Exclu PC INpact : Le tribunal de grande instance de Paris a finalement ordonné en référé le blocage du site 5Dimes.com (et Fivedimes.com) à la demande de l’ARJEL. Un site hébergé au Costa Rica, en langue anglaise, mais « accessible en France. »
Les faits remontent à septembre et novembre 2010 : l’ARJEL met en demeure le site costaricain de lancer une procédure d’agrément (payante) auprès de ses services ou suspendre son accès en France. Faute de réponse, l’autorité de régulation notifie son hébergeur, costaricain mais également les principaux FAI français (Numéricable, Orange, France Telecom, SFR, FREE, Bouygues Telecom, Darty Telecom, Auchan Telecom).
Ni l’éditeur ni l’hébergeur ne donneront suite à la notification.
Janvier 2011, l’ARJEL émet une assignation contre l’hébergeur et les FAI français assortie d’une demande d’astreinte, afin que soient mises en place « toutes mesures propres à empêcher l’accès » à partir du territoire français à 5Dimes.com.
À l’audience, seuls les FAI français seront présents. Ils démultiplieront les arguments, tous rejetés par le juge.
Principe de subsidiarité rejeté
Numéricable et SFR diront qu’avant qu’une mesure de blocage ne soit exigée de tous les intermédiaires, il convient de respecter le principe de subsidiarité. On doit assigner d’abord l’éditeur du site, puis faute de réponse, l’hébergeur, enfin, en cas de nouvelle carence, les FAI.
Refus du juge : « Le président de l’ARJEL peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris pour voir imposer les mesures d’arrêt d’accès au service proposant les offres litigieuses tant aux hébergeurs qu’aux fournisseurs d’accès, sans déterminer d’ordre dans les mises en cause comme dans les décisions. »
Pas de violation du droit à un procès équitable
Orange et Free ajouteront qu'à cause de l’absence de la mise en cause de l’opérateur, 5Dimes, la procédure viole le principe du procès équitable protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Mais le juge rétorque que l’invitation de 5Dimes au procès n’est pas requise puisque « la loi n’a pas prévu que la mise en cause de l’opérateur soit une condition préalable à l’injonction sollicitée ». L’action vise spécialement les intermédiaires, non l’opérateur qui peut toujours agir en France s’il le souhaite.
Un site certes en anglais mais bien accessible en France
Free mettra en avant que « le site litigieux est édité en anglais et qu'en conséquence il ne vise pas le public français ». Mais le juge n’en a cure : la loi exige un agrément, point barre. En outre, le site est bien accessible en France selon des tests effectués devant huissier qui ont montré qu’« un internaute a pu depuis la France effectuer des paris sportifs et hippiques et participer à un jeu de cercle en ligne sur ces sites ». Du coup, « il est manifeste que le cheminement de l’internaute français ou établi en France pour la constitution d’un compte et la réalisation d’un pari est aisé et qu’il est possible en français par simple utilisation du traducteur automatique qui est proposé. Enfin, le versement en euros est immédiatement admis ». Enfin, des paris portent sur des matchs français…
Un blocage dont le coût est à supporter par les FAI
Comme Bouygues, Free regrettera l’absence de publication du décret organisant l’indemnisation des FAI dans le blocage. En attendant, ce n’est pas aux FAI de supporter ces coûts. Le juge refusera l’analyse et ajoutera qu’il n’est pas nécessaire de suspendre l’application de la loi ARJEL à la publication de ce décret. En effet, les dispositions de cette loi sont « suffisamment claires et précises » et ne sont donc pas conditionnées par ce décret qui ne concerne que la partie financière… Mieux : « si la loi du 12 mai 2010 prévoit le principe d’une compensation financière, aucun texte ne détermine le débiteur de cette obligation et les modalités de sa mise en œuvre ». Le juge en déduit que c’est aux FAI de supporter ces coûts.
Une obligation de résultat, globale et permanente
Sur le blocage proprement dit, l’analyse de la justice française sera simple, bien loin de l’approche menée par le mouvement lancé par l’avocat général de la CJUE ou du rapport de la Raudière/Erhel. Les FAI considèrent que ces mesures de blocage menacent le principe de proportionnalité si elles ne sont pas cantonnées. En effet, elles ne sont définies que par leur résultat et non leur nature qui peut porter atteinte à d’autres libertés (liberté de communication, etc.).
Le juge ne fait pas dans la dentelle : d’un, « la loi ne fixe pas les mesures utiles, qui peuvent être de nature, de durée et d’importance différentes en fonction notamment de la position de l’ensemble des autres acteurs concernés, et en premier lieu de l’opérateur et de l’hébergeur, dès lors qu’elles permettent l’arrêt sollicité ». De deux, « Il n’est ni possible ni opportun que le juge détermine pour l’avenir l’ensemble des mesures adaptées ». Conclusion : « il convient donc d’enjoindre à chaque partie de faire toutes diligences utiles afin de parvenir à l’arrêt imposé par le législateur. »
En clair : c’est vrai, la loi ne dit rien sur la mesure de blocage à décider, sa durée et son importance. Moi, juge, je suis dans l’impossibilité d’apporter d’autres précisions, et d’ailleurs c’est inopportun. Ainsi donc, il revient à chaque FAI le soin de se débrouiller pour mettre en place « toutes mesures adéquates, selon les modalités techniques qui lui apparaîtront les plus adaptées à sa propre situation et de les adapter à l’évolution des sites en cause. »
10 000 euros d'astreintes
Du coup, les Fai français se verront obligés dans les 15 jours « de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l'accès » aux sites http://www.5dimes.com et http://www.fivedimes.com ». A défaut, ils encourront une astreinte de 10 000 euros par jour pendant un mois.
Le contraste avec la position de l'avocat de la CJUE
Dans un cas similaire de blocage (en matière de droit d’auteur), l'avocat général de la CJUE, a expliqué voilà peu que des dispositions légales demandant toute mesure de blocage globale, perpétuelle, permanente à l’encontre d’un contenu étaient de ce fait contraires au droit européen. Le procureur de la Cour européenne fustigeait ces mesures mises à la charge des FAI dont le caractère globale rendait justement impossible l’évaluation des coûts.
Les faits remontent à septembre et novembre 2010 : l’ARJEL met en demeure le site costaricain de lancer une procédure d’agrément (payante) auprès de ses services ou suspendre son accès en France. Faute de réponse, l’autorité de régulation notifie son hébergeur, costaricain mais également les principaux FAI français (Numéricable, Orange, France Telecom, SFR, FREE, Bouygues Telecom, Darty Telecom, Auchan Telecom).
Ni l’éditeur ni l’hébergeur ne donneront suite à la notification.
Janvier 2011, l’ARJEL émet une assignation contre l’hébergeur et les FAI français assortie d’une demande d’astreinte, afin que soient mises en place « toutes mesures propres à empêcher l’accès » à partir du territoire français à 5Dimes.com.
À l’audience, seuls les FAI français seront présents. Ils démultiplieront les arguments, tous rejetés par le juge.
Principe de subsidiarité rejeté
Numéricable et SFR diront qu’avant qu’une mesure de blocage ne soit exigée de tous les intermédiaires, il convient de respecter le principe de subsidiarité. On doit assigner d’abord l’éditeur du site, puis faute de réponse, l’hébergeur, enfin, en cas de nouvelle carence, les FAI.
Refus du juge : « Le président de l’ARJEL peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris pour voir imposer les mesures d’arrêt d’accès au service proposant les offres litigieuses tant aux hébergeurs qu’aux fournisseurs d’accès, sans déterminer d’ordre dans les mises en cause comme dans les décisions. »
Pas de violation du droit à un procès équitable
Orange et Free ajouteront qu'à cause de l’absence de la mise en cause de l’opérateur, 5Dimes, la procédure viole le principe du procès équitable protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Mais le juge rétorque que l’invitation de 5Dimes au procès n’est pas requise puisque « la loi n’a pas prévu que la mise en cause de l’opérateur soit une condition préalable à l’injonction sollicitée ». L’action vise spécialement les intermédiaires, non l’opérateur qui peut toujours agir en France s’il le souhaite.
Un site certes en anglais mais bien accessible en France
Free mettra en avant que « le site litigieux est édité en anglais et qu'en conséquence il ne vise pas le public français ». Mais le juge n’en a cure : la loi exige un agrément, point barre. En outre, le site est bien accessible en France selon des tests effectués devant huissier qui ont montré qu’« un internaute a pu depuis la France effectuer des paris sportifs et hippiques et participer à un jeu de cercle en ligne sur ces sites ». Du coup, « il est manifeste que le cheminement de l’internaute français ou établi en France pour la constitution d’un compte et la réalisation d’un pari est aisé et qu’il est possible en français par simple utilisation du traducteur automatique qui est proposé. Enfin, le versement en euros est immédiatement admis ». Enfin, des paris portent sur des matchs français…
Un blocage dont le coût est à supporter par les FAI
Comme Bouygues, Free regrettera l’absence de publication du décret organisant l’indemnisation des FAI dans le blocage. En attendant, ce n’est pas aux FAI de supporter ces coûts. Le juge refusera l’analyse et ajoutera qu’il n’est pas nécessaire de suspendre l’application de la loi ARJEL à la publication de ce décret. En effet, les dispositions de cette loi sont « suffisamment claires et précises » et ne sont donc pas conditionnées par ce décret qui ne concerne que la partie financière… Mieux : « si la loi du 12 mai 2010 prévoit le principe d’une compensation financière, aucun texte ne détermine le débiteur de cette obligation et les modalités de sa mise en œuvre ». Le juge en déduit que c’est aux FAI de supporter ces coûts.
Une obligation de résultat, globale et permanente
Sur le blocage proprement dit, l’analyse de la justice française sera simple, bien loin de l’approche menée par le mouvement lancé par l’avocat général de la CJUE ou du rapport de la Raudière/Erhel. Les FAI considèrent que ces mesures de blocage menacent le principe de proportionnalité si elles ne sont pas cantonnées. En effet, elles ne sont définies que par leur résultat et non leur nature qui peut porter atteinte à d’autres libertés (liberté de communication, etc.).
Le juge ne fait pas dans la dentelle : d’un, « la loi ne fixe pas les mesures utiles, qui peuvent être de nature, de durée et d’importance différentes en fonction notamment de la position de l’ensemble des autres acteurs concernés, et en premier lieu de l’opérateur et de l’hébergeur, dès lors qu’elles permettent l’arrêt sollicité ». De deux, « Il n’est ni possible ni opportun que le juge détermine pour l’avenir l’ensemble des mesures adaptées ». Conclusion : « il convient donc d’enjoindre à chaque partie de faire toutes diligences utiles afin de parvenir à l’arrêt imposé par le législateur. »
En clair : c’est vrai, la loi ne dit rien sur la mesure de blocage à décider, sa durée et son importance. Moi, juge, je suis dans l’impossibilité d’apporter d’autres précisions, et d’ailleurs c’est inopportun. Ainsi donc, il revient à chaque FAI le soin de se débrouiller pour mettre en place « toutes mesures adéquates, selon les modalités techniques qui lui apparaîtront les plus adaptées à sa propre situation et de les adapter à l’évolution des sites en cause. »
10 000 euros d'astreintes
Du coup, les Fai français se verront obligés dans les 15 jours « de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l'accès » aux sites http://www.5dimes.com et http://www.fivedimes.com ». A défaut, ils encourront une astreinte de 10 000 euros par jour pendant un mois.
Le contraste avec la position de l'avocat de la CJUE
Dans un cas similaire de blocage (en matière de droit d’auteur), l'avocat général de la CJUE, a expliqué voilà peu que des dispositions légales demandant toute mesure de blocage globale, perpétuelle, permanente à l’encontre d’un contenu étaient de ce fait contraires au droit européen. Le procureur de la Cour européenne fustigeait ces mesures mises à la charge des FAI dont le caractère globale rendait justement impossible l’évaluation des coûts.