Hier nous vous indiquions que le tribunal de commerce de Paris avait imposé à Google, en référé, de nettoyer son service Google Suggest de l’expression « Directe Energie Arnaque ». L’avocat de l’entreprise nous confiait que d’autres affaires pouvaient être attendues contre cette fonctionnalité du moteur qui aide les internautes dans leurs requêtes. C’est aujourd’hui confirmé : une nouvelle décision nous a été communiquée. Elle est rendue cette fois par le tribunal de grande instance de Paris ce 10 juillet et elle prend... l’exact contre-pied du jugement consulaire.
Le groupe JPL – Centre national privé de formation à distance (CNFDI) attaquait Google pour la suggestion suivante : « CNFDI arnaque ». Nous étions donc dans la même configuration que pour Direct Energie avec là encore une procédure de référé. Seule différence : la rampe de missile utilisée. Ici le droit de l’injure, non le droit commun de la responsabilité.
L'automatisme relatif de Google Suggest
Là encore, Google utilisera le bouclier de l’automatisation : Suggest « fonctionne de manière purement automatique », les résultats dépendent « d’un algorithme basé sur les recherches des autres utilisateurs », le tout « sans intervention humaine ou reclassification de ces résultats par Google ». L’ordre des requêtes, précise le moteur, est déterminé par les préférences linguistiques et territoriales et « par la quantité d’internautes ayant utilisé chacune des requêtes concernées, la plus fréquente apparaissant en tête de liste ».
Google relativisera la portée de ces explications en fournissant une partie de sa base de connaissance « nous essayons de ne pas proposer de suggestions de recherche qui pourraient offenser un grand nombre d'utilisateurs. Sont notamment inclus les termes à caractère pornographique, les termes grossiers, ainsi que les termes incitant à la haine et à la violence ». Les internautes sont d’ailleurs invités à contacter les services s’ils trouvent « des requêtes qui ne devraient pas être suggérées ». Google avait d’ailleurs été alerté par la société attaquante, en février 2009 mais n’avait pas retiré le terme « arnaque ».
Un choix conscient de Google
Que dira finalement le tribunal ? D’abord, il reconnaitra que le terme en question est susceptible de relever de l’injure, infraction sanctionnée dans la loi de 1881. Ensuite, le fait que Google ait été alerté tout en décidant le maintien de l’expression « ne pouvait résulter que d’un choix conscient ». Mais alors qu’on pensait l’affaire mal engagée pour le moteur, le TGI trouvera malgré tout un sérieux argument pour éviter la condamnation du moteur : « l’expression litigieuse, qui n’est qu’une proposition de requête qui pourrait être soumise au moteur de recherche, ne peut prendre un sens injurieux, lequel implique la volonté consciente et délibérée de proférer un terme de mépris, une invective ou un propos outrageant ». Autre rempart : Google a montré victorieusement que l’expression correspond à des résultats réels, « à savoir des pages accessibles sur le réseau où le sigle CNFDI est rapproché du mot "arnaque" ».
La liberté d'expression, l'influence du Conseil constituionnel
Le TGI avait alors tous les ingrédients pour jouer la corde de la liberté d’expression : « Il doit être rappelé que les moteurs de recherche sur internet sont des outils indispensables pour rendre effective la libre diffusion de la pensée et de l’information sur ce réseau mondial et décentralisé, dont la contribution à la valeur constitutionnellement et conventionnement garantie de la liberté d’expression est devenue majeure ». Il faudrait être aveugle pour ne pas sentir le parfum de la décision du Conseil constitutionnel qui a décapité Hadopi, fragrance confirmée un peu plus tard dans les lignes suivantes : « la seule association, à titre d’aide à la recherche, du nom d’une société commerciale (...) avec un terme injurieux ne saurait être, en elle-même, prohibée, dès lors qu’elle permet effectivement d’obtenir des résultats pertinents – en eux-mêmes non incriminés par cette société – et contribue donc à la libre circulation des informations sur le réseau ».
En clair, la société aurait mieux fait de s’attaquer d’abord aux sites qui associent arnaque et sa raison sociale, plutôt que s’en prendre à Google, intermédiaire participant à la circulation des idées. Toute décision contraire, conclut le juge, serait une restriction « à la liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées qui excéderait dans une société démocratique, les nécessités de la protection des droits d’autrui. » Le référé a donc été rejeté et le moteur affiche aujourd’hui toujours le couple « CNFDI arnaque » dans sa fonction Suggest.
Le groupe JPL – Centre national privé de formation à distance (CNFDI) attaquait Google pour la suggestion suivante : « CNFDI arnaque ». Nous étions donc dans la même configuration que pour Direct Energie avec là encore une procédure de référé. Seule différence : la rampe de missile utilisée. Ici le droit de l’injure, non le droit commun de la responsabilité.
L'automatisme relatif de Google Suggest
Là encore, Google utilisera le bouclier de l’automatisation : Suggest « fonctionne de manière purement automatique », les résultats dépendent « d’un algorithme basé sur les recherches des autres utilisateurs », le tout « sans intervention humaine ou reclassification de ces résultats par Google ». L’ordre des requêtes, précise le moteur, est déterminé par les préférences linguistiques et territoriales et « par la quantité d’internautes ayant utilisé chacune des requêtes concernées, la plus fréquente apparaissant en tête de liste ».
Google relativisera la portée de ces explications en fournissant une partie de sa base de connaissance « nous essayons de ne pas proposer de suggestions de recherche qui pourraient offenser un grand nombre d'utilisateurs. Sont notamment inclus les termes à caractère pornographique, les termes grossiers, ainsi que les termes incitant à la haine et à la violence ». Les internautes sont d’ailleurs invités à contacter les services s’ils trouvent « des requêtes qui ne devraient pas être suggérées ». Google avait d’ailleurs été alerté par la société attaquante, en février 2009 mais n’avait pas retiré le terme « arnaque ».
Un choix conscient de Google
Que dira finalement le tribunal ? D’abord, il reconnaitra que le terme en question est susceptible de relever de l’injure, infraction sanctionnée dans la loi de 1881. Ensuite, le fait que Google ait été alerté tout en décidant le maintien de l’expression « ne pouvait résulter que d’un choix conscient ». Mais alors qu’on pensait l’affaire mal engagée pour le moteur, le TGI trouvera malgré tout un sérieux argument pour éviter la condamnation du moteur : « l’expression litigieuse, qui n’est qu’une proposition de requête qui pourrait être soumise au moteur de recherche, ne peut prendre un sens injurieux, lequel implique la volonté consciente et délibérée de proférer un terme de mépris, une invective ou un propos outrageant ». Autre rempart : Google a montré victorieusement que l’expression correspond à des résultats réels, « à savoir des pages accessibles sur le réseau où le sigle CNFDI est rapproché du mot "arnaque" ».
La liberté d'expression, l'influence du Conseil constituionnel
Le TGI avait alors tous les ingrédients pour jouer la corde de la liberté d’expression : « Il doit être rappelé que les moteurs de recherche sur internet sont des outils indispensables pour rendre effective la libre diffusion de la pensée et de l’information sur ce réseau mondial et décentralisé, dont la contribution à la valeur constitutionnellement et conventionnement garantie de la liberté d’expression est devenue majeure ». Il faudrait être aveugle pour ne pas sentir le parfum de la décision du Conseil constitutionnel qui a décapité Hadopi, fragrance confirmée un peu plus tard dans les lignes suivantes : « la seule association, à titre d’aide à la recherche, du nom d’une société commerciale (...) avec un terme injurieux ne saurait être, en elle-même, prohibée, dès lors qu’elle permet effectivement d’obtenir des résultats pertinents – en eux-mêmes non incriminés par cette société – et contribue donc à la libre circulation des informations sur le réseau ».
En clair, la société aurait mieux fait de s’attaquer d’abord aux sites qui associent arnaque et sa raison sociale, plutôt que s’en prendre à Google, intermédiaire participant à la circulation des idées. Toute décision contraire, conclut le juge, serait une restriction « à la liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées qui excéderait dans une société démocratique, les nécessités de la protection des droits d’autrui. » Le référé a donc été rejeté et le moteur affiche aujourd’hui toujours le couple « CNFDI arnaque » dans sa fonction Suggest.