Mise à jour 16 décembre : le groupe de travail Framalang, du réseau Framasoft et la Quadrature du net ont publié une traduction de cette étude, du moins son résumé.
On pourra lire ce document via ce lien. Les deux sites publient quelques extraits choisis, dont celui-ci :
p. 23
Le filtrage du web et du P2P dans l’intérêt de l’industrie de la propriété intellectuelle. Une mesure de filtrage du web ou du P2P, qui servirait l’intérêt des ayants droit, aurait probablement un effet global plus négatif :
* tout d’abord, si le filtrage du P2P peut être présenté comme menant à un chiffrement des échanges rendant toute surveillance ou la plupart des contenus impossible, il deviendrait alors impossible de surveiller ces communications, même dans les conditions où cela est autorisé ;
* ensuite, cela impliquerait des coûts. Elevés pour l’industrie d’Internet, les gouvernements et les internautes ;
* enfin, cela mènerait à coup sûr au filtrage de fichiers légaux.
Au regard du critère qui requiert qu’il existe une base suffisante pour croire que les intérêts des ayants-droits soient en péril , nous pouvons dire qu’il n’y a aucune preuve d’un tel danger. Il n’y a aucune preuve de la nature et de l’étendue des pertes possibles dont souffrent les ayants-droits à cause des infractions commises à l’encontre de leurs droits sur le web ou les réseaux P2P, étant donné que les études sur ce problème sont insuffisantes ou démontrent un résultat inverse.
Le filtrage des contenus illégaux du web ou du P2P dans le but de la prévention du crime. L’objectif de la prévention du crime devrait être d’empêcher les gens de commettre des crimes ou délits ou d’en être complices en achetant, téléchargeant ou vendant des contenus illégaux. Sa proportionnalité dépendrait de l’équilibre trouvé entre, d’une part, le pourcentage de la population qui ne commettrait plus de délits puisque n’ayant plus accès aux contenus illégaux et, d’autre part, les restrictions des libertés publiques que causerait la mesure. L’effet de la mesure ne devrait pas être une réduction significative de la liberté d’expression ni du droit à la vie privée de chaque citoyen. Il n’existe pour l’instant aucune preuve qu’une mesure de filtrage pourrait aboutir à une diminution des crimes et délits, alors qu’elle restreindrait certains comportements légitimes et proportionnés.
Estelle de Marco, qui fut consultante de l’Association des Fournisseurs d’Accès, est une juriste reconnue, et qui avait encore récemment commenté le projet de loi Hadopi 1, en présageant avec justesse des conclusions du Conseil constitutionnel. Cormac Callanan est membre du conseil consultatif Irlandais sur la sûreté d’Internet et directeur d’Aconite Internet Solutions qui fournit des expertises dans le domaine de la cybercriminalité. Marco Gercke est directeur de l’Institut du droit de la cybercriminalité et professeur de droit pénal à l’Université de Cologne. Enfin, Hein Dries-Ziekenheiner est CEO de Vigilo Consult, cabinet de juristes spécialises dans le droit de l’Internet.
Cette étude, l’une des plus touffues (plus de 200 pages) en ce secteur se concentre d’abord a établir un état des lieux du blocage de l’internet en Europe, et dans le monde : « Les efforts mis en oeuvre dans des pays non démocratiques tels que la Chine,en vue de censurer Internet, sont désormais bien connus. Mais l’étude montre la manière dont les initiatives de filtrage de contenus Internet croissent à travers l’Europe démocratique. En Allemagne, en Angleterre, en Italie et en Scandinavie, les mesures sont destinées à bloquer les pages véhiculant de la pornographie enfantine. En France, le projet de loi « protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet » permettrait de sanctionner les internautes d’une interruption de leur accès Internet en cas d’atteinte en ligne à des droits de propriété intellectuelle. En Turquie, le Ministre des Télécommunications a bloqué plus de 6 000 sites web, dont YouTube, Geocities, DailyMotion et WordPress ».
Les différentes techniques de filtrage ou blocage sont examinées (adresse IP, DNS, URL, contenu, mots clefs, Hash…), mais au grand désespoir de ceux qui défendent cette réponse technico-pénale, les auteurs du rapport en question concluent à l’inefficacité de ces mesures.
« Les possibilités de contourner les technologies de filtrage restent nombreuses. Plus important, les mesures de filtrage sont intrusives et portent souvent atteinte aux libertés fondamentales. Elles entraînent le filtrage de contenus qui ne devraient pas être bloqués, ou inversement ne permettent pas de bloquer l’ensemble des contenus qui devraient être visés. Dans tous les cas, ces technologies n’empêchent pas les délinquants d’accéder aux contenus de leur choix ». On a beau secouer l’épouvantail de pédophilie pour vendre le filtrage, cette menace ne prend pas. « Les tentatives de filtrage des contenus provoquent trop souvent des retours de flamme », explique Cormac Callanan. « Techniquement, le filtrage est difficile à mettre en œuvre. D’un point de vue juridique, il est problématique. Par-dessus tout, le filtrage représente une réelle menace pour le libre transfert de l’information, et entre en conflit avec les principes démocratiques de base » (dont le principe de nécessité, principe de proportionnalité, etc.)
Sur blocage, sous blocage, des investissements techniques importantes, pour des mesures facilement contournables. Voilà le piteux tableau dressé par ces auteurs, que nous reproduisons ci-dessous :
Ce nouveau coup de poing contre le blocage intervient alors que l'Allemagne a justement décidé d'abandonner le filtrage des sites pédophiles. Selon l’AFA, « d'après les études menées en Allemagne (et encore en cours), sur 8000 URLs contenues dans les listes noires présumées de la police, seuls 110 sites web contenaient des images d'abus sexuels sur mineurs et des images érotiques de mineurs, et après notification à l'hébergeur, seulement 7% de ces contenus illégaux, hébergés dans des pays non-membres d'Inhope, étaient encore en ligne après 14 jours (alors que la plupart des contenus notifiés ont été supprimés dans les 48h après notification) ».
On pourra lire ce document via ce lien. Les deux sites publient quelques extraits choisis, dont celui-ci :
p. 23
Le filtrage du web et du P2P dans l’intérêt de l’industrie de la propriété intellectuelle. Une mesure de filtrage du web ou du P2P, qui servirait l’intérêt des ayants droit, aurait probablement un effet global plus négatif :
* tout d’abord, si le filtrage du P2P peut être présenté comme menant à un chiffrement des échanges rendant toute surveillance ou la plupart des contenus impossible, il deviendrait alors impossible de surveiller ces communications, même dans les conditions où cela est autorisé ;
* ensuite, cela impliquerait des coûts. Elevés pour l’industrie d’Internet, les gouvernements et les internautes ;
* enfin, cela mènerait à coup sûr au filtrage de fichiers légaux.
Au regard du critère qui requiert qu’il existe une base suffisante pour croire que les intérêts des ayants-droits soient en péril , nous pouvons dire qu’il n’y a aucune preuve d’un tel danger. Il n’y a aucune preuve de la nature et de l’étendue des pertes possibles dont souffrent les ayants-droits à cause des infractions commises à l’encontre de leurs droits sur le web ou les réseaux P2P, étant donné que les études sur ce problème sont insuffisantes ou démontrent un résultat inverse.
Le filtrage des contenus illégaux du web ou du P2P dans le but de la prévention du crime. L’objectif de la prévention du crime devrait être d’empêcher les gens de commettre des crimes ou délits ou d’en être complices en achetant, téléchargeant ou vendant des contenus illégaux. Sa proportionnalité dépendrait de l’équilibre trouvé entre, d’une part, le pourcentage de la population qui ne commettrait plus de délits puisque n’ayant plus accès aux contenus illégaux et, d’autre part, les restrictions des libertés publiques que causerait la mesure. L’effet de la mesure ne devrait pas être une réduction significative de la liberté d’expression ni du droit à la vie privée de chaque citoyen. Il n’existe pour l’instant aucune preuve qu’une mesure de filtrage pourrait aboutir à une diminution des crimes et délits, alors qu’elle restreindrait certains comportements légitimes et proportionnés.
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Premiere publication 26 octobre 2009 : Une nouvelle étude européenne vient de contester l'efficacité du filtrage, tant d'un point de vue juridique que technique. Organisée à la demande de l’Open Society, cette étude intitulée « Filtrage d’Internet : équilibrer les réponses à la cybercriminalité dans une société démocratique » a été rédigée par quatre « noms » : Cormac Callanan (Irlande), Marco Gercke (Allemagne), Estelle De Marco (France) et Hein Dries-Ziekenheiner (Pays-Bas). On pourra la télécharger (en anglais) dans son intégralité depuis nos serveurs.* *
Estelle de Marco, qui fut consultante de l’Association des Fournisseurs d’Accès, est une juriste reconnue, et qui avait encore récemment commenté le projet de loi Hadopi 1, en présageant avec justesse des conclusions du Conseil constitutionnel. Cormac Callanan est membre du conseil consultatif Irlandais sur la sûreté d’Internet et directeur d’Aconite Internet Solutions qui fournit des expertises dans le domaine de la cybercriminalité. Marco Gercke est directeur de l’Institut du droit de la cybercriminalité et professeur de droit pénal à l’Université de Cologne. Enfin, Hein Dries-Ziekenheiner est CEO de Vigilo Consult, cabinet de juristes spécialises dans le droit de l’Internet.
Cette étude, l’une des plus touffues (plus de 200 pages) en ce secteur se concentre d’abord a établir un état des lieux du blocage de l’internet en Europe, et dans le monde : « Les efforts mis en oeuvre dans des pays non démocratiques tels que la Chine,en vue de censurer Internet, sont désormais bien connus. Mais l’étude montre la manière dont les initiatives de filtrage de contenus Internet croissent à travers l’Europe démocratique. En Allemagne, en Angleterre, en Italie et en Scandinavie, les mesures sont destinées à bloquer les pages véhiculant de la pornographie enfantine. En France, le projet de loi « protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet » permettrait de sanctionner les internautes d’une interruption de leur accès Internet en cas d’atteinte en ligne à des droits de propriété intellectuelle. En Turquie, le Ministre des Télécommunications a bloqué plus de 6 000 sites web, dont YouTube, Geocities, DailyMotion et WordPress ».
Les différentes techniques de filtrage ou blocage sont examinées (adresse IP, DNS, URL, contenu, mots clefs, Hash…), mais au grand désespoir de ceux qui défendent cette réponse technico-pénale, les auteurs du rapport en question concluent à l’inefficacité de ces mesures.
« Les possibilités de contourner les technologies de filtrage restent nombreuses. Plus important, les mesures de filtrage sont intrusives et portent souvent atteinte aux libertés fondamentales. Elles entraînent le filtrage de contenus qui ne devraient pas être bloqués, ou inversement ne permettent pas de bloquer l’ensemble des contenus qui devraient être visés. Dans tous les cas, ces technologies n’empêchent pas les délinquants d’accéder aux contenus de leur choix ». On a beau secouer l’épouvantail de pédophilie pour vendre le filtrage, cette menace ne prend pas. « Les tentatives de filtrage des contenus provoquent trop souvent des retours de flamme », explique Cormac Callanan. « Techniquement, le filtrage est difficile à mettre en œuvre. D’un point de vue juridique, il est problématique. Par-dessus tout, le filtrage représente une réelle menace pour le libre transfert de l’information, et entre en conflit avec les principes démocratiques de base » (dont le principe de nécessité, principe de proportionnalité, etc.)
Sur blocage, sous blocage, des investissements techniques importantes, pour des mesures facilement contournables. Voilà le piteux tableau dressé par ces auteurs, que nous reproduisons ci-dessous :
Ce nouveau coup de poing contre le blocage intervient alors que l'Allemagne a justement décidé d'abandonner le filtrage des sites pédophiles. Selon l’AFA, « d'après les études menées en Allemagne (et encore en cours), sur 8000 URLs contenues dans les listes noires présumées de la police, seuls 110 sites web contenaient des images d'abus sexuels sur mineurs et des images érotiques de mineurs, et après notification à l'hébergeur, seulement 7% de ces contenus illégaux, hébergés dans des pays non-membres d'Inhope, étaient encore en ligne après 14 jours (alors que la plupart des contenus notifiés ont été supprimés dans les 48h après notification) ».