Le soutien politique en faveur du rapport pro ACTA de Marielle Gallose se poursuit. Dans notre dernier épisode, nous constations que Patrice Geoffron et Philippe Hardouin aiment l’étude Tera qui aime le rapport Gallo qui aime l’étude Tera qui a été écrite par Patrice Geoffron et Philippe Hardouin... Ce cercle vicieux infernal s’enrichit d’une nouvelle contribution avec une tribune du commissaire Barnier publiée dans le Monde. Celui-ci vient avaliser les conclusions de cette étude Tera, tout en annonçant, à mots à peine voilés, qu’il allait soutenir les travaux de Marielle Gallo. Cela tombe bien, le rapport Gallo sera voté en commission des affaires juridiques au Parlement le 1er juin prochain. Décryptage.
Les grandes manoeuvres se poursuivent autour du rapport Gallo. Cette initiative de l’eurodéputée Marielle Gallo sur le renforcement de la propriété intellectuelle est le chainon manquant pour préparer l’arrimage d’ACTA en Europe.
On rappellera qu’en septembre 2009, la Commission européenne émettait une communication en faveur du renforcement de « l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur » où la Commission Marché Intérieur souhaitait encourager les ayants droit « et les autres parties concernées » (plateforme, FAI, etc.) « à dialoguer et à mettre leurs intérêts en commun dans la lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle ». Cette démarche, soutenue par le Conseil de l’Europe, faisait place nette pour accueillir ACTA, ce fameux accord anti-contrefaçon dans la lignée de la loi HADOPI.
Le rapport de l’eurodéputée Marielle Gallo n’a pas d’autre objectif : en espérant qu’une future déclaration formelle soit adoptée par le Parlement européen, son auteur tente de décrocher un appui politique de poids, pour peser dans les futures négociations. Par tous les moyens.
Une étude fournie pour le numéro un de Vivendi Universal
Ce moteur roulant plein pot pour ACTA a pour carburant un rapport d’un cabinet privé : celui du cabinet Tera. Ce rapport dresse un panorama pour le moins terrifiant de l’avenir : si rien n’est fait, selon ce rapport, ce sont 1,2 million d’emplois qui seront impactés d’ici 2012. Ses coauteurs Patrice Geoffron, professeur à l’université Paris-Dauphine, et Philippe Hardouin, économiste et consultant, ont récemment signé une tribune dans Libération pour secouer cet épouvantail, et soutenir plein gaz les travaux de Marielle Gallo… En omettant quelques fondamentaux. Du lourd : nos deux économistes sont justement les coauteurs du rapport Tera, et ils taisent les contre-rapports comme celui de la Cour des comptes américaine qui démonte pourtant tous les chiffres publiés dans l’univers du téléchargement illicite…
Dernière étape en date : après une première tentative devant la commission des affaires juridiques du parlement européen, le Commissaire européen Michel Barnier revient à la charge.
Le cheminement est ici moins brutal : avant de réclamer des coups de bâton, Barnier annonce deux futures carottes, simplement potentielles. Cela se passe dans une tribune diffusée par Le Monde, cette fois, vendredi dernier.
Deux futures carottes (potentielles)
Le personnage annonce ainsi deux mesures pour soutenir la création. D’une part, une future proposition « en vue d'une organisation plus rationnelle de la gestion collective en Europe et notamment un guichet unique pour l'obtention des licences afférentes à différents types de droit », d’autre part, une proposition pour définir « un cadre juridique qui permettra aux bibliothèques de numériser [les] œuvres et les rendre accessibles au public. » D’autres sujets sont dessinés dans un avenir lointain « je pense d'ores et déjà à la numérisation des œuvres épuisées, aux œuvres audiovisuelles ou encore aux contenus créés directement par les internautes ».
« Donc » plus de lutte contre le piratage
Ce ne sont que des promesses, des plans, des projections, qui peuvent s’envoler au moindre coup de vent… Mais l’essentiel est d’y croire, car celles-ci posées, Barnier passe à la vitesse supérieure : « Il est donc clair que la relance de la création en ligne suppose une lutte efficace contre le piratage, qui aujourd'hui sape dans une grande mesure les fondements de l'économie numérique ». Tout est dans ce « donc » qui tente de tisser un lien logique dans l’esprit des lecteurs entre les mesures promises et la « lutte efficace contre le piratage ».
Le commissaire européen poursuit : « À titre d'exemple, je citerai une étude récente montrant que, en raison du piratage, 186 000 emplois ont été détruits en Europe en 2008, avec quelque 10 milliards d'euros de perte pour les industries créatives. Si l'on n'agit pas, ce sont jusqu'à 1,2 million d'emplois qui pourraient disparaître d'ici 2015 ».
Et revoilà les conclusions du rapport Tera...Comme Patrice Geoffron et Philippe Hardouin dans le « Rebond » de Libération, l’affirmation de Barnier souffre des mêmes défauts, et oublie encore de préciser aux lecteurs du Monde que ce rapport avait été commandé par la BASCAP (Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy), organisme privé coprésidé par le numéro 1 de Vivendi-Universal…
« C'est pourquoi » il faut renforcer la législation
On note cependant un tout petit aveu de faiblesse dans les propos de Michel Barnier, mais il est rapidement balayé à coup de convictions en béton :
« Il est toujours possible de discuter de l'exactitude de ces chiffres, mais il est impossible de nier l'impact destructeur du piratage sur l'industrie créative, qui représente une part importante de l'industrie européenne. C'est pourquoi j'examine actuellement dans quelle mesure notre législation pourrait être renforcée pour mieux sécuriser les investissements dans des services en ligne innovants, créateurs d'emplois et d'offres légales. » (la mise en gras est de notre fait)
Barnier admet que certains veuillent discuter de ces chiffres mais qu’importe, il tire déjà les conclusions de ses convictions, épaulées par le rapport Tera. Le piratage 1) détruit, 2) « c’est pourquoi » il faut renforcer notre législation. Cela tombe bien : le rapport de Marielle Gallo porte justement sur le renforcement de la propriété intellectuelle…
Et voilà comment à coup de « donc » et autre « c’est pourquoi » Barnier fait une boucle superbe avec les travaux de l’eurodéputée Gallo, celle qui fut poussée par Nicolas Sarkozy. Puisque l’occasion nous est à nouveau ouverte, on soulignera que Barnier et Gallo ont partagé la même liste pour les élections européennes, ce qui a pu favoriser une communion certaine autour de ces thèmes…
Les grandes manoeuvres se poursuivent autour du rapport Gallo. Cette initiative de l’eurodéputée Marielle Gallo sur le renforcement de la propriété intellectuelle est le chainon manquant pour préparer l’arrimage d’ACTA en Europe.
On rappellera qu’en septembre 2009, la Commission européenne émettait une communication en faveur du renforcement de « l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur » où la Commission Marché Intérieur souhaitait encourager les ayants droit « et les autres parties concernées » (plateforme, FAI, etc.) « à dialoguer et à mettre leurs intérêts en commun dans la lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle ». Cette démarche, soutenue par le Conseil de l’Europe, faisait place nette pour accueillir ACTA, ce fameux accord anti-contrefaçon dans la lignée de la loi HADOPI.
Le rapport de l’eurodéputée Marielle Gallo n’a pas d’autre objectif : en espérant qu’une future déclaration formelle soit adoptée par le Parlement européen, son auteur tente de décrocher un appui politique de poids, pour peser dans les futures négociations. Par tous les moyens.
Une étude fournie pour le numéro un de Vivendi Universal
Ce moteur roulant plein pot pour ACTA a pour carburant un rapport d’un cabinet privé : celui du cabinet Tera. Ce rapport dresse un panorama pour le moins terrifiant de l’avenir : si rien n’est fait, selon ce rapport, ce sont 1,2 million d’emplois qui seront impactés d’ici 2012. Ses coauteurs Patrice Geoffron, professeur à l’université Paris-Dauphine, et Philippe Hardouin, économiste et consultant, ont récemment signé une tribune dans Libération pour secouer cet épouvantail, et soutenir plein gaz les travaux de Marielle Gallo… En omettant quelques fondamentaux. Du lourd : nos deux économistes sont justement les coauteurs du rapport Tera, et ils taisent les contre-rapports comme celui de la Cour des comptes américaine qui démonte pourtant tous les chiffres publiés dans l’univers du téléchargement illicite…
Dernière étape en date : après une première tentative devant la commission des affaires juridiques du parlement européen, le Commissaire européen Michel Barnier revient à la charge.
Le cheminement est ici moins brutal : avant de réclamer des coups de bâton, Barnier annonce deux futures carottes, simplement potentielles. Cela se passe dans une tribune diffusée par Le Monde, cette fois, vendredi dernier.
Deux futures carottes (potentielles)
Le personnage annonce ainsi deux mesures pour soutenir la création. D’une part, une future proposition « en vue d'une organisation plus rationnelle de la gestion collective en Europe et notamment un guichet unique pour l'obtention des licences afférentes à différents types de droit », d’autre part, une proposition pour définir « un cadre juridique qui permettra aux bibliothèques de numériser [les] œuvres et les rendre accessibles au public. » D’autres sujets sont dessinés dans un avenir lointain « je pense d'ores et déjà à la numérisation des œuvres épuisées, aux œuvres audiovisuelles ou encore aux contenus créés directement par les internautes ».
« Donc » plus de lutte contre le piratage
Ce ne sont que des promesses, des plans, des projections, qui peuvent s’envoler au moindre coup de vent… Mais l’essentiel est d’y croire, car celles-ci posées, Barnier passe à la vitesse supérieure : « Il est donc clair que la relance de la création en ligne suppose une lutte efficace contre le piratage, qui aujourd'hui sape dans une grande mesure les fondements de l'économie numérique ». Tout est dans ce « donc » qui tente de tisser un lien logique dans l’esprit des lecteurs entre les mesures promises et la « lutte efficace contre le piratage ».
Le commissaire européen poursuit : « À titre d'exemple, je citerai une étude récente montrant que, en raison du piratage, 186 000 emplois ont été détruits en Europe en 2008, avec quelque 10 milliards d'euros de perte pour les industries créatives. Si l'on n'agit pas, ce sont jusqu'à 1,2 million d'emplois qui pourraient disparaître d'ici 2015 ».
Et revoilà les conclusions du rapport Tera...Comme Patrice Geoffron et Philippe Hardouin dans le « Rebond » de Libération, l’affirmation de Barnier souffre des mêmes défauts, et oublie encore de préciser aux lecteurs du Monde que ce rapport avait été commandé par la BASCAP (Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy), organisme privé coprésidé par le numéro 1 de Vivendi-Universal…
« C'est pourquoi » il faut renforcer la législation
On note cependant un tout petit aveu de faiblesse dans les propos de Michel Barnier, mais il est rapidement balayé à coup de convictions en béton :
« Il est toujours possible de discuter de l'exactitude de ces chiffres, mais il est impossible de nier l'impact destructeur du piratage sur l'industrie créative, qui représente une part importante de l'industrie européenne. C'est pourquoi j'examine actuellement dans quelle mesure notre législation pourrait être renforcée pour mieux sécuriser les investissements dans des services en ligne innovants, créateurs d'emplois et d'offres légales. » (la mise en gras est de notre fait)
Barnier admet que certains veuillent discuter de ces chiffres mais qu’importe, il tire déjà les conclusions de ses convictions, épaulées par le rapport Tera. Le piratage 1) détruit, 2) « c’est pourquoi » il faut renforcer notre législation. Cela tombe bien : le rapport de Marielle Gallo porte justement sur le renforcement de la propriété intellectuelle…
Et voilà comment à coup de « donc » et autre « c’est pourquoi » Barnier fait une boucle superbe avec les travaux de l’eurodéputée Gallo, celle qui fut poussée par Nicolas Sarkozy. Puisque l’occasion nous est à nouveau ouverte, on soulignera que Barnier et Gallo ont partagé la même liste pour les élections européennes, ce qui a pu favoriser une communion certaine autour de ces thèmes…