
Une escalade plus que dangereuse. Car pour ce chercheur et juriste, pas de doute, « c’est un coup porté à la liberté éditoriale des outils de recherche ». Il rappelle que cette liberté a été reconnue par les juges. Ainsi le Conseil de la concurrence exposait déjà en juin 2000 que : « L’exercice de la fonction de guide de recherche sur internet n’implique pas d’obligations portant sur le référencement de la totalité des sites web » et donc les moteurs n’ont pas à adopter des « méthodes particulières de classement des sites, obligations très lourdes qui iraient à l’encontre d’une politique commerciale librement choisie ».
Le Monde contraint de publier sa rubrique sport, en une
Pour prendre un exemple encore plus parlant, Cédric Manara se demande : « Qui imaginerait ordonner que Le Monde ne commence plus par les pages internationales, mais la rubrique sportive, tout en l’obligeant à faire figurer le dessin de Plantu ailleurs qu’en couverture, et en le contraignant à insérer de la publicité gratuite ? » C’est pourtant ce à quoi aboutit l’amendement 50 voté hier soir et soutenu par Christine Albanel et Franck Riester, rapporteur du projet de loi.
Une immixtion qu'on ne connaissait qu'en cas de menace de guerre !
« Cette immixtion d’un organe public, restreignant la liberté de communication des éditeurs, est sans précédent. Il n’est guère que dans le Code de la défense que l’on trouve, au profit du gouvernement, « le droit de requérir les personnes, les biens et les services » (article L. 2141-3 1°), et seulement en cas de mobilisation générale » poursuit le juriste qui enfonce un peu plus le clou dans ce système kafkaïen en mentionnant le cas du système « d’alerte enlèvement » : « Ce n’est pas par la contrainte que les autorités peuvent demander à quelques médias de diffuser un message quand un mineur a été enlevé, mais parce qu’elles ont obtenu leur accord (convention du 28 février 2006 visant à mettre en place un système d’alerte de la population en cas d’enlèvement d’un enfant mineur, article 9) ».
Conclusion de Manara : « ce n’était donc que dans le cas exceptionnel de menace de guerre qu’un organe de communication pouvait légalement être mis à contribution. Désormais, on le prévoit pour le référencement des offres de musique ou de vidéo sur internet ! Et demain ? »
Le Riester du rapport n'est pas le Riester de l'Assemblée
Rappelons enfin que de lourdes incertitudes planent sur ce texte, dans l’esprit même du rapporteur Riester.
Le texte dit : « la Haute Autorité attribue aux offres proposées par des personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne un label permettant aux usagers de ce service d’identifier clairement le caractère légal de ces offres et elle veille à la mise en place ainsi qu’à l’actualisation d’un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques » (la mise en gras est de notre fait).
Hier soir, le rapporteur Riester expliquait aux députés ulcérés par ce texte que: « On va pas entrer dans les logiciels de Google ! »
Mais ce même Riester reprochait dans son rapport devant la Commission des lois que « les moteurs de recherche réorientent le plus souvent les internautes, à l’occasion de la saisie de titres de films, vers des sites de téléchargement ou de partage illégaux ». Et il invitait à ce qu’un dialogue poussé soit instauré « afin que les plateformes légales figurent systématiquement en tête des pages affichées à la suite d’une recherche d’internautes cinéphiles. Au regard des dégâts que produit désormais le piratage sur la production cinématographique, l’enjeu est de taille ».
En bref, le Riester du rapport n’est pas le Riester de l’Assemblée, au grand désespoir des internautes qui tentent de suivre les débats.
Pour prendre un dernier exemple, c’est comme si Google surréférençait la concession Renault de Coulommiers, plutôt que la concession Peugeot toujours de Coulommiers (qui appartient à la famille Riester, pour la petite histoire).
(*) et Ecrans.fr