Avenir incertain pour la prohibition de la vente liée PC et OS

C’est une décision qui aura des conséquences importantes sur le dossier de la vente liée. Et pas forcément dans un sens très favorable aux adversaires de ces ventes groupées PC et logiciels. Dans son arrêt du 15 novembre, la Cour de cassation vient de redéfinir les conditions pour qu’une telle vente puisse être qualifiée de loyale au regard du droit de la consommation, interprété cependant à la lumière du droit européen.

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PC Lenovo vendu 597 euros, dont 404,81 euros de logiciels

L’affaire était « classique ». Un consommateur achète un portable équipé de logiciels préinstallés. Le Contrat de licence d’utilisateur final ne permettant que le remboursement intégral de l’ordinateur équipé des logiciels qu’il ne souhaitait pas conserver, ce client fait assigner Lenovo. Il demande 404,81 euros pour le remboursement du prix des logiciels, alors que l’ordinateur avait été acheté 597 euros.

Le dossier est porté devant la juridiction de proximité de Tarascon. Dans son jugement du 20 novembre 2008, le juge refuse un tel remboursement. Pourquoi ? Car, estime-t-il, il y a eu un accord entre le professionnel et le consommateur « sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi » et le consommateur conservait toujours la possibilité de se faire rembourser les marchandises dans leur globalité.

L’affaire n’en reste pas là et monte jusqu’à la Cour de cassation qui a rendu son arrêt du 15 novembre 2010.

La pratique déloyale, selon la Cour européenne

Avant de traiter de la solution adoptée, il faut savoir que depuis le jugement de Tarascon de novembre 2008, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu une réponse le 23 avril 2009 à une question préjudicielle qui vise à interpréter la directive qui chapeaute ce secteur.

Que dit cette réponse interprétative? Tout simplement que la Directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales (les « PCD ») s’oppose « à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur ».

Rechercher si la vente liée est ou non une pratique déloyale

Ainsi aiguillée, la Cour de cassation va corriger le régime de la prohibition des ventes liées appliqué en France : « l’article L. 122-1 du code de la consommation qui interdit de telles offres conjointes sans tenir compte des circonstances spécifiques doit être appliqué dans le respect des critères énoncés par la directive » dit la Cour qui casse du coup le jugement de Tarascon. Pourquoi ? Car le juge aurait dû spécialement « rechercher si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les prévisions des dispositions de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales »

La Cour de cassation risque de mettre fin aux débats sur la vente liée

Pour bien comprendre, Benoit Tabaka, juriste, nous apporte son précieux éclairage : « jusqu'alors le débat sur le logiciel préinstallé sur le PC était de savoir si c'était ou non constitutive d'une vente liée. Et les arguments tournaient notamment autour de l'intérêt pour le consommateur d'avoir une telle "vente liée. S’il y a un intérêt pour le consommateur, alors cette vente liée est légale » (autour de ces questions voir cette actualité).

« Maintenant, avec la Directive "PCD", on monte d'un cran. Au plan communautaire, notre législation sur les ventes liées est jugée incompatible avec la directive. En clair, on ne peut interdire les ventes liées que si celles-ci sont constitutives d'une PCD. Donc, il faut dorénavant démontrer que la vente d'un PC accompagné d'un OS est une pratique commerciale déloyale ». C'est là qu'intervient une certaine impasse: « Le listing des PCD est fixé aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation. Et clairement, j'ai bien peur qu'il n'y ait rien dans ces dispositions qui permettent de sanctionner la pratique de vente "liée" d'un PC avec un OS ».

Conclusion ? « Pour moi, la décision de la Cour de cassation va mettre fin à tous ces litiges sur les OS préinstallés. La législation française sur les ventes liées n'est pas conforme au droit communautaire et rien, dans la législation communautaire sur les pratiques commerciales déloyales, ne semble permettre de sanctionner la vente concomitante d'un PC avec un OS ».

En résumé, l’article L.121-1-1 du Code de la consommation fournit tout un panel d’exemples de pratiques considérées comme déloyales. Or, aucune n’embrasse la situation de la vente liée.

Certes, le II de l’article 121-1 fournit une définition plus large de ces PCD, mais la situation de la vente liée rentre difficilement dans cette case : «  Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».

Analyse au cas par cas, selon l'UFC-Que Choisir

Du côté de l’UFC Que Choisir, Catalina Chatellier, responsable juridique pour l'UFC-Que choisir, la stratégie sera celle du cas par cas : « aujourd’hui une réglementation nationale ne peut se contenter d’interdire purement et simplement la vente liée en prévoyant uniquement des exceptions. Cette vente liée ne pourra être interdite que si, à l’analyse concrète de la situation, on voit qu’elle est de nature à induire en erreur le consommateur. Il faut faire une analyse au cas par cas. On doit prendre la vente liée en question, et on regarde si, eu égard au marché, des professionnels et à la compréhension que peut en avoir un consommateur moyen, c’est de nature à induire en erreur le consommateur ». Comment ? Avec « des études de marché, le type de clientèle ciblée par l’offre, il faudra entrer dans l’analyse du marché. »

Une prochaine affaire Darty traitée par la Cour de cassation

« Il faudra examiner au cas par cas, de manière très concrète si c’est une pratique déloyale, nous précise l’UFC, ajoutant que la pratique peut ne pas avoir fait de victimes et rester déloyale ». L’UFC nous indique par ailleurs qu’une autre affaire de vente liée va être examinée par la Cour de cassation, affaire qui met en cause Darty.

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