méthodes de filtrage déraisonnées, non proportionnelles, bien trop vastes, trop générales, pas assez individualisée… Des méthodes de filtrage aux coûts inconnus, faute d’études d’impact sérieuses tenant compte de tout l’écosystème. « Pour autant que l'on puisse en juger, ajoutera-t-il, aucun système de filtrage et de blocage ne semble en mesure de garantir (…) le blocage des seuls échanges spécifiquement identifiables comme illicites ».
Les effets en France des décisions de la CJUE sur le filtrage
Ces deux dispositions de la justice européenne auront évidemment des effets en France. Rappelons-nous que la loi Hadopi recèle de mesures encore en sommeil – car peu ou pas utilisées - mais que les ayants-droit et Paris lorgnent avec impatience.
Selon le Code de la propriété intellectuelle (CPI), modifié par les lois Hadopi 1 et 2, ces ayants droit peuvent réclamer « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte (…) à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. » C’est l’article L336-2 du CPI qui ressemble justement à la disposition belge examinée par la CJUE. Nous y reviendrons sous peu...