Élus et citoyens écartés du CNN : nombreuses réactions tranchées

C’est aujourd’hui qu’est installé le Conseil National du Numérique, ou CNN. Les 18 membres de cette institution ont été révélés par FrenchWeb la semaine dernière, mais c’est aujourd’hui qu’était entériné officiellement le nouvel organe, avant un discours de Nicolas Sarkozy. Mais avant même que ne commence la mission officielle du Conseil, une chose est sûre : les nominations provoquent des réactions tranchées.

Objectif et membres du Conseil

Le Conseil National du Numérique est un nouvel acteur du paysage de l’internet français (au sens très large). Jean-Baptiste Descroix-Vernier, patron de Dailymotion, parlait ainsi de courroie de transmission entre le gouvernement et le secteur », insistant sur le fait que « l'idée est d'avancer de manière pragmatique ». Le rôle exact du CNN est d’empêcher le gouvernement de voter toute loi en rapport avec le numérique, sans que le nouvel organe soit consulté. Ce dernier mot est d’ailleurs important : le CNN est une structure de débat qui ne réglemente pas.

Mais la composition du CNN affiche une uniformité que certains regrettent. Voici la liste des 18 membres, nommés par le Président de la république :
  1. Alexandre Malsch (Melty)
  2. Bruno Vanryb (Avanquest Software, Syntec Numérique)
  3. Daniel Marhely (Deezer)
  4. Emmanuel Forest (Bouygues Telecom)
  5. François Monboisse (Fnac.com, Fevad)
  6. Frank Esser (SFR, Fédération Française des Télécoms)
  7. Gabrielle Gauthey (Alcatel-Lucent)
  8. Gilles Babinet (CaptainDash)
  9. Giuseppe Di Martino (Dailymotion, Asic)
  10. Jean-Baptiste Descroix-Vernier (Rentabiliweb)
  11. Jean-Pierre Remy (PagesJaunes)
  12. Jérôme Stioui (Directinet)
  13. Marc Simoncini (Meetic, Jaina Capital)
  14. Marie-Laure Sauty de Chalons (AuFéminin)
  15. Nicolas Voisin (OWNI)
  16. Patrick Bertrand (Cegid, Afdel)
  17. Pierre Louette (Orange)
  18. Xavier Niel (Iliad Free)
Regrets de Pierre Kosciusko-Morizet et présence de Nicolas Voisin

La liste des membres présente une cohérence qui va à l’encontre du rapport sur le CNN remis au gouvernement par Pierre Kosciusko-Morizet à la fin de février dernier. Ce dernier recommandait en effet que les utilisateurs finaux soient représentés, et que les membres du Conseil soient élus, voire que l’on y trouve directement des élus actuels (députés). Dans un cas comme dans l’autre, son avis n’a pas été retenu. Dans une interview accordée à Public Sénat lundi, il déclarait d’ailleurs : « Mettre en place le CNN, on en parle depuis dix ans, c’est donc positif pour le numérique. Maintenant, on n’était pas à deux mois près, on aurait pu prendre deux mois de plus pour organiser une élection. »

La présence de Nicolas Voisin surprend peut-être davantage. PDG de la société 22 mars, il est également le directeur de publication du blog OWIN (Objet Web Non Identifié), particulièrement critique à l’égard de la Hadopi. Dans un billet posté ce matin même, il s’explique : « Mon approche et ma vision de l’Internet pourraient ainsi être perçues comme entrant de plein fouet en contradiction avec celles portées par l’actuel gouvernement. Je n’en ai pas moins accepté de faire partie du CNN, parce que sa composition et sa feuille de route me laissent à penser que les missions qui lui ont été attribuées ne seront pas vaines, et qu’il pourra bel et bien servir d’instance de concertation, et d’orientation, des politiques publiques appliquées au numérique. ». Il ajoute toutefois que la « tentation quasi adolescente de claquer la porte a été forte » et qu’il n’est pas « dupe : le Parlement n’aura probablement guère le temps d’être saisi de textes majeurs relatifs à l’Internet d’ici la présidentielle de 2012 ».

Le commentaire de Nicolas Voisin renvoie essentiellement au discours récent de Nicolas Sarkozy selon lequel Hadopi aurait sans doute été différente si le CNN avait existé.

Pour l’UFC-Que Choisir, le CNN est un « Medef du numérique »

Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir, parlait dès le 22 avril d’un véritable « Medef du numérique ». Particulièrement agacé, il ajoute : « Malgré l’enjeu (émettre des avis sur la neutralité du net, la protection de la vie privée, les contenus illicites…), la société civile est exclue de cette instance. On n’y trouve qu’une belle brochette de stars de l’économie numérique : Xavier Niel (Free), Franck Esser (SFR), Marc Simoncini (Meetic) et leurs pairs. Ni parlementaire, ni représentant des consommateurs ! Selon ce qui a filtré, le président Nicolas Sarkozy souhaiterait que le CNN « intègre pleinement » les consommateurs et la société civile. Mais comment, puisqu’ils n’y seront pas ? Le risque, de toute évidence, est d’être écoutés poliment mais pas entendus ! Le tout jeune CNN pourra alors être rebaptisé Chambre des Nababs du Numérique ! »

Le Spiil, la Quadrature du Net, l’April pointent l’absence de représentation des citoyens

Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net, parle désormais d’un « écran de fumée » destiné à « faire oublier le « bilan calamiteux de Nicolas Sarkozy en matière d'Internet à l'approche des élections ». L’absence des utilisateurs est également soulignée : « Le président et ses gouvernements se sont systématiquement assis sur nos libertés, avec l'HADOPI, la LOPPSI ou les appels à l'interdiction de WikiLeaks. Ils n'ont pour seule vision que l'Internet "civilisé", contrôlé par les grandes entreprises et l'État sécuritaire. Ce "machin" de plus, où les citoyens ne sont même pas représentés, ne pourra jamais être légitime ».

Le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (Spiil) se disait également « étonné » et « inquiet » de la composition du CNN. On retrouve une nouvelle fois une critique des membres du Conseil, puisque ces derniers sont « désignés par le seul président de la République, ce qui n'offre évidemment pas de garantie suffisante sur son indépendance. De plus, ses 18 membres pressentis sont essentiellement des représentants des grands groupes industriels des télécoms, des fournisseurs d'accès à Internet et des sociétés de commerce électronique. Le Spiil regrette que ne figure parmi eux aucun représentant des organisations professionnelles reconnues, ni des citoyens utilisateurs du numérique et aucun élu de la nation ». Et de demander « que la nomination et la composition du CNN soient totalement revues ». Peine perdue.

L’April, principale association de promotion et la défense du logiciel libre en France, n’y va pas non plus par quatre chemins : « Les membres du Conseil national du numérique installé par Nicolas Sarkozy ont été nommés par acte administratif et ceux-ci sont avant tout des acteurs de télécommunications et du commerce. Lors d'un petit-déjeuner préparatoire, un des futurs membres a expliqué que l'absence d'associations se justifiait pour le Président "pour éviter que cela tourne à la foire d'empoigne" ».

Le délégué général Frédéric Couchet estime que Nicolas Sarkozy mène déjà sa campagne pour les présidentielles de 2012 : « Après son implication dans la loi DADVSI4 (en tant que président de l'UMP), le vote des lois Hadopi et Loppsi sous sa présidence, Nicolas Sarkozy lance une opération de diversion à un an de l'élection présidentielle. Et cette opération de reconquête (le CNN et le eG8 à venir) semble concerner exclusivement les acteurs économiques de l'internet »
 

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