Frédéric Mitterrand interrogé sur l’étude d’impact d’HADOPI

Une récente étude de l’Université de Rennes 1 avait montré voilà peu les effets visiblement contreproductifs de la loi HADOPI. Selon cette « première évaluation des effets de la loi Hadopi sur les pratiques des internautes français », le nombre de personnes téléchargeant du contenu illicite avait augmenté de 3 % depuis le vote. Pire, seuls 15 % des internautes qui pratiquaient le P2P avant cette loi avaient cessé de le faire depuis… mais une grande majorité avait mis les voiles du côté des alternatives, comme le streaming.

frederic mitterrand

Le député Christian Vanneste, qui n’a pas porté HADOPI dans son cœur durant les débats parlementaires, s’est saisi de ces conclusions pour les soumettre dans une question à Frédéric Mitterrand.
« M. Christian Vanneste interroge M. le ministre de la Culture et de la Communication sur l'étude qui révèle que le nombre de pirates sur Internet aurait augmenté de 3 % en France depuis l'adoption de la loi Hadopi. « À peine 15 % des internautes qui utilisaient les réseaux peer-to-peer avant l'adoption de la loi Hadopi ont définitivement cessé de le faire depuis ». Le constat des chercheurs de l'université Rennes-I est sans ambages. Mieux encore, selon eux, le nombre de « pirates » en France aurait augmenté de 3 % entre septembre et décembre, soit trois mois après l'adoption de la loi Hadopi 2. L'effet dissuasif de la loi « création et Internet », adoptée par l'Assemblée nationale le 15 septembre 2009, semble ne pas être au rendez-vous et cela même si les lettres d'avertissement n'ont pas encore été envoyées et ne devraient pas l'être avant le printemps... Il aimerait connaître la réaction du gouvernement à cette étude. »
La réponse n’est pas encore publiée.

L’implication de l’industrie de la Culture dans Hadopi indique que l'analyse de Mitterrand ne devrait pas s’éloigner de la récente position de l’IFPI. Cette puissante organisation des majors de la musique a fait état hier des travaux de la fac de Rennes. L'objectif : tenter de déminer le terrain et continuer à présenter la solution française comme l’exemple à suivre tout autour de la planète.

Dans ce communiqué publié hier, John Kennedy, CEO de l’IFPI estime « absurde de suggérer qu’une étude menée avant l’envoi du premier mail par HADOPI soit considérée en quelque sorte comme un jugement définitif sur le succès ou l’échec des lois françaises contre le piratage numérique». Pour Kennedy, ce type d’études n’est que « pure spéculation » et qu’il convient d’attendre l’entrée en vigueur de la loi (et donc ses décrets), pour en mesurer « l’impact ».

Pure spéculation ?

On soulignera pour notre part qu'aucune étude d'impact ne fut réalisée avant HADOPI. C'était d'ailleurs un des reproches de la CNIL dans son avis sur le texte alors en avant-projet : « Les seuls motifs invoqués par le gouvernement afin de justifier la création du mécanisme confié à l'HADOPI résultent de la constatation d'une baisse du chiffre d'affaires des industries culturelles. À cet égard, (la CNIL) déplore que le projet de loi ne soit pas accompagné d'une étude qui démontre clairement que les échanges de fichiers via les réseaux « pair à pair » sont le facteur déterminant d'une baisse des ventes dans un secteur qui, par ailleurs, est en pleine mutation du fait notamment, du développement de nouveaux modes de distribution des œuvres de l'esprit au format numérique ». On sait que depuis le fameux cabinet Tera avait tenté de répondre à cette demande pressante, mais en s'appuyant sur les chiffres de l'industrie du disque et du cinéma...

Une entrée en vigueur sans cesse repoussée

Sur le thème de l'entrée en vigueur, Frédéric Mitterrand a répété devant un journaliste de la chaîne Public Sénat que les premiers mails partiront à la fin du printemps, ou au début de l’été. Avant de s’inquiéter auprès de notre confrère : « vous n’avez pas l’air convaincu par ce que je vous dis ? »

Et pour cause.

Aujourd’hui membre de la HADOPI, Franck Riester avait affirmé en septembre 2009 à Libération/Ecrans  que « les e-mails d’avertissement devraient être envoyés avant la fin de l’année. Les premières sanctions, nécessitant plusieurs avertissements, devraient intervenir un peu plus tard ». Raté.

Durant l’installation d’Hadopi, Mitterrand revoyait déjà l’agenda en estimant que pour la mise en œuvre du texte, « l’option basse c’est avril, l’option haute c’est juillet ». Mais tout cela suppose que seront réglées très vite des questions fondamentales si ce n'est impossibles comme celles liées aux logiciels de sécurisation – un Vietnam informatique couplé à une absurdité – ou le douloureux sujet du remboursement des fournisseurs d’accès pour les frais supportés dans la mise en œuvre de la riposte graduée.

Les coûts et les couleuvres

Sur ce dernier point, les résistances du ministère de la Culture à rembourser les frais des FAI s’expliquent par les thèses défendues par Olivier Bomsel, professeur d’économie à l'École des Mines, mais surtout membre de la mission Olivennes et donc architecte d’HADOPI.

Voilà ce que disait ce chercheur lors d’un colloque en janvier 2009 sur la riposte graduée :
« Le mérite de ce dispositif est d’élever à la marge le coût du piratage pour le consommateur - qui anticipe éventuellement de pouvoir être suspendu - et il transfère ce coût au FAI qui va devoir gérer la suspension des abonnements, le cas échéant. Il fait donc apparaitre le coût d’application de la propriété pour ce qu’il est, et supporté par les acteurs économiques. Résultats des courses, cela va être que très vraisemblablement les FAI qui vont subir des coûts pour suspendre leurs consommateurs vont vouloir mettre en place des solutions de filtrage, qui tendanciellement, vont permettre d’abaisser les coûts d’application de la propriété… »
En poussant les FAI à subir des coûts dans l’application d’HADOPI, ce membre de la mission Olivennes estimait alors que les intermédiaires techniques se soumettraient volontairement au filtrage, appliqué sans rechigner. Problème non anticipé alors : certains rêves ne deviennent pas toujours réalité.

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