La question de la prise en charge des coûts de la Hadopi revient en force cette semaine. Alors que Free, Orange, Bouygues et Numéricable s’inquiètent une nouvelle fois du refus du ministère d’assumer ces coûts, SFR serait prêt à les prendre en charge dans le processus d’identification de ses abonnés. Orange n’a de fait une position guère éloignée, Christine Albanel ayant estimé que ces coûts seraient infinitésimaux pour le FAI. L’occasion nous est donnée de nous replonger dans l’histoire de la Hadopi. Ci-dessous, nous remettons à la surface quelques explications clefs du ministère de la Culture sur ce thème. Tour d’horizon d’un paysage riche en couleurs.
Des coûts qui devraient reposer sur les FAI.
« Le budget annuel de l’HADOPI est estimé à 6,7 millions d’euros, auxquels s’ajoutent le coût du repérage des actes de piratage et de leur signalement à l’HADOPI (pris en charge par les ayants droit) et celui de l’identification des internautes responsables, qui devraient reposer sur les fournisseurs d’accès à Internet, sur requête de l’HADOPI. » Budget 2009 du ministère de la Culture, 26 septembre 2008, (p.43)
Tout le monde le savait, naturellement
« Il y a un coût c’est certain, c’est sur la table depuis le début dans les discussions qu’il y a eu au moment de signer les accords : tout le monde le savait, les FAI le savent naturellement. Par exemple, le coût d’adaptation pour Orange, c'est-à-dire la faculté de répondre de façon automatisée aux demandes de l’Hadopi, plus l’adaptation nécessaire dans le cadre du triple-play (…) pour Orange donc, c’est évalué à 10 millions d’euros. Nous allons-en discuter avec eux, sachant qu’Orange, c’est la moitié du marché. C’est un objet de discussion. » Christine Albanel 5 mars 2009 au Club parlementaire de l’Audiovisuel de Frédéric Lefebvre
Tout était sur la table, dans un climat serein, hausse possible de l'abonnement de 10 cts.
« Si l’on prend comme base les 17,2 millions d’abonnements à haut débit comptabilisés en France en 2009, et le coût moyen de ces abonnements – un peu moins de 30 euros –, on obtient un revenu global tiré des abonnements de 6,171 milliards, soit 18,5 milliards sur trois ans. Or, dans la pire hypothèse, toujours sur trois ans, la totalité de ce qu’on pourra demander aux FAI – encore une fois, tout cela était sur la table depuis le début et les discussions à ce propos se sont déroulées dans le meilleur climat, y compris s’agissant de la suspension et du découplage « triple play » – se montera à 64,2 millions d’euros. Cela représente 0,34 % des 18,5 milliards. Au cas où ce serait répercuté sur le prix de l’abonnement individuel, celui-ci n’en serait augmenté que de 10 centimes par mois. » Christine Albanel, Assemblée Nationale. Deuxième séance du mardi 31 mars 2009
Un décret, il faut négocier, en tenant compte des avantages pour les FAI
« Sur la question de l’indemnisation des surcoûts éventuellement occasionnés aux FAI, je voudrais mettre les choses au point, car j’entends parfois des choses inexactes. Le principe de la compensation de ces surcoûts est déjà dans la loi, plus précisément dans l’article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques tel que modifié par l’article 9 du projet de loi initial, je le cite : « les modalités de compensation le cas échéant des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées » par les FAI « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des manquements à l’obligation de surveillance, sont fixées par un décret en Conseil d’État. Ces dispositions couvrent l’ensemble des surcoûts occasionnés aux FAI, qu’ils proviennent de la réponse aux requêtes de la Haute Autorité ou des investissements nécessaires pour appliquer ces décisions. Sur le montant de la compensation, il faudra bien sûr négocier au vu des coûts exposés par les FAI et des avantages qu’ils retirent du dispositif.» Christine Albanel Assemblée Nationale Deuxième séance du mercredi 6 mai 2009
Les FAI vont retirer des gains de bande passante, puisque le piratage va réduire
« A supposer même qu'il soit coûteux à mettre en œuvre, le dispositif conçu par la loi déférée ne conduira à engager, en tout état de cause, que des volumes financiers prévisibles, maîtrisables et sans commune mesure avec les effets financiers attendus sur le financement de la création culturelle et sur l'utilisation de la bande passante mise à disposition de leurs abonnés par les fournisseurs d'accès à Internet, dont il est estimé qu'elle est actuellement occupée à près de 50% par des échanges liés au piratage de contenus. » Gouvernement, explications devant le Conseil constitutionnel en juin 2009
On ne rembourse pas, ce sont les règles du jeu
« On ne remboursera pas les coûts. Il y a des règles du jeu générales auxquelles ils ont souscrit pour l’essentiel, dès le départ, on ne va pas remettre en cause le fonctionnement général ». Frédéric Mitterrand, installation de la Hadopi, vendredi 8 janvier 2010
Le coût infinitésimal pour Orange
« La loi Hadopi impacte bien sûr le groupe puisqu’il revient à notre groupe d’identifier les abonnés qui téléchargent illégalement sur la base des adresses IP horodatées, et ensuite leur envoyer des courriels. Ça, c’est Hadopi 1, des courriels d’avertissements. Le coût pour l’entreprise est infinitésimal. » L’ex-ministre Christine Albanel devant les actionnaires d'Orange réunis dans l'AG juin 2010
Niet
« Notre position n'a pas changé » Ministère de la Culture à l’AFP, jeudi 12 août 2010
Et pour finir, en guise de conclusion, deux passages clefs :
La prise en charge des coûts liés à la sauvegarde de l'ordre public, position du Conseil constitutionnel :
« 41. Considérant que, s'il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d'imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, est étranger à l'exploitation des réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs. » Décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000
Olivier Bomsel, architecte d'Hadopi membre de la mission Olivennes, professeur d’économie à l'Ecole des Mines, et une référence pour l'IFPI :
« Le mérite de ce dispositif est d’élever à la marge le coût du piratage pour le consommateur - qui anticipe éventuellement de pouvoir être suspendu - et il transfert ce coût au FAI qui va devoir gérer la suspension des abonnements, le cas échéant. Il fait donc apparaitre le coût d’application de la propriété pour ce qu’il est, et supporté par les acteurs économiques. Résultats des courses, cela va être que très vraisemblablement les FAI qui vont subir des coûts pour suspendre leurs consommateurs vont vouloir mettre en place des solutions de filtrage, qui tendanciellement, vont permettre d’abaisser les coûts d’application de la propriété… » Colloque de l'agence Aromates, à l'Assemblée nationale, vendredi 16 janvier 2009.