Le gouvernement a dévoilé le site http://www.visage-decouvert.gouv.fr. Celui-ci s’inscrit dans la lignée de la loi du 11 octobre 2010 qui interdit la dissimulation du visage dans l'espace public. Une « interdiction générale » qui entrera en vigueur le 11 avril 2011. Visage-decouvert.gouv.fr a ainsi « pour but d'informer tous les citoyens sur le contenu de cette loi et son application » peut-on lire sur ces pages. Affichette, dépliant et circulaire et questions réponses sont diffusés à ce titre. Problème : est ce qu'internet est un "lieu public" au sens du texte ? Capillotracté ?
Pour en revenir au texte les dispositions sont claires; L'article 1er dit que nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. L’article 2 ajoute que « l'espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ».
Mais question d’importance : le droit ayant horreur du vide, Internet n'est-il pas un de ces "lieux" ouverts au public ? Est-ce que par exemple lla prohibition s’applique sur un profil Facebook ouvert aux quatre vents mais présentant un visage voilé ?
Pour avoir quelques pistes, on peut se pencher sur le rapport de la Commission des lois
Celui-ci ne dit rien d’internet. Il parle de « voies publiques » considérées comme « tout passage accessible, route ou chemin, ouvert au public ». Il vise aussi les lieux affectés à un service public et surtout « les lieux ouverts au public », qui ne sont pas dans l’étude d’impact accompagnant la loi. Cette étude évoque simplement des lieux « dont plusieurs personnes, étrangères les unes aux autres, ne peuvent revendiquer l’exclusivité de la fréquentation. »
L'apport de Vinton Cerf
Nous avons également soulevé la problématique à un juriste, Cédric Manara, professeur associé à l’EDHEC : « le texte se référant aux "voies" et aux "lieux", il repose à mon avis sur une approche physique des espaces » nous éclaire-t-il. « L'internet est privé, à 100 % ou presque. C'est Vinton Cerf qui le rappelait en 2007. Alors qu'on lui demandait s'il croyait à la possibilité d'une agence de contrôle de l'internet façon Nations Unies, il répondit : "I believe it will be very hard to accomplish that objective for one simple reason -- 99 percent of the Internet, the physical Internet, is in private sector hands, operated by the private sector ».
Le caractère privé d'un lieu, sans effet si le lieu est ouvert au public
Toutefois, le rapport de la Commission des lois précité ne se préoccupe pas du caractère privé ou public. Voilà ce que dit les députés : « le caractère public ou privé d’un lieu n’a pas de conséquence sur le fait qu’il puisse être, ou non, ouvert au public. Un café, qui constitue une propriété privée, est un lieu ouvert au public, alors que tel n’est pas le cas des locaux d’une mairie qui ne sont pas destinés à recevoir les administrés. »
La question qui peut sembler absurde, capilotractée, reste donc posée en l’état. Une précision apportée par Cédric Manara : une réponse positive « signifierait qu'il y a au moins des parties de l'internet qu'on pourrait considérer comme domaine public (je prends l'expression au sens du droit administratif, pas du droit d'auteur). Cela serait plus simple si on avait un domaine public sur l'internet, et éviterait d'avoir à se battre tous les jours bec et ongles pour sauvegarder le régime de responsabilité aménagée des intermédiaires techniques. Pour moi, les hébergeurs sont l'équivalent fonctionnel du domaine public ».
(Si vous avez d'autres éléments de réponse, n'hésitez pas à réagir dans les commentaires ou nous contacter par email)

Pour en revenir au texte les dispositions sont claires; L'article 1er dit que nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. L’article 2 ajoute que « l'espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ».
Mais question d’importance : le droit ayant horreur du vide, Internet n'est-il pas un de ces "lieux" ouverts au public ? Est-ce que par exemple lla prohibition s’applique sur un profil Facebook ouvert aux quatre vents mais présentant un visage voilé ?
Pour avoir quelques pistes, on peut se pencher sur le rapport de la Commission des lois
Celui-ci ne dit rien d’internet. Il parle de « voies publiques » considérées comme « tout passage accessible, route ou chemin, ouvert au public ». Il vise aussi les lieux affectés à un service public et surtout « les lieux ouverts au public », qui ne sont pas dans l’étude d’impact accompagnant la loi. Cette étude évoque simplement des lieux « dont plusieurs personnes, étrangères les unes aux autres, ne peuvent revendiquer l’exclusivité de la fréquentation. »
L'apport de Vinton Cerf
Nous avons également soulevé la problématique à un juriste, Cédric Manara, professeur associé à l’EDHEC : « le texte se référant aux "voies" et aux "lieux", il repose à mon avis sur une approche physique des espaces » nous éclaire-t-il. « L'internet est privé, à 100 % ou presque. C'est Vinton Cerf qui le rappelait en 2007. Alors qu'on lui demandait s'il croyait à la possibilité d'une agence de contrôle de l'internet façon Nations Unies, il répondit : "I believe it will be very hard to accomplish that objective for one simple reason -- 99 percent of the Internet, the physical Internet, is in private sector hands, operated by the private sector ».
Le caractère privé d'un lieu, sans effet si le lieu est ouvert au public
Toutefois, le rapport de la Commission des lois précité ne se préoccupe pas du caractère privé ou public. Voilà ce que dit les députés : « le caractère public ou privé d’un lieu n’a pas de conséquence sur le fait qu’il puisse être, ou non, ouvert au public. Un café, qui constitue une propriété privée, est un lieu ouvert au public, alors que tel n’est pas le cas des locaux d’une mairie qui ne sont pas destinés à recevoir les administrés. »
La question qui peut sembler absurde, capilotractée, reste donc posée en l’état. Une précision apportée par Cédric Manara : une réponse positive « signifierait qu'il y a au moins des parties de l'internet qu'on pourrait considérer comme domaine public (je prends l'expression au sens du droit administratif, pas du droit d'auteur). Cela serait plus simple si on avait un domaine public sur l'internet, et éviterait d'avoir à se battre tous les jours bec et ongles pour sauvegarder le régime de responsabilité aménagée des intermédiaires techniques. Pour moi, les hébergeurs sont l'équivalent fonctionnel du domaine public ».
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