Dans une lettre envoyée par l’AFUL à plusieurs députés le 11 février dernier, on apprend que le ministère français de la Défense – en fait la direction interarmée des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information ou DIRISI - a signé voilà moins d’un an, un important accord-cadre avec Microsoft Irlande.
D’une durée de quatre ans, le contrat couvre la fourniture à prix préférentiel de la plupart des logiciels de l’éditeur. De fait, le ministère se voit autorisé à installer à peu près n’importe quel logiciel made in Redmond pour une somme forfaitaire de 100 euros par poste. « l'accord signé [le 25 mai] 2009 portait sur un nombre de 188 500 postes (soit 18 850 000 euros hors taxe), ajustable de 170 000 postes au minimum jusqu'à un maximum de 240 000 postes. Soit une option d'achat pour une somme d'un maximum de 5 150 000 euros, sans appel d'offres ni procédure de marché public »
De multiples craintes
Face à ces liens tissés entre le ministère et Microsoft, l’Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres liste une ribambelle de craintes : c’est d’abord celle de « l'arrêt de toute recherche ou expérimentation d'alternative aux logiciels de Microsoft, notamment dans le secteur des logiciels libres dont l'activité profite à de très nombreuses entreprises françaises ». Pire : les logiciels déjà en production pourraient eux-mêmes laisser place aux solutions de l’éditeur de Windows.
L’AFUL a du coup peur qu’on conjugue au passé les directives de la Direction Générale des Systèmes d'Information et de Communication (DGSIC). Celles qui préconisaient aux organismes du ministère de la Défense « de favoriser l'utilisation des standards ouverts (article 4 de la Loi n° 2004575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l'Économie Numérique) et la mise en concurrence des solutions logicielles propriétaires et libres / open source en faveur de directives que l'on pourrait croire écrites spécifiquement pour protéger l'emprise de la société Microsoft au sein du ministère ».
L’association se souvient aussi des préconisations du Référentiel Général d’Interopérabilité qui mettent l’accent sur les formats et les protocoles ouverts…
Impossibilité de faire machine-arrière
Par ailleurs, selon l’AFUL, l’« uniformisation des systèmes d'information du ministère (…) rendrait bien plus vulnérable aux risques informatiques (attaques informatiques, virus, bombes logiques, etc.) ». Enfin, pour l’avenir, cet accord-cadre générerait un effet cliquet antiretour : c’est « l'impossibilité de faire machine arrière au vu du montant du «coût de sortie» et de l'incapacité d'évolution vers un système hétérogène des solutions 100% Microsoft »
L’AFUL multiplie alors les questions et évoque sans difficulté le discours de Nicolas Sarkozy devant le monde de la Culture, quand le président torpillait la fuite de matière fiscale causée par Google, soupçonné (simplement) d’abus de position dominante : « pourquoi personne, dont l'État en tant que principal client français, ne s'offusque ou ne s'interroge de l'optimisation fiscale organisée par Microsoft en Europe et de son maintien en position dominante depuis plus de 15 ans (ce qui est exceptionnellement long dans un secteur aussi innovant) ? »
Dépendance technologique, dépendance stratégique
Le contrat Défense-Microsoft a aussi le parfum d’une dépendance stratégique de la France avec les Etats-Unis. « Est-il économiquement sage de privilégier le savoir-faire nord-américain au détriment des entreprises françaises ? Est-il acceptable qu'un pays comme la France, comptant parmi les quatre puissances militaires majeures, ne dispose d'aucune indépendance ni maîtrise technologique sur les systèmes d'information de son ministère de la Défense alors que ses entreprises nationales ont toute la compétence et le savoir-faire technologique nécessaires pour assurer cette indépendance et cette maîtrise ? »
Dans sa lettre, l’association révèle que l’accord a été suivi par la création d'un Centre de Compétences Microsoft (CCMS) dans les locaux de la DIRISI au Fort de Bicêtre. Composé d’ingénieurs Microsoft et de personnels du ministère, cette plateforme recueille les demandes et les besoins, fournit les logiciels, et assure le support, les conseils et les prestations de service. « La société Microsoft sera donc totalement intégrée aux services informatiques du ministère français de la Défense, aura une vision exhaustive de l'architecture et de la situation géographique des différents organismes de notre défense, un accès complet aux différents systèmes d'information de l'administration et donc des données y transitant et, de par la non-ouverture des codes source des logiciels déployés, la totale maîtrise de ce que ses logiciels y font ».
Des parlementaires se saisissent de cette problématique
Microsoft a indiqué au Monde Informatique que « l'accord cadre porte sur le maintien en condition opérationnelle des systèmes informatiques. Il s'inscrit dans les dispositions réglementaires de la modernisation des achats. Nous avons strictement respecté les procédures des marchés publics ». Nos confrères n'ont cependant pas eu de retour du ministère.
Celui-ci devrait cependant être plus bavard suite à une question parlementaire posée par le député Bernard Carayon : les thèmes développés par la lettre de l’AFUL sont officiellement soumis au ministre de la Défense. Celui-ci devra ainsi indiquer à la représentation nationale « ce qu'il entend faire pour éviter une uniformisation des systèmes d'information ».

De multiples craintes
Face à ces liens tissés entre le ministère et Microsoft, l’Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres liste une ribambelle de craintes : c’est d’abord celle de « l'arrêt de toute recherche ou expérimentation d'alternative aux logiciels de Microsoft, notamment dans le secteur des logiciels libres dont l'activité profite à de très nombreuses entreprises françaises ». Pire : les logiciels déjà en production pourraient eux-mêmes laisser place aux solutions de l’éditeur de Windows.
L’AFUL a du coup peur qu’on conjugue au passé les directives de la Direction Générale des Systèmes d'Information et de Communication (DGSIC). Celles qui préconisaient aux organismes du ministère de la Défense « de favoriser l'utilisation des standards ouverts (article 4 de la Loi n° 2004575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l'Économie Numérique) et la mise en concurrence des solutions logicielles propriétaires et libres / open source en faveur de directives que l'on pourrait croire écrites spécifiquement pour protéger l'emprise de la société Microsoft au sein du ministère ».
L’association se souvient aussi des préconisations du Référentiel Général d’Interopérabilité qui mettent l’accent sur les formats et les protocoles ouverts…
Impossibilité de faire machine-arrière
Par ailleurs, selon l’AFUL, l’« uniformisation des systèmes d'information du ministère (…) rendrait bien plus vulnérable aux risques informatiques (attaques informatiques, virus, bombes logiques, etc.) ». Enfin, pour l’avenir, cet accord-cadre générerait un effet cliquet antiretour : c’est « l'impossibilité de faire machine arrière au vu du montant du «coût de sortie» et de l'incapacité d'évolution vers un système hétérogène des solutions 100% Microsoft »
L’AFUL multiplie alors les questions et évoque sans difficulté le discours de Nicolas Sarkozy devant le monde de la Culture, quand le président torpillait la fuite de matière fiscale causée par Google, soupçonné (simplement) d’abus de position dominante : « pourquoi personne, dont l'État en tant que principal client français, ne s'offusque ou ne s'interroge de l'optimisation fiscale organisée par Microsoft en Europe et de son maintien en position dominante depuis plus de 15 ans (ce qui est exceptionnellement long dans un secteur aussi innovant) ? »
Dépendance technologique, dépendance stratégique
Le contrat Défense-Microsoft a aussi le parfum d’une dépendance stratégique de la France avec les Etats-Unis. « Est-il économiquement sage de privilégier le savoir-faire nord-américain au détriment des entreprises françaises ? Est-il acceptable qu'un pays comme la France, comptant parmi les quatre puissances militaires majeures, ne dispose d'aucune indépendance ni maîtrise technologique sur les systèmes d'information de son ministère de la Défense alors que ses entreprises nationales ont toute la compétence et le savoir-faire technologique nécessaires pour assurer cette indépendance et cette maîtrise ? »
Dans sa lettre, l’association révèle que l’accord a été suivi par la création d'un Centre de Compétences Microsoft (CCMS) dans les locaux de la DIRISI au Fort de Bicêtre. Composé d’ingénieurs Microsoft et de personnels du ministère, cette plateforme recueille les demandes et les besoins, fournit les logiciels, et assure le support, les conseils et les prestations de service. « La société Microsoft sera donc totalement intégrée aux services informatiques du ministère français de la Défense, aura une vision exhaustive de l'architecture et de la situation géographique des différents organismes de notre défense, un accès complet aux différents systèmes d'information de l'administration et donc des données y transitant et, de par la non-ouverture des codes source des logiciels déployés, la totale maîtrise de ce que ses logiciels y font ».
Des parlementaires se saisissent de cette problématique
Microsoft a indiqué au Monde Informatique que « l'accord cadre porte sur le maintien en condition opérationnelle des systèmes informatiques. Il s'inscrit dans les dispositions réglementaires de la modernisation des achats. Nous avons strictement respecté les procédures des marchés publics ». Nos confrères n'ont cependant pas eu de retour du ministère.
Celui-ci devrait cependant être plus bavard suite à une question parlementaire posée par le député Bernard Carayon : les thèmes développés par la lettre de l’AFUL sont officiellement soumis au ministre de la Défense. Celui-ci devra ainsi indiquer à la représentation nationale « ce qu'il entend faire pour éviter une uniformisation des systèmes d'information ».