
Une réforme prise dans l’urgence d’une situation tendue. Les industriels ont depuis plusieurs semaines claqué la porte de la Commission d’Albis, celle chargée d’établir l’assiette et les taux de la taxe « Copie Privé ». Également absentes, la plupart des associations de consommateurs ne sont pas plus tendres avec ses mécanismes.
Manque de transparence, un fonctionnement à revoir, même le premier ministre y était allé de sa critique, avant de confier la réforme à Éric Besson. Le secrétaire d'État au numérique vient aussi de proposer cinq pistes pour revoir ce secteur sensible de la rémunération pour copie privée.
Information des consommateurs : l’acheteur sera informé du montant taxe copie privée qui aura été ponctionné sur le support de stockage. Par effet domino, si la taxe est payée par l’importateur le plus souvent, c’est toujours le consommateur qui est appelé à son financement. Aussi, cette donnée tarifaire sera indiquée séparément du prix de vente. Un message explicatif rappellera ou éduquera le consommateur sur le sort de ces sommes (financement du spectacle vivant, défense des intérêts catégoriels du secteur dont la traque contre le piratage, etc.). Qu’il achète un téléphone, un DVD vierge, un CD-ROM, une clé USB, un disque dur externe, un magnétoscope numérique, etc., l’utilisateur saura donc le poids économique de la rémunération pour copie privée.
Ressources propres pour des études propres : la Commission va se trouver dotée de ressources propres affectées à la réalisation d’études indépendantes. Pour la détermination des usages, un critère important, car socle des montants de taxe décidé, le camp des ayants droit faisait jusqu’alors appel à des études propres pour appuyer leurs revendications. Avec tous les risques incestueux que cela implique. On ne sait pas par contre si toutes les études commandées jusqu’à présent vont être remises en cause et revues du fait de cette légitimité contestée. Le texte Besson est cependant silencieux sur un point déterminant. Dans leur action en justice devant le Conseil d’État, les industriels reprochent la prise en compte de la contrefaçon dans les études de la Commission d’Albis. Cette prise en compte permet de gonfler les usages en support vierge, et du coup, les montants de taxe. Or, ponctionner de l’argent sur une activité illicite se révèle être du recel selon eux. Pour les ayants droit, cette prise en compte permet aussi et surtout de pallier l’absence d’une taxe sur les FAI à l’instar de ce qui est en train de se mettre en place sur la TV publique.
Seconde lecture des décisions : le président de la Commission pourra en outre demander une seconde lecture d’une décision, une seconde délibération prise à la majorité des deux tiers des membres. Cette possibilité exigera une indépendance à toute épreuve de la présidence de la Commission.
Renforcer la représentativité des membres de la Commission : les membres de la Commission copie privée ne seront justement plus nommés par seul arrêté du ministère de la Culture, mais par arrêté conjoint avec le ministère de l’Industrie (représentant des industriels) ou de la Consommation (représentant des associations de consommateurs). Le président sera nommé par arrêté conjoint des trois ministères. C’est une défiance à peine déguisée à l’égard de l’indépendance de la ministre de la Culture.
Sanctionner les absents : car ils ont toujours torts, les absents aux réunions pourront perdre leur mandat représentatif en cas de trois absences consécutives non justifiées.
Ces mesures, aussi complètes soient-elles, empêcheront-elles les internautes de s’alimenter sur les marchés frontaliers ? L’Europe pourrait à ce titre légiférer par le haut et imposer une uniformisation des taux. Les débats sont en cours à Bruxelles autour de ces questions. De même, aucune nouvelle de la fiscalisation de la RCP : les industrielles plaidaient pour une telle mesure qui aurait mis le vote de la taxe dans le domaine de compétence du Parlement, avec tout ce que cela implique en terme de publicité et de respect des règles publiques... On retrouvera sur cette actualité un panorama des actions, nombreuses, en cours.