PC INpact : le rapport Zelnik, de Z à K

Le rapport Zelnik a finalement été diffusé hier sur le site du ministère de la Culture. Nous vous proposons un tour d’horizon des principales mesures, agrémentées de commentaires.

rapport zelnik mitterrand toubon Didier Plowy MCC
Crédit photo : Didier Plowy/ MCC

Le rapport est scindé en deux : 14 pages sont consacrées à un résumé des mesures, et plus de 130 pages sur le détail. Musique, Cinéma et secteur du livre sont les trois leviers sur lesquels ce rapport tente de trouver des solutions de financement. Dès l’introduction, en effet, on admet que la riposte graduée fut nécessaire...

« Tout risque représentant un coût pour celui qui s’y expose, il est donc devenu inexact d’affirmer que le combat contre des services illégaux gratuits serait perdu d’avance parce que déloyal. Au contraire, l’entrée en vigueur de cette législation ménage des conditions favorables au développement des services culturels légaux. »
 
Mais sans être suffisante pour déverser des flots de revenus dans les poches des auteurs et des ayants droit.

« Il est urgent d’anticiper les mutations que connaîtra bientôt le secteur du livre, comme il est urgent de faire évoluer la régulation du secteur de la vidéo et de relancer le secteur de la musique. » 

Quelles sont ces fameuses mesures, ce « plan d’action pour faciliter l’accès à la création
sur internet
» ?

La musique
  • Une carte musique en ligne, payée par le consommateur (beaucoup), l'Etat (beaucoup) et les professionnels (un peu)
Pour la musique, Zelnik & Co proposent d’abord l’instauration d’une carte « Musique en ligne ». Ce sont les « jeunes internautes » qui sont visés, sans qu’on sache exactement quelle est la date de péremption de la jeunesse en ce secteur.

Concrètement, on préconise l’instauration d’une carte d’une valeur faciale (par exemple) de 50 euros à dépenser sur les plateformes légales et payantes. 20 à 25 euros seraient payés par l’internaute (jeune), 20 euros par l’État, et 5 à 10 euros par les professionnels. Cette carte serait utilisable sur tous les sites participants à l’opération. Si l’Etat injecte 25 millions, ce sont  donc 60 millions qui seraient déversés dans le téléchargement légal et payant. L’objectif est aussi d’habituer les internautes à acheter, plutôt que lorgner sur les autres sources d’approvisionnement.

On remarquera que la « crise » ne frappe pas seulement le monde du payant. Pour n’en citer qu’un, Jamendo est aussi actuellement en difficulté. Est-ce que le monde du Creative Common sera éligible à recevoir des dons via cette carte monétisée ? Si non, n’y a-t-il pas un traitement inégalitaire ?
Deezer plein ecran Asian Dub Foundation

  • Un système de gestion collective pour le streaming et le webcasting
Deuxième pilier pour le secteur de la musique : un système de gestion collective. Nous en avons plusieurs fois parlé.

L’objectif est de faciliter les négociations des Dailymotion et autres Jiwa ou Deezer. « Négocier les licences est un processus long et complexe : il existe en effet plusieurs catégories d’ayants droit, et plusieurs catégories de droits qui doivent être négociés séparément. À cette complexité s’ajoutent souvent les pratiques de minimums garantis ou d’avances réclamés par certains producteurs. Dans le même temps, les plus petits d’entre eux, producteurs indépendants, ne parviennent pas à obtenir des conditions de mise en marché équivalentes à celles obtenues par les majors ».

Le rapport demande ainsi à organiser un système de gestion collective. Pour la diffusion musicale linéaire en ligne (webcast), on s’approcherait du système existant pour les radios. Pour les autres services, typiquement le téléchargement de titres et la lecture en continu à la demande, la mission en appelle à une gestion collective « sous une forme volontaire ». Avec une menace : si pas d’accord d’ici fin 2010, on basculera sur une gestion collective obligatoire. C’est toujours cela de gagné pour les maisons de disque.

D’autres mesures sont mises sur la table comme la reconduction du crédit d’impôt pour la production d’œuvres phonographiques.

Le livre

  • Le prix unique pour le livre numérique
Pour le monde du livre, la mission demande à ce que le prix unique soit étendu au livre numérique, afin de redonner un plein contrôle aux éditeurs.

Il est aussi demandé la mise en place d’un taux réduit de TVA pour le livre numérique, la différence de traitement fiscal avec le livre « physique » étant qualifiée d’insupportable. Enfin, le rapport soutient l’idée d’une plateforme unique, où chaque éditeur pourrait déposer son offre à l’intention des libraires. « L’objectif est ici de permettre aux libraires d’avoir accès à la totalité des livres numériques et de jouer ainsi leur rôle de guide du lecteur dans le labyrinthe des titres disponibles. Cette plateforme implique pour les éditeurs la production de métadonnées communes et l’homogénéisation des formats. »

cartouches
  • Une taxe copie privée sur les cartouches et laser toner
Le rapport Zelnik demande à ce que soient triplés « les montants effectivement affectés à la numérisation des livres sous droit ». L’objectif est d’atteindre un montant de l’ordre de 4 à 5 millions d’euros par an. Évidemment, en période de vache maigre, il faut trouver des ressources. À peu près n’importe où, comme on peut le voir dans ce passage qui n’aura pas été médiatisé hier.

La mission préconise d’élargir l’assiette de la redevance sur le matériel de reproduction et d’impression (imprimante, etc.) à d’autres secteurs voisins. Cette redevance pour copie privée est ici une véritable taxe de nature fiscale. Actuellement portée à 2,25%, la ponction irait frapper les consommables des appareils de reprographie, et donc les cartouches jets d’encre et les toners laser. Ces sommes iraient alors tout droit dans les poches du Centre National du Livre.

Problème : on fait ici jouer à la copie privée un rôle qui n’est pas du tout le sien. La redevance pour copie privée est la contrepartie d’un acte licite. Là, on tisse un lien pour permettre d’accroitre les moyens qui serviront au triplement du budget de la numérisation. En clair : cela n’a rien à voir et dénature totalement les fondements du système.

Le consommateur paie sur le support DVD (pour enregistrer ses photos), paie sur l'imprimante (pour le tirage lesdites photos) et on devra en plus payer pour les cartouches (sur l'encre desdites photos). Après le triple play, le triple pay.

Audiovisuel et cinéma
  • Revoir un tout petit peu la chronologie des médias
Le rapport demande d’abord à ce que soit assouplie « légèrement » la chronologie des médias. L’idée est de « permettre aux services de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) de trouver une place plus en rapport avec leur modèle économique » : 22e mois après la sortie en salle, voire dès le 10e mois, contre 36 mois actuellement.
  • Elargir les offres de film à la demande chez les FAI
Un autre chapitre, nettement plus sensible, vise cette fois à gratter à la porte des fournisseurs d’accès. Le rapport souffle le froid et le chaud.

Le chaud : il veut inciter les FAI à élargir leur offre de film à la demande. A cette fin, il demande la mise en place, par la loi, d’un accès non discriminatoire aux réseaux de distribution, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
  • Alourdir la TVA sur les offre triple play
Le froid : d’autres mesures sont attendues de l’État cette fois. On aborde ici la question de la TVA et des FAI. Actuellement, 50 % des abonnements triple play, en fait la partie audiovisuelle, sont frappés d’une TVA à taux réduit. L’autre moitié reste à un taux de droit commun (19,6 %). Pour Zelnik, « il ne serait pas illégitime de réviser à la baisse la proportion du taux réduit de TVA appliqué aux offres combinées ADSL des opérateurs de télécommunication ». L’idée est donc de frapper au taux lourd, une plus grande part de l’abonnement triple play (55 % vs 45 %).

Auprès des professionnels des télécoms, on considère que la modification du taux de répartition est au contraire illégitime. « Vu la répartition de trafic (avec l'explosion de la VoD / SVOD & Catch-Up TV, plus que jamais le trafic audiovisuel est prépondérant dans les réseaux, l'activité accès Internet est minoritaire ». Il y a un autre détail piquant : « Jouer avec le curseur en réduisant la part éligible au taux réduit fera mécaniquement baisser les contributions COSIP, SACEM, SACD, Agicoa, Angoa etc. dont l'assiette repose sur la part audiovisuelle du tarif de détail ».

Puisque la TVA est un impôt, il faudra une loi conformément à l’article 34 de la constitution, lequel définit le champ d’application de la loi.
  • Une taxe sur les films du domaine public, pour la numérisation des films du patrimoine
La mission nage ici dans l’absurde. Elle demande à ce que soit créé un fonds spécial pour financer la numérisation des films du patrimoine. Comment ? Tout simplement par une redevance sur l’exploitation des œuvres du domaine public cinématographique. Commentaire d’un juriste éclairé : « si ces films sont dans le domaine public, pourquoi créer une "redevance au titre de l'exploitation" ? Avec une œuvre tombée dans le domaine, il n’y a plus de droit d’exploitation. Bientôt une taxe pour la consultation des livres tombés dans le domaine public ? »

publicité
  • Une taxe touchant les revenus publicitaires en ligne
Voilà deux ans, Christine Albanel poussait en avant l’idée d’une taxe sur les nuits dans les grands hôtels pour financer la restauration du patrimoine. L’argument ? Le lien naturel entre tourisme et patrimoine.

Dans le rapport Zelnik on retrouve cette même idée, sans rapport : taxer les publicités des services en ligne pour financer la culture. C’est la fameuse taxe Google, mais qui frappe en réalité tous les services en ligne.

Comment est-elle justifiée ? « Situées en aval de la chaîne de valeur, les sociétés opérant des services en ligne ont progressivement capté une part importante de la publicité en ligne, sans toujours rémunérer les créateurs comme le font les sociétés éditrices de contenu. »

Dans un univers sans frontière, quel serait le fait générateur de cette ponction ou plus exactement la règle de territorialité qui s’appliquerait ? Simplissime : « dès lors que l’événement sous-jacent à la transaction – en l’occurrence, la vision d’un affichage publicitaire ou le suivi d’un lien sponsorisé – serait, lui, localisé en France ». Ensuite ? « Ces revenus seraient intégrés à l’assiette du prélèvement obligatoire proposé dès lors que l’utilisateur du service serait localisé en France, quel que soit les pays d’établissement de l’opérateur du service comme de l’annonceur. »

La mission Zelnik a la conviction réelle que tous les sites mondiaux vont 1) faire un tracking de tous les revenus publicitaires provenant d'un internaute avec une IP française et 2) spontanément déclarer cela au fisc. Un de nos contacts égratigne : « c'est la CNIL qui va être contente, puisque avec cette taxe, c'est le fisc qui va nous imposer de fliquer les gens dans le secteur de la pub ! »

Combien ? Pour le rapport, « il est raisonnable de considérer qu’à terme, cette mesure pourrait générer un surcroît de recettes fiscales de l’ordre de 10 à 20 millions d’euros par an, acquittés principalement par les grandes sociétés opérant des services supports de publicité en ligne telles que Google, Facebook, Microsoft, AOL ou Yahoo. »
  • Une enquête des autorités de la concurrence sur Google
Enfin, le rapport contient une autre pépite, un véritable cavalier : celui de soumettre le cas de Google au gendarme de la concurrence français. « De nombreux éditeurs de sites culturels et de presse sur internet, ont fait part à la mission de leur inquiétude face à la baisse de leurs recettes publicitaires, qu’ils attribuent, en général, au mauvais fonctionnement concurrentiel de ce secteur en France, et, en particulier, à certains comportements du leader du secteur, la société Google. Une saisine pour avis de l’autorité de concurrence, dont le texte figure en annexe, permettra d’y voir plus clair dans ce domaine. »

On y reproche des pratiques non transparentes, le fait (éventuel) pour Google de privilégier ses filiales éditrices de contenu (comme YouTube ou Maps, vs Dailymotion ou Mappy), etc.

Et parmi les remèdes demandés dans cette saisine , « on » réclame d’imposer à Google de se séparer de certaines de ses activités (intermédiation, technologies de diffusion) ou encore « dans la mesure où sa supériorité sur les marchés intermédiaires tient largement à la quantité inégalable de données détenues sur les internautes et sur les sites, il pourrait aussi être envisagé de rendre ces données accessibles aux concurrents. »

Cette saisine est rédigée, pliée, prête à être postée à destination du gendarme de la concurrence. Il se murmure, mais ce ne sont que des bruits, qu’un grand éditeur de logiciels fenêtrés aurait rédigé ce document. Voilà qui traduirait un petit coup bas assez éloigné de la création et son financement. Mais depuis DADVSI, ou HADOPI, les commentateurs sont habitués à ces hors sujets.

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