Une proposition de loi intéressante sera examinée aujourd’hui (et le 20 octobre) par l’Assemblée nationale(*) : l’instauration en France d’un système d’action de groupe ou class action. Une procédure qui permet à un groupe de personnes touchées par le même comportement d’un professionnel d’obtenir une réparation à se partager. L’union faisant la force, ce type de réponse est idéal face aux dommages par exemple de petite ou moyenne importance pour lesquels le consommateur n’a pas les moyens de se défendre seul. Donner des armes aux faibles pour se défendre contre les forts. Simple, efficace et dissuasif.
C’est là une très ancienne revendication des associations de consommateurs, souvent reprise par les politiques... à la veille des rendez-vous électoraux mais dont on attend depuis longtemps une concrétisation. Pourtant, les occasions ne manquent pas : tous les groupes impliqués par exemple dans la vente liée PC et OS, les numéros surtaxés, dommages massifs en matière de téléphonie mobile (la célèbre affaire du cartel des mobiles...), etc. ont réclamé un tel texte un jour ou l’autre. L’entente anticoncurrentielle et illégale entre les opérateurs de téléphonie mobile avait été sévèrement condamnée par voie d’amende par le Conseil de la concurrence, car 20 millions de personnes ont été déclarées victimes par l’autorité administrative indépendante. Or, au grand dam de l’UFC-Que Choisir, aucune d’elles n’a pu obtenir de dédommagement individuel.
Guy Canivet, le premier président de la Cour de cassation avait qualifié ainsi ces pratiques en les énonçant de « stratégies contraires au droit, préjudiciables, adoptées par certains grands groupes économiques, parce qu’ils savent que la réaction judiciaire sera négligeable aussi longtemps qu’aucune action de groupe ne sera introduite en droit français ».
Autres lieux, autres mœurs : outre-Atlantique, la mesure est très pratiquée : contre le filtrage des FAI au Québec par exemple, autour du logo Vista Capable, contre les rootkits Sony BMG, contre certains fabricants informatiques, etc. Les exemples pleuvent.
Plusieurs textes en France... passés à la trappe
En France, c’est peu de le dire, les coups d’essai se sont multipliés depuis des années : il y a bien eu un projet dessiné fin 2006, aux conditions très restrictives, mais il fut retiré de l’ordre du jour sur décision du gouvernement, officiellement pour cause de manque de temps. Une autre proposition fut défendue par Arnaud Montebourg, nettement plus nerveuse, mais en vain. Pendant ce temps, cette procédure s’est rependue un peu partout en Europe : l’Angleterre, le Portugal, le Pays de Galles ou la Suède.
Une nouvelle tentative, très large
Une nouvelle proposition de loi nommée « Consommation : crédit revolving, crédits à la consommation et action de groupe » va dès aujourd’hui tenter sa chance. Défendue par l’opposition, elle prévoit un système de class action dans ses articles 28 et suivants.
Dans le texte, l’action de groupe est réservée aux seules associations, qui agissent pour le compte d’un groupe de personnes, ayant subi un préjudice « similaire » du fait d’un même professionnel. Toutes les associations ne peuvent agir : seules celles âgées de plus de cinq ans et prouvant une « existence réelle et sérieuse ».
L’action est très large puisqu’elle touche les domaines de la consommation, mais aussi de la santé, l’environnement ou de la concurrence.
Afin de filtrer les demandes intempestives, quatre conditions seront à remplir devant le juge pour tenter de prospérer en justice : il faut un préjudice, un lien de cause à effet entre le préjudice et le fait du professionnel, des prétentions sérieuses et communes, enfin « l’impossibilité de mener une procédure conjointe ou une procédure avec mandat ». Cette dernière condition a été posée pour éviter des actions « sandwichs » qui mitrailleraient un professionnel pour un préjudice similaire. Les délais de prescriptions sont ceux du préjudice subi.
Tous les consommateurs dédommagés, même ceux qui ne se manifestent pas
Afin d’assurer la publicité de cette procédure et de ses modalités, un fonds d’aide sera créé. C’est devant ce fond que les personnes réclameront la liquidation des dommages et intérêts lequel « reverse les sommes à chaque membre du groupe au regard du préjudice subi ». Toutes les sommes non réclamées seront reversées au Fond d’aide. En effet, là est une particularité de ce projet : l’action est menée au nom de tous ceux qui subissent le même préjudice imputable au même professionnel, même s’ils ne se déclarent pas au début de la procédure, sauf ceux qui décident de s’en exclure. Ainsi, si Orange, Bouygues ou SFR venaient à faire subir un préjudice à tous leurs abonnés, tous auraient droit à un dédommagement, même s’ils ne sont pas informés de la procédure.
Enfin, la procédure est orchestrée devant le Tribunal de grande instance de Paris, sur requête. L’association de consommateurs devra obligatoirement prendre un avocat. « Nous proposons d’accorder enfin de vrais droits aux victimes d’agissements illégaux, qui leur permettent réellement d’obtenir justice par une procédure simple et équitable, et qui écartent tout autant les risques d’abus ou de dérives. »
Expertises indépendantes
Le juge pourra ordonner une expertise indépendante. L’expert percevra ses émoluments lors de la reddition de la décision ou lors de la conclusion de la transaction si elle devait intervenir. L’action pourra se solder par un accord plutôt qu’une condamnation. Elle ne sera pas toujours synonyme de dédommagement en numéraire. Cela pourra être la fin d’un comportement, etc. « Il ne s’agit pas de faire payer à tout prix ; il s’agit de mettre fin à l’illicite lorsqu’il est impuni » expliquent les auteurs du texte.
La lettre de mission de Nicolas Sarkozy
Suite aux promesses électorales, le président du pouvoir d’achat Nicolas Sarkozy avait envoyé une lettre de mission à Christine Lagarde. Il lui demandait sans détour : « Vous créerez une action de groupe à la française ». Sans dater sa demande. Cet actuel projet de loi étant défendu par l’opposition, la majorité va devoir prendre position voire sortir du bois pour expliquer pourquoi, deux après l’élection présidentielle, la « class action » française n’est toujours en vigueur dans notre pays.
(*) Suivez les discussions en direct à l'Assemblée. Et sur le site de Lionel Tardy, l'un des 14 députés UMP présents dans l'hémicyle, face à 34 députés de l'opposition.
C’est là une très ancienne revendication des associations de consommateurs, souvent reprise par les politiques... à la veille des rendez-vous électoraux mais dont on attend depuis longtemps une concrétisation. Pourtant, les occasions ne manquent pas : tous les groupes impliqués par exemple dans la vente liée PC et OS, les numéros surtaxés, dommages massifs en matière de téléphonie mobile (la célèbre affaire du cartel des mobiles...), etc. ont réclamé un tel texte un jour ou l’autre. L’entente anticoncurrentielle et illégale entre les opérateurs de téléphonie mobile avait été sévèrement condamnée par voie d’amende par le Conseil de la concurrence, car 20 millions de personnes ont été déclarées victimes par l’autorité administrative indépendante. Or, au grand dam de l’UFC-Que Choisir, aucune d’elles n’a pu obtenir de dédommagement individuel.
Guy Canivet, le premier président de la Cour de cassation avait qualifié ainsi ces pratiques en les énonçant de « stratégies contraires au droit, préjudiciables, adoptées par certains grands groupes économiques, parce qu’ils savent que la réaction judiciaire sera négligeable aussi longtemps qu’aucune action de groupe ne sera introduite en droit français ».
Autres lieux, autres mœurs : outre-Atlantique, la mesure est très pratiquée : contre le filtrage des FAI au Québec par exemple, autour du logo Vista Capable, contre les rootkits Sony BMG, contre certains fabricants informatiques, etc. Les exemples pleuvent.
Plusieurs textes en France... passés à la trappe
En France, c’est peu de le dire, les coups d’essai se sont multipliés depuis des années : il y a bien eu un projet dessiné fin 2006, aux conditions très restrictives, mais il fut retiré de l’ordre du jour sur décision du gouvernement, officiellement pour cause de manque de temps. Une autre proposition fut défendue par Arnaud Montebourg, nettement plus nerveuse, mais en vain. Pendant ce temps, cette procédure s’est rependue un peu partout en Europe : l’Angleterre, le Portugal, le Pays de Galles ou la Suède.
Une nouvelle tentative, très large
Une nouvelle proposition de loi nommée « Consommation : crédit revolving, crédits à la consommation et action de groupe » va dès aujourd’hui tenter sa chance. Défendue par l’opposition, elle prévoit un système de class action dans ses articles 28 et suivants.
Dans le texte, l’action de groupe est réservée aux seules associations, qui agissent pour le compte d’un groupe de personnes, ayant subi un préjudice « similaire » du fait d’un même professionnel. Toutes les associations ne peuvent agir : seules celles âgées de plus de cinq ans et prouvant une « existence réelle et sérieuse ».
L’action est très large puisqu’elle touche les domaines de la consommation, mais aussi de la santé, l’environnement ou de la concurrence.
Afin de filtrer les demandes intempestives, quatre conditions seront à remplir devant le juge pour tenter de prospérer en justice : il faut un préjudice, un lien de cause à effet entre le préjudice et le fait du professionnel, des prétentions sérieuses et communes, enfin « l’impossibilité de mener une procédure conjointe ou une procédure avec mandat ». Cette dernière condition a été posée pour éviter des actions « sandwichs » qui mitrailleraient un professionnel pour un préjudice similaire. Les délais de prescriptions sont ceux du préjudice subi.
Tous les consommateurs dédommagés, même ceux qui ne se manifestent pas
Afin d’assurer la publicité de cette procédure et de ses modalités, un fonds d’aide sera créé. C’est devant ce fond que les personnes réclameront la liquidation des dommages et intérêts lequel « reverse les sommes à chaque membre du groupe au regard du préjudice subi ». Toutes les sommes non réclamées seront reversées au Fond d’aide. En effet, là est une particularité de ce projet : l’action est menée au nom de tous ceux qui subissent le même préjudice imputable au même professionnel, même s’ils ne se déclarent pas au début de la procédure, sauf ceux qui décident de s’en exclure. Ainsi, si Orange, Bouygues ou SFR venaient à faire subir un préjudice à tous leurs abonnés, tous auraient droit à un dédommagement, même s’ils ne sont pas informés de la procédure.
Enfin, la procédure est orchestrée devant le Tribunal de grande instance de Paris, sur requête. L’association de consommateurs devra obligatoirement prendre un avocat. « Nous proposons d’accorder enfin de vrais droits aux victimes d’agissements illégaux, qui leur permettent réellement d’obtenir justice par une procédure simple et équitable, et qui écartent tout autant les risques d’abus ou de dérives. »
Expertises indépendantes
Le juge pourra ordonner une expertise indépendante. L’expert percevra ses émoluments lors de la reddition de la décision ou lors de la conclusion de la transaction si elle devait intervenir. L’action pourra se solder par un accord plutôt qu’une condamnation. Elle ne sera pas toujours synonyme de dédommagement en numéraire. Cela pourra être la fin d’un comportement, etc. « Il ne s’agit pas de faire payer à tout prix ; il s’agit de mettre fin à l’illicite lorsqu’il est impuni » expliquent les auteurs du texte.
La lettre de mission de Nicolas Sarkozy
Suite aux promesses électorales, le président du pouvoir d’achat Nicolas Sarkozy avait envoyé une lettre de mission à Christine Lagarde. Il lui demandait sans détour : « Vous créerez une action de groupe à la française ». Sans dater sa demande. Cet actuel projet de loi étant défendu par l’opposition, la majorité va devoir prendre position voire sortir du bois pour expliquer pourquoi, deux après l’élection présidentielle, la « class action » française n’est toujours en vigueur dans notre pays.
(*) Suivez les discussions en direct à l'Assemblée. Et sur le site de Lionel Tardy, l'un des 14 députés UMP présents dans l'hémicyle, face à 34 députés de l'opposition.