Exclu PC INpact : Sur Twitter, on a appris lundi que le CNN avait été saisi par l’industrie au titre de l’article 18 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique. Cet article, méconnu, autorise la restriction du commerce électronique par une autorité administrative dans toute une série d’hypothèses.
Nous avons pu prendre connaissance du texte notifié. Cosigné Gérard Longuet (défense) Michel Mercier (justice), Claude Guéant (intérieur) Christine Lagarde (économie), Xavier Bertrand (travail) et Eric Besson (numérique) ce projet de décret industrialise les mesures de blocage à l’échelle du pays... tout en évitant soigneusement le passage devant un juge. Analyse.
Des restrictions au commerce électronique prises par l'autorité administrative
Pour bien comprendre l’ampleur de ce texte, revenons à l’article 18 de la LCEN, fruit d’une modification législative intervenue en 2007 lors de la loi sur la prévention de la violence. Cet article 18 permet à l’autorité administrative de restreindre le « commerce électronique » dans toute une série de troubles. L’article liste l’atteinte ou le risque d’atteinte au maintien de l’ordre public, à la sécurité publique, « à la protection des mineurs, à la protection de la santé publique, à la préservation des intérêts de la défense nationale ou à la protection des personnes physiques qui sont des consommateurs ou des investisseurs ». Grosso modo : quantité d’infractions prévues dans le droit pénal français.
Tout le web est "commerce électronique"
Problème : la notion de « commerce électronique » de cet article 18 est trompeuse. Elle ne se limite pas au boutiquier en ligne qui vendrait des pilules Viagra contrefaites. L’article 14 de la LCEN dit en effet qu’« entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ». On peut résumer cette longue litanie : tout ce qui est sur le web est « commerce électronique » : moteurs, hébergeurs, sites d’information publiant des documents touchant à la défense nationale, etc.
Des restrictions définies par un décret
L’article 18 de la LCEN n’entre pas dans les détails sur les restrictions possibles. Ce n'est pas dans les missions de la loi de s'occuper des détails. Il renvoie donc à un décret le soin de définir le pouvoir de restriction de l’autorité administrative. Et c’est ce projet de décret que le gouvernement vient de notifier au CNN, sans tambour ni trompette.
Que dit le texte ? Il dote le ministre de la défense, celui de la justice, de l’intérieur, de l’Economie, celui chargé de la consommation, le ministère de la santé et de l’économie numérique de ce fameux pouvoir de « restriction » du commerce électronique. Est également ajouté à la liste la fameuse autorité nationale de défense des systèmes d’information (ex-ANSSI).
Exiger le retrait auprès d'un éditeur de contenu
En pratique, dès que l’une de ces autorités administratives constatera en ligne l’un des « troubles » précités, elle aura le pouvoir de mettre l’éditeur du site en demeure de cesser cette atteinte. Mieux : l’autorité pourra également l’enjoindre de prévenir cette atteinte (filtrage).
Si dans le délai imparti, l’éditeur du site ne fait rien ? Chaque ministère ou l’Autorité nationale de défense des systèmes d’information pourra alors alerter les consommateurs (une peine infamante), mais aussi « faire cesser la vente du produit proposé par le site, mettre fin aux pratiques commerciales en cause » ou encore « interdire l’accès de tout ou partie du site aux mineurs » voire même « retirer ou faire cesser la diffusion du contenu en cause ».
Exiger le nettoyage du côté de l'hébergeur
Et si l’éditeur ne fait toujours rien dans les 72 heures de la notification ? On fait jouer le principe de subsidiarité : cette fois l’autorité administrative pourra frapper à la porte de l’hébergeur du site pour l’obliger à « retirer ou faire cesser la diffusion » dans un délai choisie par elle (délai qui ne pourra être inférieur à 72 heures, pour ne pas brusquer l’intermédiaire).
Frapper à la porte du FAI, même directement
Le projet de décret rajoute une dernière couche à l’édifice : « en cas d’atteinte ou de risque sérieux et grave d’atteinte aux intérêts » précités, l’autorité administrative aura encore la possibilité de frapper directement à la porte du fournisseur d’accès de bloquer l’accès au contenu. Il suffira que l’action auprès de l’éditeur ou de l’hébergeur s’avère infructueuse ou même « que l’urgence de la situation l’exige ». L’urgence de la situation permettra donc de faire l’économie du passage devant l’éditeur ou l’hébergeur pour exiger le blocage dans les plus brefs délais.
En cas de non-respect des injonctions, les intermédiaires risquent à chaque fois une amende de cinquième classe, en sus de quoi s’ajoutent des mesures confiscatoires pour les personnes reconnues coupables de l’infraction.
Contrairement à Hadopi, le projet de décret prévoit d’indemniser les éventuels surcoûts qu’auraient à supporter les fournisseurs d’accès dans la mise en place de ce blocage.
Dernier détail : le projet a été notifié au CNN le 9 juin dernier, à charge pour lui de rendre son avis vendredi 17. Autant dire un examen au pas de course...
Nous avons pu prendre connaissance du texte notifié. Cosigné Gérard Longuet (défense) Michel Mercier (justice), Claude Guéant (intérieur) Christine Lagarde (économie), Xavier Bertrand (travail) et Eric Besson (numérique) ce projet de décret industrialise les mesures de blocage à l’échelle du pays... tout en évitant soigneusement le passage devant un juge. Analyse.
Des restrictions au commerce électronique prises par l'autorité administrative
Pour bien comprendre l’ampleur de ce texte, revenons à l’article 18 de la LCEN, fruit d’une modification législative intervenue en 2007 lors de la loi sur la prévention de la violence. Cet article 18 permet à l’autorité administrative de restreindre le « commerce électronique » dans toute une série de troubles. L’article liste l’atteinte ou le risque d’atteinte au maintien de l’ordre public, à la sécurité publique, « à la protection des mineurs, à la protection de la santé publique, à la préservation des intérêts de la défense nationale ou à la protection des personnes physiques qui sont des consommateurs ou des investisseurs ». Grosso modo : quantité d’infractions prévues dans le droit pénal français.
Tout le web est "commerce électronique"
Problème : la notion de « commerce électronique » de cet article 18 est trompeuse. Elle ne se limite pas au boutiquier en ligne qui vendrait des pilules Viagra contrefaites. L’article 14 de la LCEN dit en effet qu’« entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ». On peut résumer cette longue litanie : tout ce qui est sur le web est « commerce électronique » : moteurs, hébergeurs, sites d’information publiant des documents touchant à la défense nationale, etc.
Des restrictions définies par un décret
L’article 18 de la LCEN n’entre pas dans les détails sur les restrictions possibles. Ce n'est pas dans les missions de la loi de s'occuper des détails. Il renvoie donc à un décret le soin de définir le pouvoir de restriction de l’autorité administrative. Et c’est ce projet de décret que le gouvernement vient de notifier au CNN, sans tambour ni trompette.
Que dit le texte ? Il dote le ministre de la défense, celui de la justice, de l’intérieur, de l’Economie, celui chargé de la consommation, le ministère de la santé et de l’économie numérique de ce fameux pouvoir de « restriction » du commerce électronique. Est également ajouté à la liste la fameuse autorité nationale de défense des systèmes d’information (ex-ANSSI).
Exiger le retrait auprès d'un éditeur de contenu
En pratique, dès que l’une de ces autorités administratives constatera en ligne l’un des « troubles » précités, elle aura le pouvoir de mettre l’éditeur du site en demeure de cesser cette atteinte. Mieux : l’autorité pourra également l’enjoindre de prévenir cette atteinte (filtrage).
Si dans le délai imparti, l’éditeur du site ne fait rien ? Chaque ministère ou l’Autorité nationale de défense des systèmes d’information pourra alors alerter les consommateurs (une peine infamante), mais aussi « faire cesser la vente du produit proposé par le site, mettre fin aux pratiques commerciales en cause » ou encore « interdire l’accès de tout ou partie du site aux mineurs » voire même « retirer ou faire cesser la diffusion du contenu en cause ».
Exiger le nettoyage du côté de l'hébergeur
Et si l’éditeur ne fait toujours rien dans les 72 heures de la notification ? On fait jouer le principe de subsidiarité : cette fois l’autorité administrative pourra frapper à la porte de l’hébergeur du site pour l’obliger à « retirer ou faire cesser la diffusion » dans un délai choisie par elle (délai qui ne pourra être inférieur à 72 heures, pour ne pas brusquer l’intermédiaire).
Frapper à la porte du FAI, même directement
Le projet de décret rajoute une dernière couche à l’édifice : « en cas d’atteinte ou de risque sérieux et grave d’atteinte aux intérêts » précités, l’autorité administrative aura encore la possibilité de frapper directement à la porte du fournisseur d’accès de bloquer l’accès au contenu. Il suffira que l’action auprès de l’éditeur ou de l’hébergeur s’avère infructueuse ou même « que l’urgence de la situation l’exige ». L’urgence de la situation permettra donc de faire l’économie du passage devant l’éditeur ou l’hébergeur pour exiger le blocage dans les plus brefs délais.
En cas de non-respect des injonctions, les intermédiaires risquent à chaque fois une amende de cinquième classe, en sus de quoi s’ajoutent des mesures confiscatoires pour les personnes reconnues coupables de l’infraction.
Contrairement à Hadopi, le projet de décret prévoit d’indemniser les éventuels surcoûts qu’auraient à supporter les fournisseurs d’accès dans la mise en place de ce blocage.
Dernier détail : le projet a été notifié au CNN le 9 juin dernier, à charge pour lui de rendre son avis vendredi 17. Autant dire un examen au pas de course...