Hadopi : l'efficacité de l'automatisme, la parodie de la justice

Avec la publication dans nos pages du rapport de la CNIL, on parvient un peu mieux à cerner le convoi Hadopi, de la locomotive, jusqu’au wagon de queue. Analyse.

Le train Hadopi a trois parties :
  • TMG et les ayants droit
  • La Hadopi et la Commission de protection des droits
  • Le parquet et le juge. 
Déroulons maintenant chacune de ces sections.


hadopi procédure


Etape 1 : TMG et les ayants droit

C’est indéniablement là que tout sera contrôlé. Le rapport de la CNIL, signé Emmanuel de GIVRY, Vice-président délégué de la Commission indique que 150 000 saisines seront prévues chaque jour.

Pour rappel, TMG flashera les IP mettant à disposition des fichiers illicites des ayants droit de la musique et du cinéma. Et les agents assermentés de ces derniers « attesteront » ces flux. Qui contrôlera ces informations ? Un audit effectué tous les trois mois par les ayants droit, clients de TMG, du moins à la date de rédaction de ce rapport.

« Les seules procédures d’audit prévues sur le système de TMG sont des audits internes trimestriels par les SPRD » puisque « le système ne prévoit pas de procédure particulière, par exemple par échantillonnage, pour qu’un agent puisse détecter des anomalies dans une session de collecte. »

hadopi logo rue texel


Supposons qu’une cinquantaine d’agents assermentés travaillent uniquement sur ce chantier. Après un long week-end de trois jours, ils devront valider le lundi quelque 450 000 dossiers. « Sur une journée de 7h, cela fait [en tout] 1071,4 clic par minutes sur "Je valide" », nous signale un lecteur, soit 21 dossiers par agent et par minute, ou plus de 10 dossiers par minute si l’on compte, bon prince, une centaine d’agents.

La CNIL indique ainsi qu’« il est impossible que les agents assermentés vérifient les constatations une à une » puisque compte tenu des flux tendus, « le système proposé laisse peu de marges d’appréciation aux agents assermentés, qui sont chargés de constater les potentielles infractions et saisir la Hadopi ». D’ailleurs, constate la CNIL, les dossiers ne permettent pas aux agents assermentés de « faire des constats manuels en allant eux-mêmes sur les réseaux pair-à-pair ». Tout est automatique.

Pour Marc Guez, de la puissante SCPP, l’un des groupements d’ayants droit ayant en poche une autorisation de surveillance, pas de problème : les « flashs » de TMG se suffisent, le système a été testé, vérifié, et « est sans erreur ». Il n’est donc pas nécessaire d’effectuer une perquisition pour vérifier sur le terrain ce qui a été constaté au loin. Depuis le 16 août, donc, les ayants droit de la musique envoient des camions d’IP, à ce jour 10 000 par jour. On est donc encore loin du régime de croisière (150 000 saisines annoncées dans le rapport de la CNIL).

Etape 2 : La Hadopi et la Commission de protection des droits

La Hadopi, et plus centralement la Commission de protection des droits devront encaisser ces flux continuels. Une véritable attaque par DoS. Ce sont trois magistrats aidés de quelques agents qui assurent le traitement des messages d’avertissements et des autres étapes de la réponse graduée. Ils devront analyser chaque dossier et déterminer si oui ou non on passe à l’étape suivante. Un travail d’ampleur quotidien pour ces professionnels du droit, forts d’une bien longue carrière.

En plus de ces vérifications, souvenons-nous que nos trois Mousquetaires auront à examiner les observations émises par les abonnés avertis - c’est leur droit -, où chaque Mme Michu en puissance expliquera comment elle a finalement sécurisé son accès ou pourquoi elle n'a pu le faire.  La Hadopi devra répondre à ses « observations ». En plus de cela, les abonnés pourront se déplacer aidés d’un conseil pour défendre leur dossier. Travailler plus, pour contrôler plus... ou moins ?

Etape 3 : Le Parquet et le juge


Le dossier de l’abonné multiaverti sera in fine transmis à la justice, la vraie. C’est une option, non une obligation : le ministère de la Justice l'a dit : « La transmission au parquet ne revêt pas un caractère automatique, mais résulte d’une délibération de la commission de protection des droits ». Et voilà une charge de plus dans l'agenda quotidien des trois membres de la Commission de protection des droits.

chancellerie enquête hadopi
Circulaire de la Chancellerie d'août 2010

L’examen certes sera précédé par un passage dans les mains du Parquet. Là, on doit se souvenir de la circulaire d’août 2010 signée du ministère de la Justice. il est spécifié page 9 du document que « dans le double objectif d’assurer la rapidité de la réponse pénale et de veiller à ce que le nouveau dispositif ne conduise à un engorgement des services de police et de gendarmerie, il conviendra d’éviter, sauf cas particulier, qu’une seconde enquête soit diligentée par ces services. » La Chancellerie est on ne peut plus limpide : « les éléments fournis (…) sont suffisants pour caractériser la contravention de négligence caractérisée à l’égard du titulaire de la ligne et pour assurer le caractère contradictoire de la procédure ». 

Rapprochons la tête de la queue

Quand on rapproche les deux extrémités de ce processus, on a donc :

D’un côté le rapport de la CNIL qui constate que TMG flashera plus d’une centaine de milliers d’IP par jour. Des agents assermentés d'ayants droit qui n’auront pas le temps  matériel pour valider chaque dossier transmis par TMG, autrement que par automatisme. Un processus qui ne sera vérifié que par un simple audit interne, du moins si l'on en croit le rapport de la CNIL.

De l’autre côté, en bout de chaîne, un gouvernement qui demande au Parquet de ne surtout pas enquêter une seconde fois puisque tous les éléments fournis au fil du processus Hadopi – en fait les dossiers TMG - sont suffisants pour caractériser une contravention de négligence caractérisée.

Curieusement, ces petits détails n'ont pas été spécifiés dans la documentation distribuée aux péages des autoroutes cet été.

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