C’est peu de le dire : la réponse faite par le ministère de la Culture au député Yannick Favennec dénonçant « l'opacité des droits Sacem, notamment envers les associations » a été très mal accueillie côté SACEM. La société de gestion tenait hier une conférence de presse où elle a tenu à rectifier les propos d'un ministre "insuffisamment informé". Au passage, la SACEM a également tenu à répéter la faible confiance qu'elle accordait dans l'Hadopi (actualité à venir).
D’abord un rappel. Le 22 décembre, dans l’hémicycle, le ministre répondait à ce député en colère, en des termes peu fleuris :
Réaction à chaud de Laurent PetitGirard, du Conseil d’administration de la SACEM : « je pense que Frédéric Mitterrand s’est laissé aller dans un moment de lyrisme et qu’il n’est pas suffisamment informé ». L’une des pistes explicatives ? « Qu’on le veuille ou non dans une période de crise ou de difficulté, il y a des sommes [le salaire de 600 000 euros de Bernard Miyet, président de la SACEM, NDLR] qui ne sont pas audibles alors qu’elles sont parfaitement justifiées, car l’ensemble des auteurs va largement bénéficier du travail d’un personnage aussi important. » Le Conseil d’Administration rencontrera dès jeudi Frédéric Mitterrand, visiblement pour lui réexpliquer ce contexte.
Mais hier, devant les journalistes présents, PetitGirard tiendra à réexpliquer quelques règles de bienséances, avant de se lancer dans une grande phase explicative sur la transparence de la galaxie Sacem : « que notre ministère de tutelle, notre ministre, à l’Assemblée nationale devant la représentation nationale exprime plus que des réserves, des accusations graves qui l’amènent ensuite à parler d’une mission d’inspection qui sera la bienvenue là, nous avons tous estimé qu’il était temps de répondre sans chercher à faire une polémique en disant les choses telles qu’elles doivent être dites ». Laurent Petitgirard expliquera par le détail en quoi la SACEM ne souffre d’aucune opacité dans la perception, dans la gestion et dans la répartition. « Nous avons un portail où tout est expliqué ! »
La modération significative des droits… de qui ?
Stupeur et tremblements à la lecture du passage où Mitterrand demandera « la modération significative de ces droits ».
« Je suis sidéré de voir dans l’histoire de la Ve république un ministre de la Culture proposer à l’Assemblée nationale une baisse des droits d’auteur » Baisser les droits de qui ? demandera Petitgirard avant de répondre : le répertoire de bal populaire, alimenté par des auteurs « extrêmement fragiles », « dont nous sommes très fières de répartir les droits ». « Baisser ces droits c’est aller toucher une population extrêmement fragile !»
Le traitement de défaveur de la musique face au cinéma
La Sacem se fera aussi la porte-parole du monde de la musique, monde qui ressent mal un possible traitement inégal avec l’univers du cinéma. « Il y a depuis quelques années un soutien sans faille au cinéma, et c’est tant mieux. Il y a un soutien maintenu aux interprètes, ils le méritent, aux producteurs, etc. et tout d’un coup on a franchement l’impression que les auteurs sont les seuls oubliés ». Citant l’exemple du COSIP, en faveur du cinéma, non la musique, Petitgirard dira : « nous avons l’impression d’avoir un ministère qui est l’ami du cinéma, l’ami des interprètes, l’ami des producteurs, mais qu’il a oublié la musique ».
Les vases communicants entre copie privée et financement étatique
Fait plus intéressant : Laurent Petitgirard décrira les liaisons intimes entre copie privée et budget culturel : « Depuis la loi de 85, vous savez que 75% des sommes que nous recevons pour la copie privée sont réparties, et 25% doivent être consacrés à l’intérêt général c'est-à-dire à la création, la formation, le spectacle vivant. Nous nous sommes rendu compte que cet argent est essentiel. Il est essentiel, car, ne nous trompons pas, quand la copie privée représente 250 millions d’euros, cela veut dire qu’il y a des sommes de plus de 60 millions d’euros vont dans le spectacle vivant, la formation… et que ces sommes, l’État lui-même est bien content qu’elle soit là, car on ne peut pas dire que ça a été forcément un argent en plus. Plus il y avait du culturel qui venait de la copie privée et moins il y avait d’aides au niveau du ministère ; très souvent on nous demande de venir pallier et de venir aider parce qu’il n’y a pas assez d’argent du côté du ministère ».
Cette « demande » émise par le ministère donne une coloration particulière entre la rémunération pour copie privée et le budget de la Rue de Valois, laquelle participe déjà à la nomination du président de la Commission copie privée.
En faisant basculer ces financements d’une source publique à une source privée, on demande au consommateur de venir financer ce que la Rue de Valois ne veut assumer dans ses missions d’intérêt général. La mauvaise défense de ce financement privée par les services de Frédéric Mitterand génère des couacs au Conseil d’État comme l’a reconnu Olivier Henrard. Mais elle permet aussi et surtout de consacrer plus de fonds à d’autres postes budgétaires comme le financement des 13 millions servant à alimenter les gourmandises de l’Hadopi.
La réserve puisée sur la copie privée, dénoncée par la Commission de contrôle
Mieux encore : la Sacem indiquera que depuis quelques années, elle a effectué une petite réserve sur les sommes prélevées au titre de la copie privée. Pourquoi ? Tout simplement pour lisser d’une année sur l’autre les montants à redistribuer, entre les années creuses et celles fructueuses ; « cette réserve étant placée, les intérêts financiers de cette réserve abondent ce budget culturel » assure le conseil d’administration.
La commission de contrôle, proche de la Cour des comptes, avait cependant demandé aux sociétés de gestions que toutes ces sommes soient dépensées dans l’année. « On a suivi ce conseil » admettra Petitgirard avant d’émettre de profonds regrets, un choix peu judicieux : « Dans les deux années qui ont suivi la copie privée a baissé fortement et quand vous avez une baisse de 20%, vous ne pouvez pas dire ‘je baisse tout le monde de 20%’, parce que vous êtes engagés dans des plans triennaux, vous êtes part de la vie des festivals, des petites associations, …vous êtes alors obligés d’en abandonner quelques-uns et cela a été dramatique. On s’est dit plus jamais : la copie privée étant repartie (à la hausse, NDLR), nous avons reconstitué une provision que ça plaise ou non à la commission, car nous sommes sur le terrain. La commission redemande qu’on la dépense immédiatement ? Nous ne la dépenserons pas, car ils ont tort. Ils ont raison dans leur bureau, ils ont tort sur le terrain ! »
D’abord un rappel. Le 22 décembre, dans l’hémicycle, le ministre répondait à ce député en colère, en des termes peu fleuris :
Le lyrisme et le déficit d’information de Frédéric MitterrandM. Yannick Favennec. Monsieur le ministre de la Culture et de la Communication, de nombreuses petites associations à but non lucratif doivent faire face à la pression qu’exercent les sociétés de perception qui gèrent les droits des artistes et producteurs, dont la plus connue est la SACEM.En effet, en raison d’un véritable manque de transparence du mode de calcul comme des critères d’évaluation de ces droits, les bénévoles qui œuvrent au sein des associations éprouvent un réel sentiment d’injustice. Ces associations, très présentes en milieu rural, comme c’est le cas chez moi dans la Mayenne, ne partagent pas de bénéfices, ne s’enrichissent pas directement ni indirectement. Leur seul but est de contribuer au développement du lien social et à l’animation de nos territoires. Monsieur le ministre, si les droits d’auteur doivent être protégés, il est également indispensable qu’ils puissent être calculés avec moins d’opacité et davantage d’équité. Les associations ne refusent pas de payer des droits aux auteurs et compositeurs, mais elles s’inquiètent du poids qu’une telle redevance représente dans leur budget, en l’absence totale de transparence comme de cohérence de la part de la SACEM. Cette situation démotive les bénévoles et risque de pénaliser les initiatives culturelles locales auxquelles vous êtes, je le sais, très attaché. Monsieur le ministre, à l’aube de l’année 2011, année européenne du bénévolat, pouvez-vous nous indiquer les mesures qui pourraient être prises pour répondre aux préoccupations des bénévoles et remédier au découragement qui les gagne, tout en préservant, bien entendu, les droits des auteurs et compositeurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication. Monsieur le député, je vous remercie d’évoquer cette question qui concerne au premier chef les initiatives culturelles locales prises par les bénévoles, dont j’ai pu, en mainte occasion, mesurer le désarroi. Les harmonies et les fanfares, mais aussi les spectacles amateurs, les animations dans les kermesses, les marchés et les bars, sont confrontés à des prélèvements qu’ils ressentent comme des harcèlements opaques et confiscatoires. Le droit d’auteur, parce qu’il protège les créateurs et garantit leur rémunération, est une exigence avec laquelle il ne faut évidemment pas transiger. Cependant, en matière de tarification comme dans le fonctionnement des sociétés concernées, la plus grande transparence et la modération doivent prévaloir, notamment lorsque sont en cause des collectivités de taille modeste ou des petites associations. Qui décide quoi ? Qui représente qui ? (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Que valent les accords d’un petit orphéon municipal devant des formulaires incompréhensibles et des demandes comminatoires ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je veillerai donc attentivement à ce que les remarques de la commission permanente de contrôle soient suivies d’effet. En ce qui concerne la justification des frais de gestion et des coûts de structure invraisemblables, je demande aux services de mon ministère une mission d’inspection. Le temps de l’opacité doit prendre fin ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je souhaite que les petites associations soient mieux prises en considération. Des discussions ont d’ores et déjà lieu, les sociétés de répartition s’étant rendu compte du problème. Je pense qu’il faut aller plus loin, et qu’un accord rapide et juste sur la simplification des tarifs demandés aux petites associations, le renforcement de la transparence de ces tarifs, la généralisation de la pratique du forfait, la modération significative de ces droits, intervienne enfin. J’y serai personnellement très attentif. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Réaction à chaud de Laurent PetitGirard, du Conseil d’administration de la SACEM : « je pense que Frédéric Mitterrand s’est laissé aller dans un moment de lyrisme et qu’il n’est pas suffisamment informé ». L’une des pistes explicatives ? « Qu’on le veuille ou non dans une période de crise ou de difficulté, il y a des sommes [le salaire de 600 000 euros de Bernard Miyet, président de la SACEM, NDLR] qui ne sont pas audibles alors qu’elles sont parfaitement justifiées, car l’ensemble des auteurs va largement bénéficier du travail d’un personnage aussi important. » Le Conseil d’Administration rencontrera dès jeudi Frédéric Mitterrand, visiblement pour lui réexpliquer ce contexte.
Mais hier, devant les journalistes présents, PetitGirard tiendra à réexpliquer quelques règles de bienséances, avant de se lancer dans une grande phase explicative sur la transparence de la galaxie Sacem : « que notre ministère de tutelle, notre ministre, à l’Assemblée nationale devant la représentation nationale exprime plus que des réserves, des accusations graves qui l’amènent ensuite à parler d’une mission d’inspection qui sera la bienvenue là, nous avons tous estimé qu’il était temps de répondre sans chercher à faire une polémique en disant les choses telles qu’elles doivent être dites ». Laurent Petitgirard expliquera par le détail en quoi la SACEM ne souffre d’aucune opacité dans la perception, dans la gestion et dans la répartition. « Nous avons un portail où tout est expliqué ! »
La modération significative des droits… de qui ?
Stupeur et tremblements à la lecture du passage où Mitterrand demandera « la modération significative de ces droits ».
« Je suis sidéré de voir dans l’histoire de la Ve république un ministre de la Culture proposer à l’Assemblée nationale une baisse des droits d’auteur » Baisser les droits de qui ? demandera Petitgirard avant de répondre : le répertoire de bal populaire, alimenté par des auteurs « extrêmement fragiles », « dont nous sommes très fières de répartir les droits ». « Baisser ces droits c’est aller toucher une population extrêmement fragile !»
Le traitement de défaveur de la musique face au cinéma
La Sacem se fera aussi la porte-parole du monde de la musique, monde qui ressent mal un possible traitement inégal avec l’univers du cinéma. « Il y a depuis quelques années un soutien sans faille au cinéma, et c’est tant mieux. Il y a un soutien maintenu aux interprètes, ils le méritent, aux producteurs, etc. et tout d’un coup on a franchement l’impression que les auteurs sont les seuls oubliés ». Citant l’exemple du COSIP, en faveur du cinéma, non la musique, Petitgirard dira : « nous avons l’impression d’avoir un ministère qui est l’ami du cinéma, l’ami des interprètes, l’ami des producteurs, mais qu’il a oublié la musique ».
Les vases communicants entre copie privée et financement étatique
Fait plus intéressant : Laurent Petitgirard décrira les liaisons intimes entre copie privée et budget culturel : « Depuis la loi de 85, vous savez que 75% des sommes que nous recevons pour la copie privée sont réparties, et 25% doivent être consacrés à l’intérêt général c'est-à-dire à la création, la formation, le spectacle vivant. Nous nous sommes rendu compte que cet argent est essentiel. Il est essentiel, car, ne nous trompons pas, quand la copie privée représente 250 millions d’euros, cela veut dire qu’il y a des sommes de plus de 60 millions d’euros vont dans le spectacle vivant, la formation… et que ces sommes, l’État lui-même est bien content qu’elle soit là, car on ne peut pas dire que ça a été forcément un argent en plus. Plus il y avait du culturel qui venait de la copie privée et moins il y avait d’aides au niveau du ministère ; très souvent on nous demande de venir pallier et de venir aider parce qu’il n’y a pas assez d’argent du côté du ministère ».
Cette « demande » émise par le ministère donne une coloration particulière entre la rémunération pour copie privée et le budget de la Rue de Valois, laquelle participe déjà à la nomination du président de la Commission copie privée.
En faisant basculer ces financements d’une source publique à une source privée, on demande au consommateur de venir financer ce que la Rue de Valois ne veut assumer dans ses missions d’intérêt général. La mauvaise défense de ce financement privée par les services de Frédéric Mitterand génère des couacs au Conseil d’État comme l’a reconnu Olivier Henrard. Mais elle permet aussi et surtout de consacrer plus de fonds à d’autres postes budgétaires comme le financement des 13 millions servant à alimenter les gourmandises de l’Hadopi.
La réserve puisée sur la copie privée, dénoncée par la Commission de contrôle
Mieux encore : la Sacem indiquera que depuis quelques années, elle a effectué une petite réserve sur les sommes prélevées au titre de la copie privée. Pourquoi ? Tout simplement pour lisser d’une année sur l’autre les montants à redistribuer, entre les années creuses et celles fructueuses ; « cette réserve étant placée, les intérêts financiers de cette réserve abondent ce budget culturel » assure le conseil d’administration.
La commission de contrôle, proche de la Cour des comptes, avait cependant demandé aux sociétés de gestions que toutes ces sommes soient dépensées dans l’année. « On a suivi ce conseil » admettra Petitgirard avant d’émettre de profonds regrets, un choix peu judicieux : « Dans les deux années qui ont suivi la copie privée a baissé fortement et quand vous avez une baisse de 20%, vous ne pouvez pas dire ‘je baisse tout le monde de 20%’, parce que vous êtes engagés dans des plans triennaux, vous êtes part de la vie des festivals, des petites associations, …vous êtes alors obligés d’en abandonner quelques-uns et cela a été dramatique. On s’est dit plus jamais : la copie privée étant repartie (à la hausse, NDLR), nous avons reconstitué une provision que ça plaise ou non à la commission, car nous sommes sur le terrain. La commission redemande qu’on la dépense immédiatement ? Nous ne la dépenserons pas, car ils ont tort. Ils ont raison dans leur bureau, ils ont tort sur le terrain ! »