Mise à jour 1 er avril : Les critiques ont finalement porté contre ce rapport parlementaire. L'entourage des sénateurs à l'initiative de ce troisième statut de la LCEN a indiqué à l'AFP que l'éditeur de service ne verrait pas le jour en France. « Cela relève plutôt du domaine communautaire » a-t-on expliqué à l'agence France Presse. Nous reviendrons bientôt sur ces questions.
Première diffusion 18 février 2011
Un rapport parlementaire juge que les statuts hébergeur et éditeur devraient être dépoussiérés. L’objectif ? Définir un statut intermédiaire, celui définissant de nouvelles responsabilités pour les hébergeurs un peu trop actifs dans leur profession. Une nouvelle catégorie d’intermédiaire nommé éditeur de service. Benoit Tabaka, Directeur des Affaires juridiques et réglementaires de PriceMinister, et l’un des spécialistes du droit de l’internet, a bien accepté de répondre à nos questions sur cette problématique.
Première diffusion 18 février 2011
Un rapport parlementaire juge que les statuts hébergeur et éditeur devraient être dépoussiérés. L’objectif ? Définir un statut intermédiaire, celui définissant de nouvelles responsabilités pour les hébergeurs un peu trop actifs dans leur profession. Une nouvelle catégorie d’intermédiaire nommé éditeur de service. Benoit Tabaka, Directeur des Affaires juridiques et réglementaires de PriceMinister, et l’un des spécialistes du droit de l’internet, a bien accepté de répondre à nos questions sur cette problématique.
Benoit Tabaka, dans les locaux de PriceMinister
Alors que la Cour de cassation vient de clarifier le statut hébergeur/éditeur, un rapport parlementaire envisage de patcher la LCEN avec une nouvelle catégorie d’acteur : l’éditeur de service (voir tableau ci-dessous). Qu’en dites-vous ? "L'imagination n'est fertile que lorsqu'elle est futile". Nabokov a sans doute inspiré les parlementaires. Depuis bientôt 15 ans, la question du statut des intermédiaires sur internet agite tous les acteurs. Nous avons eu une directive, deux lois, des dizaines de rapports et plus d'une centaine de décisions de justice. La proposition des députés s'inscrit dans ce mouvement, mais également dans une croyance selon laquelle les intermédiaires de l'internet seraient irresponsables. Et donc, on essaye de patcher cela par la voie législative.
On créerait un nouveau régime qui ne serait ni celui de l'hébergeur, ni celui du droit commun. Une sorte de régime présenté comme mieux-disant, comme strict milieu entre deux extrêmes. La dernière tentative de ce type a été inscrite dans la loi HADOPI et a abouti à la création d'un régime juridique totalement spécifique pour les messages diffusés dans les espaces de discussion, blogs, forums (ndlr : voir le blog de M. Tabaka et notre actualité). Il s'agissait d'alléger la responsabilité des administrateurs de ces espaces de libre expression. L'application concrète a abouti à l'effet inverse.
Au final, il faut s'en tenir à l'équilibre forgé par la directive commerce électronique : le régime de l'hébergeur n'est qu'une exception au régime de droit commun et surtout, le régime de l'hébergeur n'est pas un régime d'irresponsabilité.
Le statut de l’hébergeur ne satisfait pas les ayants droit, qui visiblement, réclament toujours plus de surveillance dans les contenus stockés. N’est-ce pas le signe d’une inadaptation ? Que préconisez-vous ?
Dès lors que ce régime est contesté par certains ayants droit, mais demandé par les intermédiaires de l'internet, on ne peut pas forcément y voir un signe d'inadaptation. La question de la surveillance des contenus stockés par les intermédiaires est récurrente. En effet, le principe de "notification" repose avant tout sur un contrôle opéré par les personnes victimes d'un contenu sur l'internet. Dans ces conditions, et au regard des coûts humains que cela peut représenter, il est naturel que les ayants droit sollicitent de la part des intermédiaires ces contrôles a priori.
Seulement, et notamment en matière de contrefaçon, il faut rappeler un point : seul le titulaire de droit a la connaissance de ses droits. Par défaut, un intermédiaire quel qu'il soit ne peut pas savoir si telle ou telle personne a ou non les droits pour procéder à la mise en ligne d'un contenu sur un blog ou sur une plate-forme de vidéo. Un intermédiaire ne peut pas déterminer avec ses propres connaissances si un objet est une contrefaçon d'une grande marque. Pour autant, les intermédiaires ne restent pas passifs. Tous ont mis en œuvre des dispositifs pour aider les ayants droit dans leur lutte contre la contrefaçon, passant notamment non pas par un contrôle humain de chacun des contenus, mais par des analyses techniques (fingerprinting, mots clés) permettant de détecter les principaux contenus problématiques.
En matière de contrefaçon de produits, des chartes ont pu être conclues avec des marques. Toutes n'ont pas encore répondu présent. Mais l'objectif de ces chartes est de montrer que les intermédiaires veulent aussi s'investir dans la lutte contre la contrefaçon. En matière de vidéo, on attend toujours depuis près de deux ans que les travaux initiés au sein du CSPLA se poursuivent. Ces travaux portaient justement sur les outils de fingerprinting et sur les mesures volontaires que les intermédiaires voulaient mettre en œuvre. Aujourd'hui, les mêmes acteurs qui refusent de s'engager dans cette voie de dialogue réclament une loi. Cela peut paraît étonnant et peut être contreproductif.
La politique de PriceMinister en termes de détection des anomalies (contrefaçons, etc.) est citée comme exemple par les deux parlementaires pour légitimer le nouveau statut. Cela vous gêne ?
Que la politique de PriceMinister soit citée en exemple ne nous gêne pas.
Que notre politique soit utilisée pour justifier la création d'un nouveau statut me semble un peu plus critiquable. En effet, si avec le cadre juridique actuel, un acteur économique a des résultats positifs en matière de lutte contre la contrefaçon, pourquoi modifier le cadre juridique ? Si le cadre juridique incite à avoir une démarche de lutte contre les contenus illicites, pourquoi le modifier ?
Surtout, un amalgame est fait entre divers métiers. Détecter une annonce proposant à la vente une fausse paire de chaussures Nike ou un faux Ipad n'est pas la même chose que détecter une vidéo intégrant sans droits telle ou telle musique. Les outils ne sont pas les mêmes. Les méthodes de contrôle ne sont pas les mêmes. Les enjeux ne sont pas identiques. En matière de plateformes de commerce électronique, le fingerprinting n'existe pas. En matière de plateforme de vidéos, l'analyse des ventes réalisées par un utilisateur n'existe pas.
Depuis 2006, PriceMinister a souhaité élaboré une démarche de lutte contre la contrefaçon pour plusieurs raisons. Une raison juridique afin d'éviter tout risque de contentieux potentiellement préjudiciable. Une raison aussi plus profonde : le modèle de PriceMinister repose sur le concept d'achat-vente garanti. Nous avons donc un souhait fort : protéger les acheteurs de tous les produits dangereux ou non conformes et, d'autre part, protéger les vendeurs de la concurrence déloyale du faux. Enfin, en tant qu'un des leaders du commerce électronique en France, nous souhaitons éviter que des consommateurs déçus par un achat de contrefaçon puissent être plus globalement déçus par le commerce électronique. Partant de là, nous avons décidé d'avoir une politique déterminée et forte. Nous avons décidé d'investir des moyens humains et financiers à cette fin.
Merci Benoit Tabaka.