<span style="color:#ff6600;">Exclusif : le Conseil d'État plombe la loi Hadopi dans son avis</span>

JusticeMàJ mardi 3 juin, 18:52 : nous avons appris plus tard dans la journée que le document n'était qu'un projet d'avis présenté par le rapporteur au Conseil d'Etat. Sa version définitive ne devrait donc plus tarder, expurgé des passages jugés finalement non conformes.

Exclusif : c’est cet après-midi que le Conseil d’État a rendu son avis relatif à la loi Hadopi. Saisi pour conseil par le gouvernement, cet avis était très attendu alors que le texte qui initie la riposte graduée en France souffre de plusieurs critiques. Cet avis se présente sous forme d’une loi corrigée, reformulée, retoquée dont voici les principales dispositions, dont spécialement celle relative au filtrage.

Riposte graduée enrichie d'une amende de 5 000 euros

En cas de violation des droits d’auteur constatée sur un abonnement Internet, le Conseil d’État impose d’ores et déjà une procédure contradictoire, respectueuse des droits de la défense. En « juridictionnalisant » la procédure, il refuse ainsi que tout et n’importe quoi soit infligé par une autorité créée de toutes pièces. Spécialement, la Commission de protection des droits voit son rôle recentré dans la version proposée par la haute juridiction.

Rappelons que cette commission est composée d’un membre du conseil d’État, d’un membre de la Cour de cassation et d’un membre de la Cour des comptes. Elle est donc par nature éloignée des pressions diverses et variées du secteur. C’est elle qui pourra donc effectivement prononcer, en fonction de la gravité des manquements à la sécurisation des connexions, plusieurs types de sanctions :
  • Une suspension d’accès pour une durée maximale d’un an
  • Une amende pécuniaire d’un montant maximum de 5000 euros (c’est une nouveauté, mais le point ne fait, semble-t-il, pas l’unanimité)
  • La possibilité d’enjoindre l’abonné à prendre des mesures pour prévenir les manquements répétés et à en rendre compte à l’Hadopi, le cas échéant sous astreinte.
En imposant une sanction en fonction de la gravité de l’infraction, le Conseil d‘État réintroduit le principe constitutionnel de l’individualisation de la peine, en évitant du même coup les sanctions de masse contre des milliers d’internautes. Cette sanction pourra être publiée si la Commission de protection des droits le décide.

Le Conseil d’État a par ailleurs colmaté des défauts dans le texte initial et impose désormais l’envoi d’une lettre en recommandé (ou tout autre procédé équivalent) avant toute sanction. Dans sa version antérieure, le texte concocté par le ministère de la Culture permettait en effet de shunter cette procédure en cas de manquements répétés à l’obligation de sécurisation des lignes internet. Cette version antérieure laissait planer un immense doute sur la réalité de la graduation, malgré la bonne foi supposée du ministère de la Culture (notre actualité).

Ces sanctions pourront faire l’objet d’un recours (de pleine juridiction) devant la justice administrative et toutes les décisions devront être motivées. L’idée d’une Hadopi mitraillette à sanctions s’évapore quelque peu.

Une transaction plutôt qu’une sanction ?

Au lieu d’une sanction, la Commission pourra proposer une transaction à l’abonné. Ce « deal » peut porter sur une suspension de l’accès internet inférieur à un an, et/ou l’obligation de prendre des mesures de nature à éviter le renouvellement d’un manquement. On suppose qu’en cas d’acceptation, table rase sera faite du passé.

L’Hadopi devra fournir une liste d’outils sécurisés

Sur la sécurisation de la ligne ADSL : l’une des pierres angulaires du texte Hadopi, le Conseil d’État indique que la Haute Autorité devra établir « une liste de moyens de sécurisations présumés efficaces pour prévenir les manquements » aux obligations des internautes. Ce ne serait donc pas aux internautes de se creuser la tête pour trouver la solution imparable pour sécuriser leurs machines, si celle-ci devait exister...

Ce point est crucial : n’oublions pas que la loi Hadopi vise à responsabiliser le titulaire d’un abonnement internet qui sert au téléchargement illicite, et non pas à frapper directement les pirates. L’article 336-3 impose donc au titulaire d’un accès de veiller à la bonne utilisation de sa ligne, et aucune sanction ne pourra intervenir s’il démontre avoir mis en œuvre « ces moyens de sécurisations efficaces » (qui lui seront proposés par son FAI), si le piratage est le fait d’une tierce personne (pénétration via connexion Wifi par exemple), ou en cas de force majeure (virus ?).

Par contre, le Conseil d’État se garde bien de donner quelques pistes sur les preuves à apporter : comment l’abonné Dupont/Durant chez Free, ou Orange, ou Neuf, démontrera-t-il avoir verrouillé son PC à l’instant « T » où son adresse IP a été repérée sur les réseaux P2P ? Cette démonstration n’implique-t-elle pas un monitoring entre des solutions propriétaires de sécurisation et un gros centre de traitement ?

Données personnelles

Les données IP ne seront conservées que durant la stricte durée nécessaire à l’exercice de ses attributions ou, au plus tard, lorsque la suspension de l’abonnement prévue a été entièrement exécutée.

Autre chose : sur le traitement automatisé des données à caractère personnel dans le cadre de la loi Hadopi, c’est un décret en Conseil d’État pris après avis (simple) de la CNIL qui fixera les catégories de données enregistrées et leur durée de conservation, mais encore les destinataires habilités à en recevoir une copie et les conditions du droit d’accès.

Une mission d’observation encore bien floue

Dans sa mission d’observation, l’Hadopi publiera des indicateurs périodiques relatifs aux sanctions prises par la Commission, aux volumes de téléchargements et de mises à disposition illicites d’œuvres et d’objets protégés, et au développement de l’offre légale. Le rythme de ces publications n’est pas précisé… Le travail parlementaire devrait corriger le tir.

Le filtrage des réseaux par l’Hadopi écarté !

Last but not least. Dans l’avant-projet de loi (Art. L. 331-22), la Haute Autorité, saisie par les titulaires de droits, peut, sur procédure contradictoire, ordonner toute mesure propre à faire cesser ou à prévenir une atteinte à un tel droit occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne. En clair : demander à des FAI, des intermédiaires (Youtube, etc.) de filtrer tel ou tel contenu pour prévenir le moindre des dommages.

Le Conseil d’État, par la voix de son rapporteur, demande que ce passage permettant le filtrage de masse des réseaux soit écarté du texte, pour un examen ultérieur. Ce pouvoir resterait donc entre les mains du juge, le vrai.

C’est un gros échec pour les ayants droit qui rêvaient d’avoir à se passer de la justice pour imposer des restrictions à tour de bras sur le web. Entre les lignes, c’est aussi une forme de critique acerbe et qui confirme bien que seule une autorité judiciaire peut porter atteinte à une liberté fondamentale comme la liberté de communication. Autant dire que cette proposition satisfera les FAI et les autres intermédiaires techniques (notre actualité) qui avaient quelques raisons de s’inquiéter de ces mesures.

L’avis du Conseil d’État n’est que technique, en aucun cas obligatoire. Le texte peut en tout cas désormais prendre la voie du Conseil des ministres puis du Parlement pour y être discuté et voté. Confirmant nos informations publiées début mai, Mme Albanel a reconnu aujourd'hui que le texte ne serait finalement examiné qu’après les vacances d’été. Un temps sans doute suffisant pour digérer les modifications suggérées par le Conseil d’État et les critiques adressées par la CNIL ?

Nous reviendrons sous peu sur cette actualité.

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