Interview : "la place du CD est remise en cause" en médiathèque

ACIM logoLe 7 juin en ligne, nous mettions en avant dans les colonnes de PCINpact un cri d’alarme lancé par l’ACIM, l’Association pour la Coopération des professionnels de l’Information Musicale, sur la lente disparition de la musique dans les bibliothèques et les médiathèques. Afin de mieux comprendre la problématique, nous avons interrogé Xavier Galaup, le président de l’ACIM.

PCi : Quelles solutions l'ACIM a-t-elle imaginées pour résoudre le problème de la disparition de la musique dans les médiathèques ?

Xavier Galaup : Soyons clair, l'ACIM n'a aucun rôle de prescription dans son domaine. Ce que je vais vous dire ici est une synthèse des réflexions que nous avons pu avoir lors de congrès ou des expérimentations qui ont lieu en France ou à l'étranger.

La musique ne disparaît pas en médiathèque, mais la place du support CD est remise en cause à notre avis pour de mauvaises raisons. Bien au contraire tant que le support CD existera nous pensons qu'il faut que les médiathèques en achètent. Mais nous devons prendre le tournant numérique en proposant soit des bornes de découverte musicale soit du streaming. L'idée est de pouvoir faire de la médiation numérique ou de la recommandation comme on dit aujourd'hui, en disposant de ressources numériques légales. Il serait absurde de parler du hard rock dans un blog de bibliothèques et de dire aux visiteurs de venir écouter le CD à la médiathèque. Il faut bien sûr pouvoir disposer d'un player intégré au blog et qui utilise des fichiers légaux.

Dans la mission de médiation musicale, les médiathèques ont aussi un rôle à jouer dans la programmation de concerts ou de petites performances musicales. C'est aussi un moyen de continuer à donner envie aux gens de venir en médiathèques car l'expérience musicale vivante y devient plus forte que le simple emprunt d'un CD. Dans le même esprit quelques bibliothèques commencent à proposer du jeu vidéo musical. Une autre piste à explorer est l'accompagnement des pratiques musicales amateurs en partenariat avec les écoles de musique.

Les médiathèques musicales doivent devenir un lieu d'effervescence autour de la musique, et pour paraphraser la thématique de nos dernières rencontres nationales à Auxerre, l'un des carrefours de la vie musicale.

Le problème n'est pas nouveau. Pourquoi réagir si tardivement ?

Le problème n'est en effet pas nouveau mais l'ACIM n'a pas tardé à réagir. L'évolution numérique est évoqué depuis plusieurs années dans nos journées d'études annuelles: les rencontres nationales des bibliothécaires musicaux et les membres du Conseil d'Administration ont été défendre à plusieurs reprises la place de la musique en bibliothèques dans différents colloques professionnels. J'ai aussi écrit un texte intitulé « Il n'y a pas assez de musique en bibliothèques ». Celui-ci est paru dans le numéro 36 de décembre 2007 dans Bibliothèques, la revue de l'Association des Bibliothécaires de France. Arsène Ott, le précédent président de l'ACIM, avait aussi fait des éditoriaux offensifs dans le bulletin électronique de l'ACIM.

Ce qui est nouveau est qui nous a amené publier ce manifeste c'est la multiplication d'ouverture de nouvelles médiathèques sans CD avec, à notre avis, l'arrière-pensée d'évacuer peu à peu la présence de la musique quel que soit le support. C'est pourquoi nous tenions a ré-affirmer la place et le rôle des bibliothèques pour la médiation musicale et ce quel que soit le canal, CD ou musique en ligne.

bibliothèques

Quelles sont les relations entre les bibliothèques, les majors, les indépendants, et les représentants des ayants droit ?

Nous n'avons aucune relation directe avec les majors même si aujourd'hui les bibliothèques sont devenues des clients non négligeables car le volume de nos achats de CD est relativement stable depuis plusieurs années alors que les achats de particuliers ne cessent de baisser.

En revanche nous avons plutôt de bonnes voire de très bonnes relations avec les indépendants car plus encore que pour les majors nous sommes non seulement des clients importants, notamment pour certains petits labels, mais aussi des lieux qui permettent de faire connaître leur production. Des collègues de la région de Bordeaux et de Lyon ont par exemple des partenariats solides avec CD1D.

Nous n'avons à faire aux ayants droit qu'à travers leurs sociétés d'auteur. Des accords-cadres ont été passés pour la diffusion de musique dans les locaux des médiathèques. Mais nous n'arrivons pas à avancer globalement sur les droits numériques et c'est bien dommage.

Comment ça ? Qu'est-ce qui coince précisément ?

L'offre de titres musicaux disponible en streaming ou en téléchargement est de loin inférieur à ce que nous avons dans l'ensemble des médiathèques françaises. Pour avoir le droit de transférer sur une borne de téléchargement en bibliothèque ou, encore plus délicat, de mettre en ligne nos fonds musicaux, il nous faut demander non seulement l'autorisation des ayants-droits via les sociétés d'auteurs et d'interprètes mais aussi des producteurs dont les syndicats n'ont aucun mandat pour des négociations collectives. Ce qui veut dire que nous devrions démarcher les maisons de production une à une.

En outre le marché des bibliothèques est trop petit pour les intéresser pour l'instant même nos grossistes, ceux qui nous revendent les CD, ont dû mal à trouver des accords. Pour donner un exemple, la Borne de musique libre et de labels indépendants installée à Gradignan a dû batailler pour obtenir un accord SACEM qui leur est totalement spécifique et non généralisable à d'autres bibliothèques.

C'est pourquoi les bibliothèques avaient milité, pendant les discussions autour de la loi dite HADOPI, via leur interassociation IABD pour une licence légale, c'est-à-dire pour avoir le droit de numériser leurs fonds en échange d'une rémunération a posteriori comme pour la SACEM.

À l'heure actuelle, sait-on ce qui est proposé par les bibliothèques de France en matière de musique ? (a-t-on des chiffres ?)

bibliothèqueNous manquons cruellement de statistiques pertinentes et récentes. C'est l'un des prochains chantiers de l'ACIM que de recueillir des données statistiques précises. On peut cependant déjà dire que 1 256 médiathèques sur 4 170 ont des fonds musicaux. Sur toute la France, les nombres de CD possédés par les médiathèques est de 8,5 millions (chiffre 2008) soit en moyenne 13,1% des prêts en bibliothèques mais plus de 20% pour les communes au-delà de 100 000 habitants.

Nous savons que dans certaines zones où il n'y a plus de disquaires et où le rayon CD des grandes surfaces est ridicule, la médiathèque devient le dernier lieu à proposer une diversité musicale tant au niveau de la variété des genres qu'au niveau de l'histoire de la musique.

Et en-dehors de la France, connaissez-vous la situation des médiathèques à l'étranger, notamment au niveau musical ? Un pays est-il l'exemple à suivre ?

D'après les échos que nous avons des collègues étrangers, Europe ou États-unis, la place de la musique n'est pas remise en cause chez eux. Ils ne sont pas plus avancés que nous en ce qui concerne une offre numérique (streaming ou téléchargement).

J'ai un exemple européen en tête: la library 10 d'Helsinki. C'est une bibliothèque dédiée à la musique qui mène différentes actions innovantes en plus des collections de CD: prêt d'instruments de musique, un petit studio d'enregistrement, des ordinateurs dédiés à la musique assistée par ordinateur, un petit espace permanent de concert et des animations autour des jeux vidéo musicaux.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !