
Les explications musclées du député n’auront pas suffi. Extraits choisis :
« Je tiens beaucoup à cet amendement parce que le monde vient de vivre la plus grave crise qu’il ait connue depuis 1929, et qu’une seule réponse s’est imposée – réclamée sur tous les bancs – : la régulation. Il aura fallu attendre que des établissements financiers soient en faillite, que la croissance soit au point mort, que des pays soient au bord du gouffre, pour que le monde se réveille et accepte enfin de construire un système régulé au plan international. Faudra-t-il attendre qu’il y ait des dégâts irréparables pour que le monde se décide à réguler Internet ?
L’absence de régulation financière a provoqué des faillites. L’absence de régulation du Net provoque chaque jour des victimes ! Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts suite à l’absorption de faux médicaments ? Combien faudra-t-il d’adolescents manipulés ? Combien faudra-t-il de bombes artisanales explosant aux quatre coins du monde ? Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ?
Il est temps, mes chers collègues, que se réunisse un G20 du Net qui décide de réguler ce mode de communication moderne envahi par toutes les mafias du monde. »
Mafia, viol, mort, adolescent manipulé, bombes artisanales qui explosent partout, et piratage. La fin du monde est proche sur Internet. D’ailleurs, Le député insistera plus tard, au fil de la discussion à l’Assemblée :
« La mafia s’est toujours développée là ou l’État était absent ; de même, les trafiquants d’armes, de médicaments ou d’objets volés et les proxénètes ont trouvé refuge sur Internet, et les psychopathes, les violeurs, les racistes et les voleurs y ont fait leur nid. » Le député Patrick Bloche rajoutera, un brin moqueur : « Des députés aussi ! »
Mais le député défendra encore bec et ongles son idée : confier les clés de la régulation du web au CSA. « Le CSA, dont chacun se plait à souligner le travail en matière de protection des enfants sur tous les diffuseurs de contenus, doit pouvoir étendre son action à Internet. J’aimerais que vous soyez, comme moi, défenseurs du CSA. Par la concertation, il doit pouvoir développer une charte à laquelle les sites seraient adhérents et faire la chasse aux contenus dangereux pour les plus jeunes. (…) On va me répondre que je ne comprends rien à Internet, que je dépeins le retour de Big Brother, une atteinte à la liberté, que ma proposition n’est pas applicable, qu’elle pousserait les sites à s’installer à l’étranger, etc. En fait, je connais sans doute plus que d’autres le monde d’Internet pour des tas de raisons. »
Et Lefebvre de nous raconter sa vie : « J’ai commencé à communiquer sur Internet avant même la création de wanadoo, parce que mon frère qui vit aux États-Unis en est l’un des pionniers.(…) Il y a plus de dix ans, j’ai passé quelques bouts de nuits à ses côtés dans certaines caves du 18e arrondissement – peut-être y étiez-vous aussi, monsieur Bloche ? – pour mettre en route des serveurs. Je connais donc parfaitement Internet. Lorsque ce mode de communication ne concernait que quelques milliers d’individus, ceux qui ne sont mus que par l’appât du gain en restaient éloignés. Maintenant que des millions de Français l’utilisent régulièrement, les enjeux économiques sont devenus considérables, et Internet reste l’un des lieux du monde où règne le capitalisme sauvage, le libéralisme sauvage. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) »
Pour lui, donc, pas de doute : « Il nous faut réguler Internet partout dans le monde, afin que toutes les entreprises respectent le droit de propriété, que les trafiquants et les voyous en tout genre soient poursuivis, que cet espace continue à se développer dans le respect de la personne humaine et des principes démocratiques. Notre pays doit montrer la voie ».
Le texte sera finalement rejeté par les députés, mais nous reviendrons plus en profondeur et dans un instant sur cette actualité qui ouvre la voie à d’autres développements.