
« Normalisation ne rime pas avec procès d’intention »
Il en ressort que le discours général de l’organisme français était clairement lénifiant. Dans une optique d’apaisement des esprits, Olivier Peyrat a tenu à rappeler que le but de « la normalisation n’est pas une guerre de religions. Nous nous sommes avant tout préoccupés des intérêts de tous les acteurs, même les plus petits : il s’agit d’un dialogue ».
Ce dialogue se retrouve dans la commission de normalisation, à laquelle d’ailleurs n’importe quel intéressé peut prétendre participer. C’est d’ailleurs cette ouverture qui a donné lors des premières réunions sur OOXML une telle variété d’avis, dont certains très tranchés et en totale opposition les uns des autres.
Une chronologie importante
La dimension historique du processus au sein de l’AFNOR est capitale. Lorsque l’ECMA International a transféré par la procédure rapide (fast track) le format OOXML à l’ISO (norme ECMA 376), une autre norme ISO dans le domaine des formats de données bureautiques existait déjà : l’ISO 26300, que l’on connaît mieux sous l’appellation d’OpenDocument Format. Les procédures ont été similaires : l’OASIS a envoyé l’ODF à l’ISO.
Ainsi donc, l’AFNOR a plongé son nez dans la proposition de l’ECMA qui, à l’époque, contenait plus de 6000 pages de spécifications. Un travail énorme qu’il a fallu élaguer. La suggestion la plus forte de l’AFNOR a été un découpage de l’OOXML en deux segments majeurs :
- La partie Core, qui regroupe ce qui est nécessaire à la gestion des nouveaux documents
- La partie Extensions, qui contient tout ce qui concerne la gestion des anciens documents et leur traduction

Une proposition très mal accueillie
Cette proposition de l’AFNOR a été très mal accueillie par les autres pays, mais a finalement fait son chemin jusqu’à s’imposer. De fait, quand l’ECMA a proposé en janvier une nouvelle version d’OOXML, les spécifications de ce dernier étaient bien décomposées en deux ensembles :
- OOXML Strict, correspondant à la partie Core
- OOXML Transitionnal, correspondant à la gestion des anciens documents (Extensions), un sujet abordé dans notre conversation avec Bernard Ourghanlian aujourd’hui même

Du non vers l'abstention
Pourtant, l’AFNOR s’est abstenue de voter samedi. Pourquoi ? Olivier Peyrat indique que l’organisme était parfaitement « conscient que c’était la pire des réponses. Les interprétations peuvent en effet être nombreuses : manque de courage, désintéressement du sujet. Toutefois, la situation unique nous a conduit à cette issue ».
Cette fameuse « situation » peut être résumée comme suit :
- L’AFNOR ne pouvait pas voter « non », car les progrès en 14 mois étaient conséquents
- Elle ne pouvait pas non plus voter « oui », car la version finale de l’ECMA 376 n’était pas entre leurs mains
Parmi les raisons qui ont poussé l’AFNOR à revoir sa position, Olivier Peyrat a cité des documents qui sont arrivés dans les mains des membres de la commission de normalisation à la dernière minute. Microsoft et HP, entre autres, se sont engagés à participer activement à l’évolution de la norme. Des engagements pris très au sérieux par l’organisme national, Olivier Peyrat expliquant à ce sujet que tout changement ultérieur de position « grillerait » les intéressés dans le futur. Un argument que réfute d’ailleurs Frédéric Couchet, qui précise qu’une société comme Microsoft n’a que faire de ce genre de menace éventuelle.
Il reste malgré tout des doutes et des zones d’ombre dans le processus de normalisation. Interrogés à ce sujet, Olivier Peyrat n’a pas souhaité faire de commentaires, tandis que Frédéric Bon a estimé qu’il n’avait subi aucune pression. Selon lui, le déroulement du processus à la commission de normalisation a été conforme.