
Cette dénonciation n'est pas mince puisque sur les bancs de l'AFA, on trouve AOL, Bouygues Telecom, Darty, Google, Kewego, Microsoft, Neuf Cegetel, Numericable, Orange, SFR et Telecom Italia, entre autres...
Le volet asséché de l’offre légale
S’ils rappellent sans risque que la lutte contre le piratage et le développement des offres légales est une de leurs priorités, ils « regrettent que le projet de loi « favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet » contienne des dispositions qui pourraient remettre en cause l’équilibre trouvé par les Accords de l’Élysée ». L’AFA et Free dénoncent ainsi que le volet sur les offres légales, un des édifices de la mission Olivennes, est au point mort. Pire : le dispositif pour lutter contre le téléchargement illégal dépasse les engagements des parties. Du coup, difficile de chasser ce goût du déséquilibre entre la répression et la mise en place d’une offre légale qui tient la route.
Le filtrage des contenus, sans respect des accords passés
Les FAI français dénoncent les mesures de filtrage que permet le texte défendu par Mme Albanel . « L’application de ce texte permet d’imposer aux fournisseurs d’accès internet la mise en œuvre de mesures de filtrage portant sur les contenus mais aussi sur le réseau (restriction d’accès), alors même que les accords de l’Élysée prévoient que soient menées d’ici fin 2009 des expérimentations de filtrage ». L’inclusion de ce dispositif, que nous avons étudié dans cette actualité, a de quoi surprendre en effet puisque les accords signés devant Nicolas Sarkozy, suspendaient le filtrage à trois conditions : le succès de l’expérimentation, la faisabilité technique de sa généralisation et des conditions financières réalistes. La charrue l’a emporté sur le bœuf.
« Aujourd’hui, rien ne prouve que ces techniques soient efficaces. Il est prématuré et contraire aux Accords de donner au juge de façon explicite un tel outil » regrettent les FAI. « La signature des accords de l’Élysée par les fournisseurs d’accès supposait en échange que les internautes aient accès à des offres légales compétitives, les dissuadant de pirater. Or, les négociations avec les ayants droit, tant sur la chronologie des médias que sur l’ouverture des catalogues, restent suspendues à l’adoption de la loi et le temps passe sans que rien n’évolue ».
Une graduation exotique de la riposte
Ces FAI dénoncent encore la graduation toute relative de la riposte qu’on pensait parfaitement encadrée. En réalité, le texte laisse de nombreuses marges à la Haute Autorité chargée de taper sur le dos des abonnés qui n’auraient pas la pleine maitrise de la sécurisation de leur ligne.
Pas de recours contre les avertissements
Les mails d’avertissements ne pourront pas faire l’objet de recours. L’abonné devra attendre sagement la sanction avant de pouvoir se défendre. C’est « très dommageable, au regard du respect des droits de la défense (que se passe-t-il en cas d’erreur de transmission ? D’erreur dans la saisine initiale par les organismes de défense et représentation des ayants droit ?). Le recours n’est possible qu’en cas de suspension, et n’est pas lui-même… suspensif ».
Un calendrier trop serré : « La mise en place du dispositif de suspension des « services de communication électronique » ne correspondant à aucun processus existant : le développement spécifique nécessaire prendra du temps ». Les critiques rejoignent ici celles de l'Arcep. Pour les FAI, les questions sont nombreuses. « Que se passe-t-il si la suspension de l’internet entraîne aussi suspension d’un autre service (téléphone, TV) ? La suspension de l’accès internet doit-elle concerner tous les services de communications publiques en ligne, ou peut-on en préserver certains chaque jour plus essentiels : mails, accès aux services publics en ligne … ? ».
Le volet financier est silencieux : « le projet de loi reste muet quant à la prise en charge financière des frais supportés par les opérateurs ». Des opérateurs qui ont surtout sous les yeux la volonté gouvernementale de faire peser sur leur C.A. le financement d’une partie de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. « En multipliant les charges, les pouvoirs publics prennent le risque d’affaiblir la capacité des acteurs de ce secteur à investir dans des projets d’équipements numériques essentiels qui rendront la France innovante et compétitive. Ils prennent aussi la responsabilité de favoriser dans le même temps l’augmentation des prix » (notre actualité).
Après la CNIL, le Conseil d’État (et là), l’association des acteurs du WEB (ASIC), l’ISOC, l’Arcep, voilà donc les FAI qui montent au créneau contre ce texte au succès assez mitigé.