Fin janvier, les eurodéputés Françoise Castex et Stavros Lambrinidis questionnaient la Commission européenne pour obtenir des explications sur les « tractations secrètes » autour de la lutte contre la contrefaçon en ligne.
Selon des fuites, l’objectif est d’organiser une forme de coopération paneuropéenne entre les ayants droit et les fournisseurs d’accès. « Il ressort des informations divulguées que la Commission s’emploie à faciliter la négociation d’un protocole d’accord qui, pour l’essentiel, exigerait des FSI qu’ils surveillent l’activité internet journalière de leurs clients et qu’ils les informe, ainsi que les titulaires de DPI, de toute atteinte éventuelle au droit d’auteur, susceptible de déclencher la déconnexion du service » précisaient dans leur question Mme Castex et M. Lambrinidis. « Ce protocole d’accord s’appliquerait à toute l’UE et serait signé par les associations commerciales telles que l’Association européenne des exploitants de réseaux de télécommunications (ETNO) et la Fédération internationale de l’industrie phonographique » (l’IFPI en anglais). Et les parlementaires de dénoncer le caractère secret de ces pourparlers, déconnectés des instances démocratiques.
Nous venons de l’apprendre : la Commission européenne a officiellement répondu à cette question écrite. Une réponse « mi-figue mi-raisin » nous commente-t-on. La réponse a été donnée , au nom de la Commission par Michel Barnier (UMP, colisiter de Marielle Gallo). Nous la publions in extenso ci-dessous, suivie de nos commentaires :
Michel Barnier confirme donc l’existence de tractation mais nie qu’elles visent à « encourager la surveillance des activités des utilisateurs d'internet en vue d'une éventuelle interruption de leur connexion. » Elles peuvent donc viser à encourager la surveillance, le filtrage, etc. sans pour autant aboutir sur une « interruption de connexion ».
Dans ce débat, la Commission se dit « neutre », « socle d’une assistance logistique et administrative ». Sur ces thèmes, on se souvient que ce même Michel Barnier s’était servi en défense du rapport Gallo, d’une étude du cabinet Tera. Une étude réalisée pour le compte de la BASCAP, organisme dirigé par Jean René Fourtou, également numéro un de Vivendi Universal. Le cabinet en question avait déjà eu le bon goût, juste avant le débat Hadopi, de se servir des chiffres de l’industrie du contenu pour mesurer l’empreinte économique du « piratage ». Et là encore, il fut remis aux pro-Hadopi et servi en défense du texte sur la réponse graduée.
Une commission neutre, une transparence relative
La neutralité n’implique pas transparence : Barnier refuse de fournir l'identité des participants. Du moins, il ne diffusera que les noms des entreprises et des organismes, pas celui des personnes physiques. « La publication des noms n'a pas d'intérêt majeur » affirme-t-il.
Michel Barnier jure dans le temps que le processus est « ouvert » sans exclure « aucune partie directement concernée par le sujet traité »... On comprend mal du coup pourquoi les eurodéputés ont dû se saisir d’une question pour connaître les détails de ce processus « ouvert ».
Mais pour citer un exemple, le représentant de la Commission affirme que le contrôleur européen de la protection des données est parfois invité autour de la table, du moins « lorsque des sujets liés à la protection des données sont à l'ordre du jour ». Pas plus.
Objectif de ces tractations ?
Mais à quoi servent ces tractations actuellement ? Michel Barnier évoque les « expériences et problèmes pratiques rencontrés par les titulaires de droits et les FSI dans l'application » de la directive sur les droits de propriété intellectuelle. Le texte est suffisamment vaste pour permettre d’aborder absolument à peu près tous les sujets.
Pousser en avant les offres licites
Barnier évoque un autre thème : la possibilité d'élaborer des mesures conjointes entre les ayants droit et les fournisseurs de services internet afin d’améliorer l'accès des utilisateurs d'internet aux offres licites. Ceux qui avaient suivi les débats sur Hadopi se souviennent par exemple de la tentative du rapporteur et futur membre de l’Hadopi Franck Riester (son amendement). Elle visait à survaloriser les offres légales dans les moteurs de recherche. Quand on connaît l’importance du référencement, c’était là une prime concurrentielle d’une valeur considérable pour les services en ligne élus.
L’idée fut cependant abandonnée après une levée de bouclier des moteurs notamment. La question de la mise en évidence de l’offre légale est de plus très complexe. Jaimelesartistes.fr est un site où la bonne parole pro Hadopi avait été portée très tôt. Sur une page référençant les différentes offres légales, le FAI Free avait été sous qualifié par rapport à ses concurrents, iTunes avait été oublié mais les utilisateurs pouvaient trouver dans le même temps un site d’arnaques en ligne...
Selon des fuites, l’objectif est d’organiser une forme de coopération paneuropéenne entre les ayants droit et les fournisseurs d’accès. « Il ressort des informations divulguées que la Commission s’emploie à faciliter la négociation d’un protocole d’accord qui, pour l’essentiel, exigerait des FSI qu’ils surveillent l’activité internet journalière de leurs clients et qu’ils les informe, ainsi que les titulaires de DPI, de toute atteinte éventuelle au droit d’auteur, susceptible de déclencher la déconnexion du service » précisaient dans leur question Mme Castex et M. Lambrinidis. « Ce protocole d’accord s’appliquerait à toute l’UE et serait signé par les associations commerciales telles que l’Association européenne des exploitants de réseaux de télécommunications (ETNO) et la Fédération internationale de l’industrie phonographique » (l’IFPI en anglais). Et les parlementaires de dénoncer le caractère secret de ces pourparlers, déconnectés des instances démocratiques.
Nous venons de l’apprendre : la Commission européenne a officiellement répondu à cette question écrite. Une réponse « mi-figue mi-raisin » nous commente-t-on. La réponse a été donnée , au nom de la Commission par Michel Barnier (UMP, colisiter de Marielle Gallo). Nous la publions in extenso ci-dessous, suivie de nos commentaires :
Pas de surveillance destinée à la déconnexion, mais...« La Commission ne participe pas à aucune négociation secrète visant à encourager la surveillance des activités des utilisateurs d'internet en vue d'une éventuelle interruption de leur connexion.
Toutefois, les services de la Commission utilisent l'approche du dialogue des parties prenantes pour se pencher sur des questions d'atteintes au droit d’auteur en ligne. Dans le cadre de cette approche, ils favorisent un échange de vues entre les parties directement concernées sur des problèmes pratiques précis qui pourraient trouver leur solution dans les dispositions juridiques existantes. Les services de la Commission agissent comme un organe neutre en présidant les réunions et en offrant une assistance logistique et administrative au dialogue qui se déroule entre les parties. Dans sa communication sur l'application des droits de propriété intellectuelle de septembre 2009 , la Commission expliquait déjà cette méthode de travail qui a récemment reçu un large soutien de la part du Parlement européen .
Les services du Parlement européen transmettront aux honorables parlementaires les informations spécifiques qu'ils ont demandées concernant l'identité des participants au dialogue des parties prenantes. Les noms des participants sont considérés comme des données à caractère personnel. Étant donné que la publication des noms n'a pas d'intérêt majeur, seul le nom de l'entreprise ou de l'organisation professionnelle sera révélé.
Un dialogue des parties prenantes est un processus ouvert qui n'exclut aucune partie directement concernée par le sujet traité. Il est très courant d'inviter des représentants du contrôleur européen de la protection des données à y participer lorsque des sujets liés à la protection des données sont à l'ordre du jour.
Actuellement, les sujets abordés dans le cadre du dialogue des parties prenantes en cours sont les expériences et problèmes pratiques rencontrés par les titulaires de droits et les FSI dans l'application des dispositions juridiques en vigueur, à savoir la directive relative au respect des DPI . L'objectif est de recenser et de mieux comprendre les principaux problèmes qui se posent et les solutions possibles à ceux-ci dans le cadre des dispositions en vigueur de cette directive. En parallèle, les parties prenantes ont reconnu l'importance des offres licites, facilement accessibles et attractives, et ont convenu d'étudier la possibilité d'élaborer des mesures conjointes pour les titulaires de droits et les FSI, ce qui améliorerait l'accès des utilisateurs d'internet à ces offres licites. Il n'y a aucune négociation en cours à ce sujet.
Conformément à l'initiative « Mieux légiférer » de la Commission, une consultation publique a été lancée sur la base du rapport sur l'application de la directive relative au respect des DPI, adopté par la Commission à la fin 2010 . Les participants au dialogue des parties prenantes ne bénéficient pas d'un régime préférentiel lors de cette consultation. »
Michel Barnier confirme donc l’existence de tractation mais nie qu’elles visent à « encourager la surveillance des activités des utilisateurs d'internet en vue d'une éventuelle interruption de leur connexion. » Elles peuvent donc viser à encourager la surveillance, le filtrage, etc. sans pour autant aboutir sur une « interruption de connexion ».
Dans ce débat, la Commission se dit « neutre », « socle d’une assistance logistique et administrative ». Sur ces thèmes, on se souvient que ce même Michel Barnier s’était servi en défense du rapport Gallo, d’une étude du cabinet Tera. Une étude réalisée pour le compte de la BASCAP, organisme dirigé par Jean René Fourtou, également numéro un de Vivendi Universal. Le cabinet en question avait déjà eu le bon goût, juste avant le débat Hadopi, de se servir des chiffres de l’industrie du contenu pour mesurer l’empreinte économique du « piratage ». Et là encore, il fut remis aux pro-Hadopi et servi en défense du texte sur la réponse graduée.
Une commission neutre, une transparence relative
La neutralité n’implique pas transparence : Barnier refuse de fournir l'identité des participants. Du moins, il ne diffusera que les noms des entreprises et des organismes, pas celui des personnes physiques. « La publication des noms n'a pas d'intérêt majeur » affirme-t-il.
Michel Barnier jure dans le temps que le processus est « ouvert » sans exclure « aucune partie directement concernée par le sujet traité »... On comprend mal du coup pourquoi les eurodéputés ont dû se saisir d’une question pour connaître les détails de ce processus « ouvert ».
Mais pour citer un exemple, le représentant de la Commission affirme que le contrôleur européen de la protection des données est parfois invité autour de la table, du moins « lorsque des sujets liés à la protection des données sont à l'ordre du jour ». Pas plus.
Objectif de ces tractations ?
Mais à quoi servent ces tractations actuellement ? Michel Barnier évoque les « expériences et problèmes pratiques rencontrés par les titulaires de droits et les FSI dans l'application » de la directive sur les droits de propriété intellectuelle. Le texte est suffisamment vaste pour permettre d’aborder absolument à peu près tous les sujets.
Pousser en avant les offres licites
Barnier évoque un autre thème : la possibilité d'élaborer des mesures conjointes entre les ayants droit et les fournisseurs de services internet afin d’améliorer l'accès des utilisateurs d'internet aux offres licites. Ceux qui avaient suivi les débats sur Hadopi se souviennent par exemple de la tentative du rapporteur et futur membre de l’Hadopi Franck Riester (son amendement). Elle visait à survaloriser les offres légales dans les moteurs de recherche. Quand on connaît l’importance du référencement, c’était là une prime concurrentielle d’une valeur considérable pour les services en ligne élus.
L’idée fut cependant abandonnée après une levée de bouclier des moteurs notamment. La question de la mise en évidence de l’offre légale est de plus très complexe. Jaimelesartistes.fr est un site où la bonne parole pro Hadopi avait été portée très tôt. Sur une page référençant les différentes offres légales, le FAI Free avait été sous qualifié par rapport à ses concurrents, iTunes avait été oublié mais les utilisateurs pouvaient trouver dans le même temps un site d’arnaques en ligne...