La justice précise les obligations des comparateurs de prix

Une décision rendue par la chambre commerciale de la Cour d’appel de Grenoble le 21 octobre dernier, va rendre nettement plus délicate la situation des comparateurs de prix. Les juges exigent désormais le respect de toute une série d’informations à ce jour non disponibles dans ce secteur où règne l’automatisme des données envoyées par les cybermarchands. La décision va loin et pourrait bouleverser le paysage des comparateurs, notamment ceux qui indexent les sites internet sans leur accord formel préalable.
Les faits de l’affaire (près d’une vingtaine de pages), remontent à 2004. Ils opposent une des boutiques préalablement référencées, la société Concurrence, et le comparateur de prix Kelkoo. Et c’est lors d’une fin de contrat que les relations entre l’un et l’autre se sont envenimées. Kelkoo demandait en référé le paiement de trois factures en souffrance, Concurrence s’y opposait : elle fait valoir que Kelkoo viole toute une série de dispositions issues du droit commercial, violations suffisamment graves pour entraîner un détournement de clientèle.

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En substance, Concurrence reproche à Kelkoo de faire injustement croire aux consommateurs que ce comparateur « offre tous les produits aux meilleurs prix, induisant à tort qu'il est inutile d'effectuer d'autres recherches, en faisant paraître les publicités illicites de ses concurrents comprenant des prix non mis à jour, des articles indisponibles et des périodes de validité non définies [etc.] »

La Cour d’appel va révéler plusieurs pratiques déloyales ou trompeuses avant de conclure à la responsabilité de Kelkoo.

Afficher clairement qu’il s’agit de liens publicitaires

D’abord, le comparateur ne saurait prétendre que la présentation des produits est objective puisqu’elle est conditionnée par l'existence de contrats entre les boutiques et le comparateur. Les dispositions de l’article 20 de la loi du 21 juin 2004 qui obligent à clairement identifier les publicités en ligne s’appliquent à plein régime ici.

Certes, Kelkoo affichait sous les tableaux comparatifs la formule « nous sommes une plateforme permettant aux internautes de comparer les offres de nos partenaires e-marchands. Les résultats affichés proviennent des informations fournies par nos partenaires et ne reflètent donc pas l'intégralité des offres disponibles sur le marché ». Pour autant, estime la Cour, « cette formule ne répond pas à l'exigence de clarté posée par la loi », et constitue donc une pratique trompeuse et déloyale. La société Concurrence avait fait observer que d'autres sites, comme Google, « inscrivent au-dessus de chaque résultat de recherche, lorsqu'ils sont rémunérés par les sites marchands, la formule « liens commerciaux » ». Depuis cette décision, la mention est affichée au-dessus des tableaux.

Mettre à jour les prix en temps réel

Ce n’est pas tout. L’'article 19 de la loi de 2004 impose qu’une société « doit, même en l'absence d'offre de contrat, dès lors qu'elle mentionne un prix, indiquer celui-ci de manière claire et non ambiguë, et notamment si les taxes et les frais de livraison sont inclus ».

Pour les juges, cela implique de mettre à jour les prix en temps réel. Et la société Kelkoo ne peut opposer le coût d'un tel système, « alors d'une part qu'un site concurrent, Amazon Market Place a mis en place un tel système et, d'autre part, que l'investissement à la charge de la société Kelkoo ne paraît pas démesuré au regard du chiffre d'affaires généré par cette activité (plus de 20 millions d'euros pour cette seule activité en 2008) ». Ceci est d’autant plus vrai que déjà à l’époque, Kelkoo se prévalait de l'utilisation d'un moteur de recherche dit « kelkoo sniffer », lequel est censé « rechercher l'information pour vous en temps réel »…

Kelkoo doit donc afficher ces tarifs à jour. Problème, il y a des « bugs ». Par exemple : « le 15 septembre 2004, un ordinateur offert au prix de 1549,90 € était en fait vendu au prix de 1599,90 € » ou « le 6 juin 2009, un téléviseur était annoncé en stock, alors que sur le site marchand ce téléviseur était « momentanément épuisé » ». La Cour jugera donc que les prix ne sont pas mis à jour en temps réel, ce qui est pour elle, signe d’une pratique trompeuse et déloyale, là encore.

Indiquer la durée de validité des réductions de prix

Autre pratique déloyale et trompeuse dénoncée par la Cour : l’absence d’indication de la validité des réductions de prix parfois accordées sur le comparateur. Pour les juges, Kelkoo ne peut renvoyer la charge de ses obligations vers les sites marchands les textes en la matière, s’appliquant « à toute forme de publicité à l'égard du consommateur, quels qu'en soient les auteurs et quels que soient les procédés de publicité utilisés ou les termes employés »

Indiquer le prix des frais de port

Kelkoo a en outre l’obligation d’indiquer « si les taxes et frais de livraison sont inclus ». Or, là-dessus, pour le seul mois de décembre, 349 produits figurant sur le site kelkoo.fr ne comprenaient pas les frais de livraison. En défense, Kelkoo ne conteste pas que cette mention n'apparaît pas systématiquement, mais prétend y substituer la mention « NC » ou encore la mention « + port : non inclus ».

Pour la Cour, ceci « ne saurait éluder cette obligation en affirmant qu'il suffit pour le consommateur de cliquer sur l'offre pour obtenir des renseignements supplémentaires directement sur le site marchand alors qu'il lui appartient d'exiger des marchands » cette information (comme le prévoit en outre la Charte des sites internet comparateurs à laquelle Kelkoo a adhéré site le 11 juin 2008).

La Cour imposera aussi du comparateur, l’affichage des caractéristiques principales des produits, en plus des conditions de la garantie de chacun d’eux (durée minimale). « Kelkoo qui établit elle-même les fiches produits, s'abstient de prendre à l'encontre des marchands qui ne communiquent pas ces informations les sanctions prévues par l'article 7 de la charte, « pouvant aller jusqu'à la suspension du référencement des offres des sites marchands concernés ».

Astreinte de 1000 euros par infraction constatée

En fin de compte, Kelkoo sera condamné pour pratiques trompeuses et déloyales. Sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée, le comparateur devra « s'identifier comme site publicitaire, mettre à jour en temps réel les prix, indiquer les périodes de validité des offres, indiquer les frais de port et/ou d'enlèvement, indiquer les conditions de la garantie des produits, mentionner les caractéristiques principales des produits ou services offerts et mettre fin à l'affirmation selon laquelle un robot dénommé « kelkoo sniffer » recherche les meilleurs prix dans les bases de données des sites marchands. »

Les éventuels dommages et intérêts au profit de la société Concurrence seront déterminés le 5 janvier 2011 prochain.

On indiquera enfin qu'en 2007, la DGCCRF avait déjà dénoncé « l'imprécision ou le manque d'homogénéité des informations transmises par les sites marchands » dans le domaine des comparateurs de prix. Sur 12 sites contrôlés (et non nommés), 11 avaient fait l'objet de simples lettres de rappel de réglementation.

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