Loi Hadopi : le juge pourra exiger du FAI le filtrage d'un site

Mise à jour 2 avril 2009 : les députés viennent de voter l'article 5 du projet de loi HADOPI. Cet article indique :

« Art. L. 336-2. – En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l’article L. 321-1 ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. »

Ce texte va permettre de lancer l'engrenage du filtrage pour la seule protection des droits d'auteur. Face à un contenu  estimé illicite, le juge pourra demander le filtrage directement dans les mains du FAI, et non plus en s'adressant à l'hébergeur comme le requiert la loi sur l'économie numérique. Fait piquant, le droit d'auteur,devient aussi bien protégé que les contenus pédophiles, racistes ou nazis, etc. Une échelle de valeur sociale qui a fait hurler les députés opposés à cette mesure, en vain. Albanel a cité le cas de The Pirate Bay. Autant le dire, le site sera l'une des premières cibles dans l'esprit de la Rue de Valois.

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Première publication 28 janvier 2009 Selon un entretien téléphonique avec l’un des professionnels des télécoms, la mise en place du filtrage des sites pédopornographiques, qui est une brique de la future loi d’orientation sur la sécurité intérieure, reste un sujet particulièrement suivi par les ayants droit.

Ces derniers estiment en substance que les mesures prises vont pouvoir éventuellement s’appliquer au secteur de la contrefaçon. Cela confirme ce que nous disait déjà l’industrie du disque en juin 2008 : « le débat nous intéresse de très près, car les engagements qui seraient pris concernant les contenus pédophiles peuvent effectivement passer par du filtrage. Ce sont des mesures d’engagements volontaires prises dans un projet de charte. Les problématiques de l’industrie musicale ne sont pas éloignées de ces autres préoccupations qui peuvent paraitre évidemment beaucoup plus graves et urgentes à traiter. Bien évidemment, les solutions de filtrage qui pourraient être déployées à cette occasion devraient faire l’objet d’une réflexion à l’égard des contenus, dans le cadre de la propriété intellectuelle ».

Le filtrage disparaît...

Lors des débats du projet HADOPI, le Sénat avait accepté de supprimer le mot « filtrage » d’un des articles, qui fut subrepticement glissé dans le projet hadopi.

Texte original :

En présence d'une atteinte à un droit d'auteur (…), le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits (…), toute mesure de suspension ou de filtrage des contenus portant atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, ainsi que toute mesure de restriction de l'accès à ces contenus, à l'encontre de toute personne en situation de contribuer à y remédier ou de contribuer à éviter son renouvellement.

Texte finalement voté par le Sénat, qui abandonnait donc la notion de filtrage :

En présence d’une atteinte à un droit d’auteur (…), le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits (…) , toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier.

Cet oubli volontaire du mot « filtrage » pouvait être interprété comme une manœuvre destinée à amadouer les FAI, très en colère d’avoir été trompés par la rue de Valois : les Accords de l’Élysée (ou Olivennes) prévoyaient certes l’expérimentation du filtrage, mais qu’après des études poussées en terme de faisabilité technique ou financière. Ce qui n’a pas la même saveur.

...Mais est toujours présent et généralisé

Reste que si le texte actuel ne parle plus de filtrage, il n’écarte pas expressément cette possibilité. C’est là toute l’astuce.

Il suffira qu’un juge (indépendant) décide que le filtrage fait partie de l’une de ces « mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur » pour forcer le FAI à le mettre en place docilement. Le juge appréciera « en fonction des circonstances et de l'état des techniques, la solution la plus efficace pour prévenir une telle atteinte ou y remédier » insistait le sénateur Thiollière lors des débats parlementaires.

Mais ce texte dessine aussi et surtout la construction d’un régime dérogatoire de responsabilité pour les intermédiaires techniques, en marge de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN, de 2004).

Le principe de subsidiarité oublié

Le principe de la LCEN fait que les intermédiaires ne sont responsables des contenus échangés, qu’après en avoir été informés. Et encore : le principe de subsidiarité impose aussi que lorsqu’un contenu illicite est trouvé en ligne, on doit d’abord s’adresser à l’éditeur, puis l’hébergeur puis en bout de course, au FAI. Bref : le chemin de croix pour un ayant droit.

Dans le projet HADOPI, il faut ici souligner l'intérêt de l’expression finale « à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier » qu’on trouve en fin d’article. Pourquoi ? Ces quelques mots permettent de se désengager en douceur du principe de subsidiarité précité puisque le juge a la possibilité de s’adresser à « toute personne » (FAI, hébergeurs, éditeurs, etc.) et donc n’importe qui, pour demander…n’importe quoi. La rigueur et la logique de la LCEN s’en trouvent donc un peu plus écartées, oubliées, ignorées.

Le sénateur Thiollière indiquera d'ailleurs dans les débats au Sénat que « le fait de ne pas mentionner précisément les hébergeurs et les FAI dans [cet article] est important, car il est aujourd'hui essentiel de ne pas faire reposer ce dispositif sur ces seuls intermédiaires, alors même que d'autres catégories d'intermédiaires peuvent jouer un rôle clé dans ce processus ».

En clair : le filtrage devient une arme possible et cette arme pourra s’imposer à n’importe quelle strate chez n’importe quel acteur. Le droit est prêt, il n’y a plus qu’à attendre la technique. Une technique que les FAI trouveraient même très naturel d'appliquer d'office, selon un économiste chevronné.

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