Au journal officiel du 31 décembre 2009, a été publié le décret donnant vie à Hadopi. Il touche à l’organisation de la Haute autorité, son collège, sa commission, bref, tous les détails qui vont permettre à Hadopi d’Hadopier.
Ce collège de la Hadopi où siège le député UMP Franck Riester notamment aura des pouvoirs importants. Non seulement concernant la rémunération du personnel de la Hadopi, son budget ou ses règles déontologiques, mais il hérite des pouvoirs autrefois attribués à l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques de Protection (DRM, interopérabilité, etc.) Il devra aussi assurer la « publication des spécifications fonctionnelles pertinentes et l'établissement de la liste labellisant les moyens de sécurisation mentionnés à l'article L. 331-26 ».
Labellisation
En clair, c’est ce collège qui devra déterminer le portrait-robot du logiciel de sécurisation dont l’installation protègera l’abonné des foudres de la déconnexion. Une labellisation trop exigeante, et la preuve deviendra presque impossible pour Mme Michu. Des critères trop souples, et voilà des internautes qui pourront télécharger sans compter, après avoir acheté et installé un logiciel mouchard poreux.
Les membres du collège de la Haute Autorité percevront une indemnité forfaitaire « pour chaque séance plénière du collège, dans la limite d'un plafond annuel ». Ces montants seront fixés par un arrêté conjoint des ministres chargés de la culture, du budget et de la fonction publique. Les membres de la Hadopi étant désignés pour six ans, autant dire que cet arrêté sera attendu avec impatience.
Transaction
L’autorité est indépendante, mais pas forcément transparente. Ainsi, les séances de la commission de protection des droits, celle qui sera au centre des rouages de la riposte gradués, « ne sont pas publiques ». C’est aussi dans le secret des alcôves que prospèrera cette fameuse voie transactionnelle qui avait été décrite lors de la procédure parlementaire ou même devant le Conseil constitutionnel. Là, le gouvernement observait qu’après avoir « flashé » un abonné, « la commission de protection des droits prendra la mesure prévue par la loi : première recommandation, nouvelle recommandation, proposition de transaction, ou encore, en dernier ressort, engagement d'une procédure de sanction ». C’est une justice où l’aveu prime sur l’enquête traditionnelle, avec le risque : celui où la menace l’emporte sur la preuve.
Du personnel élastique
On notera qu’Hadopi est calibrée pour être élastique : « des fonctionnaires et des magistrats de l'ordre judiciaire peuvent être détachés ou mis à disposition auprès de la Haute Autorité dans les conditions prévues par leur statut » prévient le décret. La « traque aux pirates » pourra ne pas connaître la crise : « la Haute Autorité peut recruter des agents non titulaires de droit public par contrat à durée déterminée ou indéterminée, employés à temps complet ou à temps incomplet ».
Hadopi, qui attaquera en premier ?
La publication de ce décret d’organisation – disposition classique en matière d’autorité indépendante – ouvre une étape sensible pour les activités de la Hadopi. Hypothèse : une personne pourrait être tentée ainsi d’attaquer ce texte devant le Conseil d’État. Une étude approfondie l’exige sur chaque ligne, chaque mot, mais il pourrait s’agir de savoir si le décret ne va pas plus loin que la loi, ce qui est interdit. La procédure, qui n’est pas suspensive, n’aboutirait qu’après 6 ou 8 mois au Conseil d’État. Quel serait alors le mode de fonctionnement de cette autorité ? Si le décret était finalement invalidé, on imagine assez bien l’ampleur des dégâts et l’imbroglio face aux décisions de déconnexion qui seraient prises dans le laps de temps.