Avec Hadopi 2, le Conseil constitutionnel n’aura pas fait preuve de l’audace qui le caractérisait dans sa décision Hadopi 1. Effectuant un contrôle de proportionnalité entre les mesures prises et les objectifs poursuivis, il n’a rien vu de choquant dans l’usine concoctée par la Rue de Valois. Par trois fois au moins dans sa décision, il a au contraire renvoyé la balle au juge judiciaire ou au juge administratif, refusant d’imposer un quelconque bornage aux risques d’excès.
Une balle renvoyée au Conseil d'Etat
Le premier exemple vise la suspension d’un mois pour défaut de sécurisation caractérisé. Avec le défaut de sécurisation, les auteurs de la saisine avait senti un risque de renversement de la charge de la preuve (votre IP a été flashée, donc vous n’avez pas sécurisé, donc vous êtes nécessairement coupable) peu en phase avec à la présomption d’innocence.
« Les conditions dans lesquelles seront constatées et jugées ces contraventions soulèvent la question de l’éventuelle inversion de la charge de la preuve à l’encontre du titulaire d’accès à Internet » reconnaît bien le juge constitutionnel. Mais sans pousser plus loin : le défaut de sécurisation, soutient-il, n’est pas une nouvelle incrimination. Nuance subtile, c’est « une peine complémentaire spéciale » applicable aux contraventions de la cinquième classe qui seront créées par décret. De cette finesse, un effet mécanique tranchant : le juge constitutionnel laisse au juge administratif, et donc au Conseil d’État, le soin de trancher ces futures questions épineuses mais cruciales.
Le contrôle du conseil constitutionnel sur la négligence caractérisée sera donc bref, maigre si ce n’est rachitique : il se satisfait des trois conditions posées par la loi à savoir une « négligence caractérisée » comme élément constitutif de l’infraction, une peine complémentaire de suspension à Internet prévue par décret et enfin un avertissement préalable adressé au prévenu par l’Hadopi. « Ce n’est qu’au vu de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction qu’il pourra être jugé si le dispositif institué porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines, au principe de nécessité des peines et à la présomption d’innocence » assène le Conseil constitutionnel qui ci n’oublie pas au passage de dire que la « négligence caractérisée » n’est pas une expression floue ou imprécise susceptible d’être constitutionnellement giflée…
Du cas par cas, dans une réponse pénale massive
Autre défausse : le juge constitutionnel ne dira pas quelles seront les garanties que devront apporter les dossiers montés à l’aide des logiciels de repérage automatisés sur les réseaux P2P. Il dira : « les autorités judiciaires compétentes apprécieront au cas par cas (…) si un supplément d'enquête ou d'instruction est nécessaire ou si les éléments de preuve rassemblés (par ces personnes) suffisent à établir la culpabilité de la personne mise en cause et permettent, le cas échéant, la détermination de la peine. »
Ce cas par cas a le parfum du paradoxe puisque dans le même temps le juge constitutionnel admet la nécessité de l’adaptation de la réponse pénale à la contrefaçon, pour tenir compte de la massivité du piratage sur les réseaux. Comment faire du tir chirurgical au cas par cas à l’aide d’une mitrailleuse gros calibre ?
Une inégalité devant la loi acceptée car temporaire et limitée
La cavalerie à reculons se poursuit un peu plus encore : les auteurs de la saisine jugeaient que 10% de la population ne pourra pas être suspendue du fait de la situation du dégroupage. Peu importe pour le Conseil : « cette inégalité de fait dans l’application de la loi n’est pas de nature à rendre la loi elle-même inconstitutionnelle ». D’un côté, la loi ne crée pas elle-même de différence de régime puisqu’elle est applicable sur tout le territoire national. De l’autre, la différence de fait dans l’application de la peine de suspension « revêt un caractère limité à certaines zones du territoire et elle est temporaire. Elle a donc vocation à disparaître ».
Bref, c’est du temporaire, on ne va pas chipoter s’il y a rupture d’égalité devant la loi. Pour se nettoyer des tâches de boue que peuvent générer ces postures, les neuf sages soutiennent… « Qu’il appartiendra au juge de prendre en compte cette circonstance dans la fixation de la peine ». En clair là encore, c’est encore le juge judiciaire qui est appelé à l’aide et devra se débrouiller comme un grand pour fixer la peine et tenir compte de la situation géographique de l’abonné : sans doute infligera-t-il une peine pécuniaire plus importante pour compenser l’impossibilité de suspendre.
La portée exacte d’Hadopi dépendra donc des interprétations que donneront le Conseil d’État et dans une moindre mesure, le juge judiciaire. En attendant ces jours futurs, la bataille Hadopi se poursuivra dans un lieu nettement plus festif, le 29 octobre prochain, au Fouquet's pour la présentation de l'ouvrage racontant cette longue histoire...
Une balle renvoyée au Conseil d'Etat
Le premier exemple vise la suspension d’un mois pour défaut de sécurisation caractérisé. Avec le défaut de sécurisation, les auteurs de la saisine avait senti un risque de renversement de la charge de la preuve (votre IP a été flashée, donc vous n’avez pas sécurisé, donc vous êtes nécessairement coupable) peu en phase avec à la présomption d’innocence.
« Les conditions dans lesquelles seront constatées et jugées ces contraventions soulèvent la question de l’éventuelle inversion de la charge de la preuve à l’encontre du titulaire d’accès à Internet » reconnaît bien le juge constitutionnel. Mais sans pousser plus loin : le défaut de sécurisation, soutient-il, n’est pas une nouvelle incrimination. Nuance subtile, c’est « une peine complémentaire spéciale » applicable aux contraventions de la cinquième classe qui seront créées par décret. De cette finesse, un effet mécanique tranchant : le juge constitutionnel laisse au juge administratif, et donc au Conseil d’État, le soin de trancher ces futures questions épineuses mais cruciales.
Le contrôle du conseil constitutionnel sur la négligence caractérisée sera donc bref, maigre si ce n’est rachitique : il se satisfait des trois conditions posées par la loi à savoir une « négligence caractérisée » comme élément constitutif de l’infraction, une peine complémentaire de suspension à Internet prévue par décret et enfin un avertissement préalable adressé au prévenu par l’Hadopi. « Ce n’est qu’au vu de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction qu’il pourra être jugé si le dispositif institué porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines, au principe de nécessité des peines et à la présomption d’innocence » assène le Conseil constitutionnel qui ci n’oublie pas au passage de dire que la « négligence caractérisée » n’est pas une expression floue ou imprécise susceptible d’être constitutionnellement giflée…
Du cas par cas, dans une réponse pénale massive
Autre défausse : le juge constitutionnel ne dira pas quelles seront les garanties que devront apporter les dossiers montés à l’aide des logiciels de repérage automatisés sur les réseaux P2P. Il dira : « les autorités judiciaires compétentes apprécieront au cas par cas (…) si un supplément d'enquête ou d'instruction est nécessaire ou si les éléments de preuve rassemblés (par ces personnes) suffisent à établir la culpabilité de la personne mise en cause et permettent, le cas échéant, la détermination de la peine. »
Ce cas par cas a le parfum du paradoxe puisque dans le même temps le juge constitutionnel admet la nécessité de l’adaptation de la réponse pénale à la contrefaçon, pour tenir compte de la massivité du piratage sur les réseaux. Comment faire du tir chirurgical au cas par cas à l’aide d’une mitrailleuse gros calibre ?
Une inégalité devant la loi acceptée car temporaire et limitée
La cavalerie à reculons se poursuit un peu plus encore : les auteurs de la saisine jugeaient que 10% de la population ne pourra pas être suspendue du fait de la situation du dégroupage. Peu importe pour le Conseil : « cette inégalité de fait dans l’application de la loi n’est pas de nature à rendre la loi elle-même inconstitutionnelle ». D’un côté, la loi ne crée pas elle-même de différence de régime puisqu’elle est applicable sur tout le territoire national. De l’autre, la différence de fait dans l’application de la peine de suspension « revêt un caractère limité à certaines zones du territoire et elle est temporaire. Elle a donc vocation à disparaître ».
Bref, c’est du temporaire, on ne va pas chipoter s’il y a rupture d’égalité devant la loi. Pour se nettoyer des tâches de boue que peuvent générer ces postures, les neuf sages soutiennent… « Qu’il appartiendra au juge de prendre en compte cette circonstance dans la fixation de la peine ». En clair là encore, c’est encore le juge judiciaire qui est appelé à l’aide et devra se débrouiller comme un grand pour fixer la peine et tenir compte de la situation géographique de l’abonné : sans doute infligera-t-il une peine pécuniaire plus importante pour compenser l’impossibilité de suspendre.
La portée exacte d’Hadopi dépendra donc des interprétations que donneront le Conseil d’État et dans une moindre mesure, le juge judiciaire. En attendant ces jours futurs, la bataille Hadopi se poursuivra dans un lieu nettement plus festif, le 29 octobre prochain, au Fouquet's pour la présentation de l'ouvrage racontant cette longue histoire...