Les modèles alternatifs
Tandis que covoiturage.fr a récemment opté pour un modèle payant, d’autres sites continuent de proposer des services gratuits pour le grand public. Mais avec quelles sources de financement ? Si la plupart des sites ne nécessitant aucune participation financière de la part des internautes sont en fait très souvent des vitrines vers d’autres services, payants, pour des entreprises ou des collectivités, il existe également quelques plateformes qui s’en sortent par exemple grâce à la générosité et l’implication de leurs utilisateurs.
Le covoiturage libre
L’association covoiturage-libre fait partie de cette catégorie de sites. C’est suite à la décision de covoiturage.fr de passer au payant que Nicolas Raynaud a lancé en novembre 2011 covoiturage-libre.fr. « Ce site répond à un besoin devenu indispensable aujourd'hui, permettre le covoiturage facilement et gratuitement. Contrairement au leader du secteur qui a choisi d'imposer un fonctionnement payant à ses utilisateurs, je compte sur ce site pour créer une communauté libre autour du covoiturage » explique l’intéressé, également président de l’association qui gère le site.
Le principe de fonctionnement est simple : les services de covoiturage-libre.fr sont gratuits. En contrepartie, le site sollicite une participation financière de ses utilisateurs, qui sont libres de donner ce qu’ils veulent, afin de couvrir les quelques frais du site. Fonctionnant grâce à ses bénévoles, l’association détaille en toute transparence ses besoins annuels : pour 2012, elle indique avoir besoin d’un peu de moins de 900 euros.
Et le succès est au rendez-vous : au mois d’août, covoiturage-libre avait quasiment recueilli assez de dons pour avoir un budget en équilibre. Seulement, le site en est à ses premiers mois de fonctionnement... Comment la plateforme entend gérer la suite si son trafic ne cesse d’augmenter ? « J'anticipe l'évolution [de covoiturage-libre] en me disant que si le site gagne en trafic, les besoins en temps à passer pour gérer ce site augmenteront également, explique Nicolas Raynaud. Et contrairement à certains, je mise sur le bénévolat pour répondre à ce besoin. Si les utilisateurs bénéficient d'un service gratuit, j'ose penser que certains donneront en échange un peu de leur temps pour m'aider dans la gestion de ce site. Également, un service minimum comme celui fourni par ce site n'est pas trop coûteux techniquement. En comptant sur un minimum de dons des utilisateurs, maintenir un tel site me parait réaliste ».
Les réservations payantes au choix des utilisateurs
Contrairement à covoiturage.fr, le site carpooling.com laisse depuis 2010 ses utilisateurs choisir s’ils veulent opter ou non pour un système avec réservation payante. Selon Odile Beniflah, responsable communication de la société qui gère ce site, une commission de l’ordre de 5 à 10 % est ponctionnée sur chaque trajet effectué avec réservation.
« C’est toujours difficile pour un site Internet gratuit de proposer quelque chose de payant, ça c’est clair, explique Odile Beniflah. Il y a toujours des gens qui ne comprennent pas ou qui demandent des explications ». Toutefois, malgré la cohabitation avec une formule gratuite, le succès est au rendez-vous : « Le taux d’adoption est en train de bouger, dans le sens de la réservation », confie Odile Beniflah.
Carpooling, qui a globalement les mêmes sources de revenus que covoiturage.fr (publicité, solutions pour les entreprises et collectivités, réservations payantes) s’en sort bien au niveau financier, puisque son bilan est en équilibre selon Odile Beniflah. Drainant certes moins de trafic en France que covoiturage.fr, Carpooling est très populaire dans d’autres pays européens (Allemagne notamment), revendiquant ainsi le statut de leader européen du covoiturage, et même de « plus gros site de covoiturage au monde ». La société prévoit d’ailleurs son lancement aux États-Unis pour cette année.
Des vitrines vers des services payants pour entreprises et collectivités
On observe enfin une autre catégorie de sites proposant des services gratuits pour le grand public. Ces derniers se financent entièrement grâce aux solutions qu’ils vendent aux entreprises ou aux collectivités territoriales. Avoir une plateforme grand public leur permet d’avoir une vitrine pour la vente d’autres services. C’est par exemple le cas d’Easycovoiturage ou de 123envoiture.
Le marché des réservations payantes
Malgré ses revenus issus de la publicité et des solutions qu’il vend aux entreprises, covoiturage.fr ne parvient pas à atteindre l’équilibre financier. En mai 2011, surfant sur la vague de son succès, le site entame un virage très important : il opte pour un modèle payant. Un modèle qui, en dépit des contestations de certains utilisateurs, devrait rapporter deux millions d’euros cette année selon Elton-Pickford.
« En mai 2011, on avait 1 million de membres. On savait aussi que vu notre croissance, on allait atteindre 2 millions de membres en 2012, ce qui est le cas aujourd’hui. Il fallait anticiper et prendre une décision pour que l’on ait un moyen de financement qui permette de pérenniser l’activité tout en fiabilisant l’organisation en amont des trajets » explique Laure Wagner. Ainsi, covoiturage.fr a voulu faire le choix d’un modèle qui implique les utilisateurs : « C’est un financement communautaire de la part des utilisateurs, un peu comme Deezer qui demande à chaque utilisateur de payer pour la musique ».
Dans un premier temps, les réservations payantes ont été expérimentées uniquement pour la région Bretagne. Entre janvier et juin 2012, le service a progressivement été étendu aux autres régions françaises. Désormais, « tous les trajets de plus de 200 km sont gérés par le service de réservation en ligne alors que le service est facultatif pour les trajets de moins de 200km », précise Laure Wagner.
Une commission d’environ 10 % du prix fixé par les conducteurs
Ainsi, tous les utilisateurs qui effectuent des parcours de plus de 200 km doivent laisser au site une commission, qui s’ajoute au prix fixé par le conducteur. Pour les trajets plus courts, ce choix est à la discrétion du chauffeur. Ces « frais de réservation » sont de 7 % du prix du chauffeur + 60 centimes d’euros + la TVA.
Exemple : sur un trajet Lyon-Paris dont le prix est fixé à 30 euros par le conducteur, le covoitureur intéressé doit débourser 33,23 euros, soit plus de 10 % de ce qui reviendra au chauffeur. En contrepartie, le passager réserve directement sa place, dispose de garanties en cas d’annulation, etc. Il paie en ligne sur Internet et le site se charge de payer le chauffeur une fois le trajet effectué.
« Par rapport à plein d’autres services de mise en relation de particuliers, on est vraiment sur des frais minimes », explique Laure Wagner. D’après elle, ce changement était surtout un moyen « de résoudre des problèmes d’organisation majeurs liés au non-engagement » de certains utilisateurs du service, qui atteignait 35 % de désistements sur chaque annonce. Aujourd’hui il y aurait moins de 4% de « lapins » selon covoiturage.fr.
Ce changement de politique a néanmoins déçu de nombreux utilisateurs, pour qui le site profite a tout simplement de son statut de leader du marché pour ponctionner ses utilisateurs. Le site drainant la quasi-totalité du covoiturage, ceux qui seraient tentés d’aller voir ailleurs se trouvent rapidement confrontés à une dure réalité : il y a bien moins d’annonces sur les sites concurrents...
Une véritable réussite selon covoiturage.fr
D’ailleurs, du côté de covoiturage.fr, on se défend de tout passage en force : « Si nous n’avions remporté l’adhésion de nos membres, nous aurions arrêté au bout de quelques mois », explique Laure Wagner. Pour elle, il n’y a aucun doute : aujourd’hui, « ça marche, la question ne se pose même plus. (...) Il faut bien penser que 50 % de nos membres actuels n’ont jamais connu l’ancien système ». Laure Wagner reconnaît avoir connaissance des plaintes de quelques utilisateurs : « Il y a certaines personnes qui sont contre, on en est bien conscient, mais ils sont très peu nombreux ». Selon elle, « c’est l’habitude du Web gratuit en 2012 qui fait que certaines personnes ont du mal à payer pour un service ».
Et pourquoi n’y a-t-il pas de système hybride, qui permettrait aux conducteurs de choisir s’ils veulent soumettre leurs éventuels passagers au système de réservation en ligne ? « Notre idée première était de faire un service facultatif, en laissant le choix aux conducteurs d’opter ou non pour les services de réservation ». Pourtant, après des essais, il s’est avéré que les conducteurs boudaient le service, par crainte que les passagers privilégient les annonces sans frais de réservation. Laure Wagner explique ainsi que le site a de ce fait décidé de mettre tout le monde sur un même pied d’égalité, en rendant le service de réservation en ligne obligatoire. « À partir de là, ça a marché » affirme-t-elle.
Source : Elton-Pickford
En 2012, le chiffre d'affaires du système de réservation devrait atteindre 2 millions d'euros selon Elton-Pickford. Pourtant, covoiturage.fr ne pense pas atteindre l'équilibre budgétaire pour cette année, ni même l'année prochaine, mais vise plutôt 2015.
Les premières bases du leader français
Leader français du covoiturage, le site covoiturage.fr prétend drainer entre 90 et 95 % des trajets effectués sur le territoire national. Revendiquant désormais plus de deux millions de membres et 400 000 personnes voyageant en covoiturage chaque mois grâce à son site, la croissance de covoiturage.fr est le fruit de choix finement mesurés.
« Il y a eu plusieurs modèles économiques depuis la création en 2004, parce qu’il n’y a pas les mêmes frais sur un site avec un fondateur qui ne se paye pas et qui a 150 000 membres, et un site qui compte 2 millions de membres avec 50 salariés », explique Laure Wagner, responsable de la communication de covoiturage.fr, ajoutant que « le site a évolué et le modèle économique aussi ».
Effectivement, de 2004 à 2008, « il n’y avait pas de modèle économique du tout » résume Laure Wagner. Le site est entièrement gratuit pour le grand public, correspondant ainsi à la vision et au projet de son fondateur, Frédéric Mazzella. Mais à partir de 2008, ce dernier décide d’abandonner son travail pour se consacrer à temps plein à covoiturage.fr. Pour trouver des sources de financement, il commence à mettre de la publicité et à vendre des plateformes de covoiturage aux entreprises et aux collectivités.
La publicité, ressource peu adaptée
Comme de très nombreux sites Internet, dont PC INpact, covoiturage.fr tire une partie de ses revenus de la publicité. Mais cette source de financement serait peu importante selon Laure Wagner : « Ça a toujours été un petit complément, mais on n’a jamais pu vivre de ça ». D’après elle, le taux de clics est relativement faible, et n’engendre par conséquent que peu de revenus. Trop concentrés sur leurs recherches, les utilisateurs du site se révèlent peu disposés à se laisser rediriger vers de la publicité.
En dépit d’une audience importante (31 millions de pages vues en juillet dernier), Laure Wagner nous a indiqué que cela ne rapportait « même pas de quoi couvrir 10 % des frais du site ». Selon l’étude d’Elton-Pickford (PDF), covoiturage.fr a engrangé 100 000 euros de revenus publicitaires en 2011.
L’insuffisance des ventes de plateformes aux entreprises et collectivités
En plus de la publicité, covoiturage.fr propose également depuis 2008 des plateformes de covoiturage pour des entreprises ou des collectivités territoriales. « Concrètement, on décline covoiturage.fr pour des entreprises qui ont besoin d’optimiser les trajets domicile-travail de leurs salariés ou les trajets de leurs clients comme IKEA ou Castorama », explique Laure Wagner.
Et même si ce marché s’est révélé plus porteur que le financement par la publicité, il n’en demeure pas moins insuffisant selon elle : « Ce modèle là suffisait quand on était huit ou dix dans l’équipe... Cela autofinançait les employés en charge de cette partie « entreprises », mais ça ne pouvait pas financer les frais de structure de covoiturage.fr ». Le chiffre d’affaires de ce marché a atteint 500 000 euros l’année dernière, soit 50 % des revenus du site, toujours selon Elton-Pickord.
Quelques comptes premium
Enfin, le site a également tenté de solliciter un financement direct de ses utilisateurs par le biais de comptes premiums, comme nous le faisons aussi chez PC INpact. En contrepartie d’une participation, ceux qui optaient pour cette option pouvaient se prévaloir de certains avantages. Cette tentative s’est toutefois révélée peu concluante, puisqu’il y avait selon Laure Wagner « moins de 0,1 % de nos membres qui y souscrivaient : un échec car ce service n’était pas obligatoire ».
L’idée d’un paiement obligatoire commence ainsi à faire son chemin... Tant est si bien qu’en mai 2011, covoiturage.fr tente pour la première fois de passer du gratuit au payant pour le grand public.
Le covoiturage, une pratique en plein essor
Le covoiturage a le vent en poupe. Des prix attractifs, un côté convivial et écologique... Voici quelques-unes des raisons avancées pour expliquer l’essor de cette pratique, qui séduit de plus en plus de Français. Rien que sur le week-end du 3 au 5 août 2012, près de 350 000 personnes avaient prévu de voyager par l’intermédiaire de covoiturage.fr, le site le plus utilisé de France, soit l’équivalent de 1 000 TGV pleins !
Vieille méthode bien connue, le partage des frais entre l’ensemble des passagers d’un même véhicule a pris un sérieux coup de fouet avec le développement d’Internet. Facilitant les communications et servant d’intermédiaires entre les conducteurs et leurs éventuels passagers, les sites de covoiturage se comptent par dizaines et les internautes ont désormais l’embarras du choix.
Le principe de ce genre de site est assez simple : un utilisateur s’inscrit, puis publie une annonce dans laquelle il recherche un chauffeur ou des passagers. Les membres peuvent ensuite s’échanger leurs coordonnées puis se mettre d’accord sur le prix et les conditions du trajet. En règle générale, les sites ne servent pas d’intermédiaires financiers entre les covoitureurs, qui règlent leurs comptes en espèces, le jour du trajet.
D’une pratique entre particuliers à de nouveaux services commerciaux
Seulement voilà, ces services gratuits pour le grand public ont un coût pour leurs administrateurs. Le trafic qu’ils génèrent attise néanmoins les appétits, tant et si bien que beaucoup monétisent désormais de plus en plus de services : systèmes de réservation, revenus publicitaires, déclinaison des plateformes pour les entreprises ou les collectivités territoriales...
Depuis un peu plus d’un an, le site le plus fréquenté de France, covoiturage.fr, a testé puis étendu le prélèvement de frais de réservation à ses utilisateurs, en contrepartie de services (sécurisation des paiements notamment). Néanmoins, pour certains habitués du site, la douche a été froide : alors que le site leur proposait jusqu’ici ses services gratuitement, il est désormais obligatoire de laisser une commission, de l’ordre de 10 % environ sur chaque trajet. Si l’on prend l’exemple du week-end aux 350 000 trajets, on imagine vite le montant total de ces prélèvements ! Le chiffre d’affaires de ce système devrait d’ailleurs avoisiner les deux millions d’euros pour cette année selon Elton-Pickford.
PC INpact a ainsi décidé de s’intéresser aux modèles économiques de ces sites de covoiturage, en s’appuyant plus particulièrement sur l’expérience du leader français, covoiturage.fr.