Mise à jour 7 avril 2011. La vidéo intégrale de la conférence.
Première publication 6 avril 2011 : Hier, dans les locaux de Priceminister, l’Asic, association des acteurs du web, a organisé un colloque sur la responsabilité des intermédiaires techniques. Une rencontre de premier ordre alors que la Cour d’appel de Paris a condamné voilà peu Google à supprimer et même empêcher la réapparition sur son moteur de contenus notifié comme illicite.
Avec cette décision, c’est l’arrivée en France du fameux Notice and Stay down qui est consacrée. En coulisse, c'est toute la problématique du filtrage et du blocage a priori des contenus. Une mesure pour le moins cavalière pour ces acteurs plus habitués au Notice and Take Down (on notifie une URL, un contenu illicite, on le supprime).
Giuseppe de Martino, Laure de la Raudière, Jean Bergevin, Yoram Elkaim
La rencontre a été ouverte avec le professeur Pierre Sirinelli qui a dressé justement une synthèse de la jurisprudence sur la responsabilité des intermédiaires techniques.
L'arrivée prétorienne du Notice and Stay Down
Le juriste décrira deux mouvements, comme si les magistrats étaient désireux de réaliser un équilibre, en tâtonnant en quête d’une vérité judiciaire. L’un est favorable aux plateformes, aux opérateurs techniques. L’autre, aux ayants droit, en ce qu’il s’avère plus musclé que la Directive e-commerce, siège de la LCEN.
Le mouvement favorable aux plateformes repose sur le récent arrêt de la Cour de cassation qui a renversé l’arrêt Tiscali (et son rapporteur Marie Françoise Marais). Avec cet arrêt, la haute juridiction estime que certaines plateformes 2.0 peuvent bien être regardées comme hébergeurs, même si elles se financent par de la publicité.
Mais les juridictions du fond ont aussi durci le régime juridique de ces intermédiaires en injectant peu à peu cette « obligation prétorienne du Take Down & Stay Down » dira le Pr. Sirinelli. En clair : quand un contenu est notifié à un intermédiaire, il ne doit plus réapparaitre en ligne.
Pourquoi un tel mouvement ? Il est parti de ce constat : on notifiait un contenu mis en ligne par un internaute A et ce contenu était retiré pour être remis en ligne par d’autres internautes (B, D, C…). Insupportable pour les ayants droit.
Dès février 2008, un tribunal a estimé qu’un contenu notifié comme illicite ne devait plus réapparaitre. En octobre 2009, même démarche, mais le TGI de Paris précise cette fois que peu importe que la remise en ligne soit le fait d’internautes différentes. Ce qui compte c’est le droit de propriété intellectuelle et la protection du contenu. Point barre.
Comme pour amortir le choc d’une telle jurisprudence, des décisions sont venues dans le même temps encadrer cette fameuse obligation de Stay down. Ainsi, une décision de septembre 2009 dira par exemple que l’obligation de Stay Down suppose que l’ayant droit collabore étroitement avec la plateforme pour définir des empreintes numériques, ces fameux marqueurs qui permettent à Dailymotion, YouTube, etc. d’empêcher la réapparition d’un contenu illicite. Une autre décision rendue le 26 mars 2010 dira cette fois que l’obligation de Stay Down est limitée dans le temps.
Ces errements ou tergiversations ont une raison d’être : la directive « source » ne dit rien de ces questions. Elle interdit simplement une obligation générale de surveillance. Or ici, on parle de surveillance ciblée sur un contenu déterminé.
Début 2011, la douche froide : la Cour d’appel de Paris notamment dans sa décision du 4 février ordonne à une plateforme la mise en place d'un système de lecture d’empreintes sans que cette plateforme puisse exiger des ayants droit la remise de l'empreinte correspondante. Ainsi, les plateformes doivent supporter toute la chaîne de travail (lecture, réalisation d’empreinte) et se débrouiller pour que le contenu n’apparaisse plus, sous peine de s’attirer les foudres des ayants droit qui, eux, n’ont qu’à dénoncer une fois pour toute le contenu (voir cette interview).
Le Pr Sirinelli fera l’inventaire des problématiques généré par cette jurisprudence favorable aux ayants droit : qui doit finalement réaliser l’empreinte, qui doit financer ? Que doit faire l’ayant droit quand il souhaite anticiper la première mise en ligne d’un contenu ? Quand un ayant droit est sous signature avec l’INA, est-ce que cette signature est implémentable chez Google, lequel a son propre système de signature ? Faut-il imposer tel système d’empreinte ? Plus globalement, faut-il imposer aux plateformes tous les systèmes de lecture d’empreinte? « Il y a toute une série de questions en cascade » conclut le juriste.
Pascal Rogard, de la SACD, soulignera pour sa part une autre difficulté dans la question des obligations des hébergeurs qu’il qualifie rapidement de « diffuseurs »: celle des télévisions connectées. Avec la convergence des technologies, on retrouve sur le même écran d’un côté des chaînes de télévision qui ont des obligations importantes et de l’autre des programmes diffusés via le web, qui grignotent des parts de marché publicitaire sans y être soumis. « Il faut que la concurrence soit loyale sur le marché de la pub », insistera Rogard.
Sur les systèmes d’empreinte, Pascal Rogard regrettera la concurrence des systèmes d’empreinte et les difficultés économiques que posent ces sujets. Si les grands ayants droit ont commencé à jouer le jeu avec une partie des plateformes, il y a la problématique des petits indépendants. Eux raisonnent davantage en préfinancement qu’en termes de recettes d’exploitations, et du coup, la lutte contre la piraterie est une dépense supplémentaire. Pascal Rogard glissera au passage que le CNC pourrait rendre obligatoire les systèmes de protection.
Ne pas légiférer trop vite
Parmi les autres intervenants, la députée Laure de la Raudière dira pour sa part qu’en ce secteur plus qu’ailleurs, il ne faut pas légiférer trop vite et tenir compte du cadre européen dont on dépend. « On ne doit pas handicaper le développement de l’activité numérique en France ». Un rapport sur ces questions, corédigé avec Corinne Erhel, sera rendu le 13 avril prochain.
Europe : un sujet bientôt dans les mains de Barnier ?
Jean Bergevin représentant de la Commission Européenne (Commerce et services de l’information) portera dans les locaux de Priceminister la parole de l’Union. Il reconnaitra que la directive qui a servi de creuset à la LCEN comporte des zones d’ombres et qu’une fois la jurisprudence européenne sera plus étoffée, une communication interprétative pourrait intervenir. En attendant, la Commission incite à la signature de charte entre acteurs qu’elle envisage d’aider à l’aide de recommandations afin là encore de clarifier les termes et mesurer l’impact frontalier de ces dispositifs. Un rapport d’application de la directive e-commerce sera aussi adopté fin juin.
Fait notable : Jean Bergevin a indiqué qu’on devrait retrouver toutes ces problématiques orientées droit d’auteur lors de la définition de la future stratégie sur la propriété intellectuelle, mission dirigée par le commissaire Barnier. Bergevin évoquera aussi la possibilité de proposer un système de « notice & counter notice » afin d’initier un dialogue entre les acteurs, l’ayant droit.
Reporters sans frontières
RSF reviendra aux questions fondamentales. Ces problématiques de responsabilité des intermédiaires techniques ne posent pas seulement des questions purement juridiques (qui est responsable de quoi) ou économiques (qui paye quoi), mais également des questions éthiques, des choix de société.
Pourquoi ? Car c’est justement grâce aux hébergeurs et le principe de neutralité des contenus que chacun peut poster librement des vidéos, des textes, etc. sans contrôle éditorial. L’intermédiaire technique, et sa conséquence directe, l’innovation technologique (apparition de nouveaux outils pour échanger) permettent la libre expression en ligne.
Or, tous les internautes qui participent sur les réseaux n’ont pas forcément la chance d’avoir un intermédiaire qui résiste aux notifications. C’est d’autant plus vrai que l’accès au juge est complexe, coûteux et risqué. Résultat ? L’intermédiaire frileux préfèrera supprimer un post (image, vidéo, texte, etc.) hébergé dans ses serveurs plutôt que d’entrer dans une interminable bataille juridique.
Il y a certes un garde-fou, c’est le délit de notification abusive qui est prévu par la loi. Mais son application suppose une action en justice et que soit démontrée la mauvaise foi de l’auteur de la notification. Un double écueil.
RSF tire du coup la sonnette d’alarme : plus on augmente la responsabilité des intermédiaires techniques, plus on va pousser au blocage et au filtrage, si ce n’est au retrait automatique des contenus. Et RSF en profite pour dénoncer au détour, l’ACTA qui risque de justifier justement un tel mouvement dans le monde.
L’analyse de terrain de Google
Yoram Elkaim, responsable juridique de Google (Southern & Eastern Europe,Middle East & Africa, Google) donnera son éclairage de terrain sur les risques qui se profilent derrière le Stay Down, Take Down.
Imaginons un internaute qui a un blog littéraire. Il veut poster une critique d’un ouvrage de Houellebecq. Mais lorsqu’il poste sa prose, une fenêtre pop-up lui dit que son contenu contient des éléments contrefaisants, ou du moins trop similaires à ce qui fut dénoncé comme tel. Notre internaute va sur Google et constate qu’aucun autre site n’affiche le contenu en question, hors les références au site officiel. Google affiche une simple mention en bas de page mentionnant laconiquement que des résultats problématiques ont été expurgés des résultats.
Voilà un rapide descriptif du monde du Take Down, Stay Down : celui où on va retirer un contenu car il est trop similaire à ce qui avait été notifié préalablement. Et celui où le juge va ordonner au moteur de se débrouiller pour mener à bien ce grand nettoyage.
Yoram Elkaim mentionnera aussi la contre-arme juridique qui permet de dénoncer des notifications abusives. Or, ici, ce n’est plus l’ayant droit qui abuse de la notification, mais l’algorithme qu’a adopté le moteur sous l’aiguillon du juge. L’intermédiaire technique devient donc avocat, juge et policier. Avec ce Take Down & Stay Down, on assiste dans le même temps à une déresponsabilisation des ayants droit sur le dos des intermédiaires techniques.
Pour les moteurs, qui ne sont pas abordés par la directive, la situation est épineuse : une vidéo problématique est mise en ligne par un tiers, sous sa responsabilité. Et c’est ce contenu qui va généraliser le filtrage du moteur, alors que c’est le tiers qui contrôle la mise en ligne et peut décider de la référencer ou non.
Première publication 6 avril 2011 : Hier, dans les locaux de Priceminister, l’Asic, association des acteurs du web, a organisé un colloque sur la responsabilité des intermédiaires techniques. Une rencontre de premier ordre alors que la Cour d’appel de Paris a condamné voilà peu Google à supprimer et même empêcher la réapparition sur son moteur de contenus notifié comme illicite.
Avec cette décision, c’est l’arrivée en France du fameux Notice and Stay down qui est consacrée. En coulisse, c'est toute la problématique du filtrage et du blocage a priori des contenus. Une mesure pour le moins cavalière pour ces acteurs plus habitués au Notice and Take Down (on notifie une URL, un contenu illicite, on le supprime).
Giuseppe de Martino, Laure de la Raudière, Jean Bergevin, Yoram Elkaim
La rencontre a été ouverte avec le professeur Pierre Sirinelli qui a dressé justement une synthèse de la jurisprudence sur la responsabilité des intermédiaires techniques.
L'arrivée prétorienne du Notice and Stay Down
Le juriste décrira deux mouvements, comme si les magistrats étaient désireux de réaliser un équilibre, en tâtonnant en quête d’une vérité judiciaire. L’un est favorable aux plateformes, aux opérateurs techniques. L’autre, aux ayants droit, en ce qu’il s’avère plus musclé que la Directive e-commerce, siège de la LCEN.
Le mouvement favorable aux plateformes repose sur le récent arrêt de la Cour de cassation qui a renversé l’arrêt Tiscali (et son rapporteur Marie Françoise Marais). Avec cet arrêt, la haute juridiction estime que certaines plateformes 2.0 peuvent bien être regardées comme hébergeurs, même si elles se financent par de la publicité.
Mais les juridictions du fond ont aussi durci le régime juridique de ces intermédiaires en injectant peu à peu cette « obligation prétorienne du Take Down & Stay Down » dira le Pr. Sirinelli. En clair : quand un contenu est notifié à un intermédiaire, il ne doit plus réapparaitre en ligne.
Pourquoi un tel mouvement ? Il est parti de ce constat : on notifiait un contenu mis en ligne par un internaute A et ce contenu était retiré pour être remis en ligne par d’autres internautes (B, D, C…). Insupportable pour les ayants droit.
Dès février 2008, un tribunal a estimé qu’un contenu notifié comme illicite ne devait plus réapparaitre. En octobre 2009, même démarche, mais le TGI de Paris précise cette fois que peu importe que la remise en ligne soit le fait d’internautes différentes. Ce qui compte c’est le droit de propriété intellectuelle et la protection du contenu. Point barre.
Comme pour amortir le choc d’une telle jurisprudence, des décisions sont venues dans le même temps encadrer cette fameuse obligation de Stay down. Ainsi, une décision de septembre 2009 dira par exemple que l’obligation de Stay Down suppose que l’ayant droit collabore étroitement avec la plateforme pour définir des empreintes numériques, ces fameux marqueurs qui permettent à Dailymotion, YouTube, etc. d’empêcher la réapparition d’un contenu illicite. Une autre décision rendue le 26 mars 2010 dira cette fois que l’obligation de Stay Down est limitée dans le temps.
Benoit Tabaka (Priceminister, ASIC)
Une directive trop silencieuseCes errements ou tergiversations ont une raison d’être : la directive « source » ne dit rien de ces questions. Elle interdit simplement une obligation générale de surveillance. Or ici, on parle de surveillance ciblée sur un contenu déterminé.
Début 2011, la douche froide : la Cour d’appel de Paris notamment dans sa décision du 4 février ordonne à une plateforme la mise en place d'un système de lecture d’empreintes sans que cette plateforme puisse exiger des ayants droit la remise de l'empreinte correspondante. Ainsi, les plateformes doivent supporter toute la chaîne de travail (lecture, réalisation d’empreinte) et se débrouiller pour que le contenu n’apparaisse plus, sous peine de s’attirer les foudres des ayants droit qui, eux, n’ont qu’à dénoncer une fois pour toute le contenu (voir cette interview).
Le Pr Sirinelli fera l’inventaire des problématiques généré par cette jurisprudence favorable aux ayants droit : qui doit finalement réaliser l’empreinte, qui doit financer ? Que doit faire l’ayant droit quand il souhaite anticiper la première mise en ligne d’un contenu ? Quand un ayant droit est sous signature avec l’INA, est-ce que cette signature est implémentable chez Google, lequel a son propre système de signature ? Faut-il imposer tel système d’empreinte ? Plus globalement, faut-il imposer aux plateformes tous les systèmes de lecture d’empreinte? « Il y a toute une série de questions en cascade » conclut le juriste.
Pierre Sirinelli, la représentante de RSF et Pascal Rogard
La concurrence entre les « diffuseurs » sur les télévisions connectéesPascal Rogard, de la SACD, soulignera pour sa part une autre difficulté dans la question des obligations des hébergeurs qu’il qualifie rapidement de « diffuseurs »: celle des télévisions connectées. Avec la convergence des technologies, on retrouve sur le même écran d’un côté des chaînes de télévision qui ont des obligations importantes et de l’autre des programmes diffusés via le web, qui grignotent des parts de marché publicitaire sans y être soumis. « Il faut que la concurrence soit loyale sur le marché de la pub », insistera Rogard.
Sur les systèmes d’empreinte, Pascal Rogard regrettera la concurrence des systèmes d’empreinte et les difficultés économiques que posent ces sujets. Si les grands ayants droit ont commencé à jouer le jeu avec une partie des plateformes, il y a la problématique des petits indépendants. Eux raisonnent davantage en préfinancement qu’en termes de recettes d’exploitations, et du coup, la lutte contre la piraterie est une dépense supplémentaire. Pascal Rogard glissera au passage que le CNC pourrait rendre obligatoire les systèmes de protection.
Ne pas légiférer trop vite
Parmi les autres intervenants, la députée Laure de la Raudière dira pour sa part qu’en ce secteur plus qu’ailleurs, il ne faut pas légiférer trop vite et tenir compte du cadre européen dont on dépend. « On ne doit pas handicaper le développement de l’activité numérique en France ». Un rapport sur ces questions, corédigé avec Corinne Erhel, sera rendu le 13 avril prochain.
Europe : un sujet bientôt dans les mains de Barnier ?
Jean Bergevin représentant de la Commission Européenne (Commerce et services de l’information) portera dans les locaux de Priceminister la parole de l’Union. Il reconnaitra que la directive qui a servi de creuset à la LCEN comporte des zones d’ombres et qu’une fois la jurisprudence européenne sera plus étoffée, une communication interprétative pourrait intervenir. En attendant, la Commission incite à la signature de charte entre acteurs qu’elle envisage d’aider à l’aide de recommandations afin là encore de clarifier les termes et mesurer l’impact frontalier de ces dispositifs. Un rapport d’application de la directive e-commerce sera aussi adopté fin juin.
Fait notable : Jean Bergevin a indiqué qu’on devrait retrouver toutes ces problématiques orientées droit d’auteur lors de la définition de la future stratégie sur la propriété intellectuelle, mission dirigée par le commissaire Barnier. Bergevin évoquera aussi la possibilité de proposer un système de « notice & counter notice » afin d’initier un dialogue entre les acteurs, l’ayant droit.
Reporters sans frontières
RSF reviendra aux questions fondamentales. Ces problématiques de responsabilité des intermédiaires techniques ne posent pas seulement des questions purement juridiques (qui est responsable de quoi) ou économiques (qui paye quoi), mais également des questions éthiques, des choix de société.
Pourquoi ? Car c’est justement grâce aux hébergeurs et le principe de neutralité des contenus que chacun peut poster librement des vidéos, des textes, etc. sans contrôle éditorial. L’intermédiaire technique, et sa conséquence directe, l’innovation technologique (apparition de nouveaux outils pour échanger) permettent la libre expression en ligne.
Or, tous les internautes qui participent sur les réseaux n’ont pas forcément la chance d’avoir un intermédiaire qui résiste aux notifications. C’est d’autant plus vrai que l’accès au juge est complexe, coûteux et risqué. Résultat ? L’intermédiaire frileux préfèrera supprimer un post (image, vidéo, texte, etc.) hébergé dans ses serveurs plutôt que d’entrer dans une interminable bataille juridique.
Il y a certes un garde-fou, c’est le délit de notification abusive qui est prévu par la loi. Mais son application suppose une action en justice et que soit démontrée la mauvaise foi de l’auteur de la notification. Un double écueil.
RSF tire du coup la sonnette d’alarme : plus on augmente la responsabilité des intermédiaires techniques, plus on va pousser au blocage et au filtrage, si ce n’est au retrait automatique des contenus. Et RSF en profite pour dénoncer au détour, l’ACTA qui risque de justifier justement un tel mouvement dans le monde.
L’analyse de terrain de Google
Yoram Elkaim, responsable juridique de Google (Southern & Eastern Europe,Middle East & Africa, Google) donnera son éclairage de terrain sur les risques qui se profilent derrière le Stay Down, Take Down.
Imaginons un internaute qui a un blog littéraire. Il veut poster une critique d’un ouvrage de Houellebecq. Mais lorsqu’il poste sa prose, une fenêtre pop-up lui dit que son contenu contient des éléments contrefaisants, ou du moins trop similaires à ce qui fut dénoncé comme tel. Notre internaute va sur Google et constate qu’aucun autre site n’affiche le contenu en question, hors les références au site officiel. Google affiche une simple mention en bas de page mentionnant laconiquement que des résultats problématiques ont été expurgés des résultats.
Voilà un rapide descriptif du monde du Take Down, Stay Down : celui où on va retirer un contenu car il est trop similaire à ce qui avait été notifié préalablement. Et celui où le juge va ordonner au moteur de se débrouiller pour mener à bien ce grand nettoyage.
Yoram Elkaim mentionnera aussi la contre-arme juridique qui permet de dénoncer des notifications abusives. Or, ici, ce n’est plus l’ayant droit qui abuse de la notification, mais l’algorithme qu’a adopté le moteur sous l’aiguillon du juge. L’intermédiaire technique devient donc avocat, juge et policier. Avec ce Take Down & Stay Down, on assiste dans le même temps à une déresponsabilisation des ayants droit sur le dos des intermédiaires techniques.
Pour les moteurs, qui ne sont pas abordés par la directive, la situation est épineuse : une vidéo problématique est mise en ligne par un tiers, sous sa responsabilité. Et c’est ce contenu qui va généraliser le filtrage du moteur, alors que c’est le tiers qui contrôle la mise en ligne et peut décider de la référencer ou non.