
Cette liste noire est gérée par l’ACMA ou Australian Communications and Media Authority, à partir des contenus qu’elle a elle-même étiquetés en « classification refusée ». Neuf FAI australiens testent actuellement ce dispositif dans leurs systèmes et un bilan sera tiré en juillet prochain. Un bilan un peu particulier, puisque dénué d’objectifs, a-t-on admis du côté du gouvernement Kevin Rudd.
Une liste noire un peu trop sombre
De fait, la liste ACMA devait contenir initialement beaucoup plus de contenus, spécialement des données frappées du sceau R18 + X18 + (interdit aux mineurs, ou contenu explicitement sexuel), mais une vague de protestations a conduit Stephan Conroy, ministre de la Communication, à la réduire qu’aux contenus « RC ». Le problème de ces listes est évidemment leur contrôle : si Wikileak, un dépôt anonyme de documents officiels, n’avait pas diffusé la liste en question, toutes ces manœuvres de blocage auraient pu s’effectuer sans verrous, sans contrôleur des contrôleurs. La liste contenait d’ailleurs des faux positifs (des sites du photographe Bill Henson, par exemple). Il reste que la réduction de la voilure aux seuls sites classés « RC » ne frappe pas seulement les sites pédopornographiques, mais également ceux d’opposant à l’avortement, les sites fétichistes, ou ceux donnant des informations sur l’euthanasie, selon les critères de l’ACMA. L’engrenage du blocage peut ainsi rapidement s’emballer en fonction du puritanisme ambiant et être qualifié de censure.
Un pilote sans objectif
Porte-parole d’Electronic Frontiers Australia, Colin Jacobs a l’explication de ce projet aveugle : « le pilote semble avoir été un exercice politique destiné à déjouer toute critique. En l'absence de tableau de bord, le gouvernement peut prétendre que l’exercice aura été un succès, quels que soient le coût ou les problèmes de performance supportés les FAI. » Du côté des politiques le sénateur Ludlam ne croit en rien à l’efficacité de la mesure : « c’est comme vouloir arrêter le trafic de drogue, avec une poignée de feu rouge ».
Filtrage et blocage en France
En France, le blocage des sites s’est infiltré dans le projet Hadopi, sous la forme d’un véritable cheval de Troie. On le retrouve plus brutalement dans le projet de loi sur les jeux d’argent en ligne, et dans la toute récente LOPPSI, loi d'orientation pour la programmation et la performance de la sécurité intérieure, cette fois pour les contenus pédopornographiques. Le blocage y est encadré par un texte législatif, qui sera donc voté par les parlementaires, mais il impose cependant aux FAI une obligation de résultat, sanctionnée par une lourde sanction (75 000 euros d’amende). « Le simple fait de voir un site pédopornographique permet de comprendre que c’est un site pédopornographique » nous avait expliqué Christian Aghroum, commissaire divisionnaire et chef de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC).
Un secteur sensible, mais des outils tranchants. Christophe Esperen avait exposé dans une note très complète les risques du filtrage (voir aussi l’article d’Ecrans.fr).
Free nous avait exposé également qu’aucune solution de filtrage n’était parfaite. Affirmation confirmée avec le récent filtrage d’une pochette de Scorpion chez Wikipedia ou du gros bug qui a entouré le blocage de Youtube au Pakistan : « lorsque le Pakistan a ordonné le blocage de l'accès à des caricatures de Mahomet hébergées sur le service YouTube, un opérateur pakistanais a envoyé une commande BGP à des équipements mal paramétrés : ils ont propagé la demande aux réseaux d'opérateurs hors juridiction pakistanaise. L'accès à YouTube a alors été interdit pendant plusieurs heures dans plusieurs pays du monde. Cet événement a permis de mettre en évidence des risques pour la sécurité nationale, comme l'ont relevé des spécialistes réseaux » relate Christophe Espern dans sa note.