
C’est le vœu très directif qu’a émis à l’attention des députés, Nicolas Sarkozy lors de l’installation du Conseil de la Création Artistique qu’il préside.
« J'ai demandé que la loi création et internet soit définitivement votée en mars prochain et je suis certain qu'elle aura un effet très positif sur les comportements » a ainsi parié le président, carte sur table. Sur le calendrier d'adoption, pas de surprise puisqu'il ne s'agit que d'une confirmation (voir notre actualité).
"Je n’ai pas été élu pour laisser voler au supermarché !"
Selon Nicolas Sarkozy, « le piratage détruit massivement la musique et le cinéma. […] je ne laisserai pas piller les droits d'auteurs parce que derrière les droits d'auteurs, derrière la protection de l’œuvre artistique, il y a tout le processus de la création. Je n’ai pas été élu pour laisser voler au supermarché ! » a-t-il expliqué, sans rappeler que le projet Hadopi tape sur les doigts des titulaires d'abonnement, non des véritables contrefacteurs.
« Piller les œuvres musicales, piller les œuvres cinématographiques, piller les œuvres littéraires, car toutes y passeront, sans respect pour celui qui a écrit, qui a composé, qui a réalisé, c'est tuer la création. De ce point de vue, je n’ai pas changé d’avis. Je pensais ça avant les élections et… voyez-vous comme c’est curieux : je le pense après : la France qui a inventé les droits d’auteur ne laissera pas détruire ce qui est tout simplement le respect de la propriété. »
Un texte non contre les jeunes, mais contre la jungle
Le président s’est armé d’un bouclier contre les critiques adressées contre ce texte. « Je sais bien ce qu’on m’a dit, y compris mes propres amis… « Attention les jeunes ! » mais les jeunes peuvent comprendre ces défis ! Quel manque de respect pour la jeunesse que d’imaginer que chaque œuvre a un prix, que la création doit être respectée, qu’elle appartient aussi et d’abord à celui qui l’a réalisée » (sic !).
Et pour ceux qui veulent la gratuité à tout prix, la réponse fut : « Internet pourra devenir enfin un fantastique lieu de création et d’échange et non une jungle sauvage où il serait permis de piller les œuvres des créateurs. Mais si naturellement il existe des créateurs qui veulent mettre en ligne leurs œuvres à titre gratuit sur la toile…qu’ils le fassent ! Je ne vois aucune objection à cela ! ».
Un texte et... des doutes
Voilà peu, Patrick Bloche (PS) député de Paris qui préside le groupe de travail au bureau national du Parti socialiste pour harmoniser les positions sur le projet de loi à l'Assemblée, nous avouait que « beaucoup de députés socialistes s’interrogent sur ce qui est un pari perdu d’avance et s’inquiètent à travers cette loi de quelques principes auxquels nous sommes attachés, le fait qu’on puisse avoir les garanties qu’offre la justice quand on se trouve mise en cause, voire inculpé ».
Bernard Myiet, du directoire de la SACEM, nous expliquait de son côté : « Nous sommes favorables à Création et internet de manière à tenter de responsabiliser les internautes. Toutefois, nous avons de grands doutes sur la capacité - même si ça va avoir un effet positif - de nous permettre de récupérer le niveau de ressources qui a fondu du fait de la piraterie ».
Quant à l’UFC Que Choisir, Édouard Barreiro regrette entre autres choses, que « rien dans le texte ne permettra aux FAI de vous faire de meilleures offres. Les DRM ne sont pas interdits, et l’accès aux catalogues n’est pas garanti ! Or, les FAI ont la volonté de faire de meilleures offres ». Le monsieur « TIC » de l’association de consommateur constatait qu’aucun crédit ne pouvait être accordé aux rares études sur le piratage et ses effets sur la situation économique des ayants droit. « On ne peut accorder aucun crédit à ces études et cela pour deux raisons. Tout d’abord il n'y aucun consensus dans l’analyse économique sur un modèle pour analyser ces phénomènes. Je parle d’études scientifiques éclairées publiées dans des revues universitaires. Puis peut-on prendre au sérieux des études qui analysent l’effet du piratage sans tenir compte des effets induits ? »
Le projet Création et Internet a déjà été voté au Sénat, après quelques heures de débats et peu de vagues. Le texte risque cependant d'être plus discuté à l'Assemblée alors qu'il cache toujours plusieurs pépites comme le filtrage des FAI, ou le cumul des sanctions contre les titulaires d'abonnement internet.