
En dépit de très nombreuses protestations, la majorité des pays pencherait pour le « oui », mais peu d’entre eux ont jusqu’à présent eu une procédure sans le moindre accroc. Les exemples récents de l’Allemagne, de la Croatie et de la Norvège viennent alimenter une polémique qui fait rage depuis que Microsoft a proposé son format, et qui ne fait que gonfler, au point d’en arriver à provoquer un questionnement sur tout le processus de standardisation de l’ISO.
Le feu nordique

Selon divers témoignages émanant d’acteurs ayant pris part à la réunion de vendredi dernier, il semblerait que tous ceux qui ont voté non aient fini par quitter la salle, ne laissant que trois personnes, dont un représentant de Microsoft et un autre d’un partenaire commercial important : Statoilhydro. Un processus qui en dit long sur les luttes d’influences économiques et politiques en jeu, et qui jette un discrédit profond sur le travail du Standards Norway.
Håkon Wium Lie, de chez Opera, ne cache pas sa colère : « C’est un scandale ! Je suis choqué. Je suis sans voix. 21 membres du comité ont dit non, tandis que Microsoft s’est quand même débrouillé pour passer à travers cette position. C’est incompréhensible. […] Ceux qui ont pris la décision à la fin ne sont pas ceux qui connaissent le mieux le sujet. Ils ne sont pas qualifiés pour ce type de décision et n’ont pas nécessairement les intérêts nationaux en tête ».
Steve Pepper, directeur du comité technique norvégien, a fait part de son incompréhension de la situation. Il considère cette dernière comme une « victoire pour Microsoft, mais une grande perte pour le reste du monde ». Il explique également la décision avec des mots durs : « Ce sont les bureaucrates du comité qui ont dit oui, pas la Norvège ». Il ajoute qu’il a perdu foi en le travail du Standards Norway, après avoir oeuvré 13 ans sur les standards.
Situation ubuesque chez nos voisins d’outre-Rhin

Le DIN (Deutsches Institut für Normung) est une association privée à but non lucratif, dont le but est de conseiller et de promouvoir les normes en Allemagne. L’association n’est pas censée voter durant le processus de normalisation ISO, mais ce fut quand même le cas. Pour réussir ce tour de passe-passe, le DIN n’a pas fait valider son choix sur la base des éléments techniques de l’OOXML mais sur l’acceptation de la suggestion d’approbation, ce qui revient presque à dire que le DIN a voté sur les conseils du DIN.
Un vote incompréhensible, mais qui a fait pencher la balance en faveur de Microsoft, une fois de plus.
Croatie : un retournement de situation impossible

Lorsque la question du second vote est arrivée, Microsoft Croatie est rapidement montée sur ses grands chevaux, arguant que cela n’était pas nécessaire ni obligatoire, puisque le « oui » avait été clair en premier lieu. Après avoir déclaré que le comité croate était incompétent, Microsoft Croatie a refusé de faire partie du second vote.
Le résultat fut très différent puisque 14 membres ont voté contre l’OOXML, contre 3 seulement à l’avoir approuvé. Seulement voilà, là encore, le « non » n’a pas pu l’emporter. Pourquoi ? Parce que le comité compte 35 membres et que 17 seulement ont participé. Avec moins de 51 % de présence, le vote n’a donc pas été validé : il manquait la présence d’un seul membre supplémentaire.
Selon plusieurs sources, Microsoft aurait convaincu une partie du comité que ce second vote n’était pas nécessaire. Soit parce que l’information a été crédible ou parce qu’il était plus simple de la considérer comme telle, la validité de la décision n’a pu être exceptée, ce qui a laissé à la Croatie le même résultat que le premier vote, seul valable.

Selon nos informations, il est très probable que la France vote non. Mais cela n’a a priori plus d’importance, car une majorité de pays a apparemment voté en faveur du format de Microsoft. Le Royaume-Uni et l’Irlande ont apparemment ajouté leur accord à la liste s’allongeant sans cesse des supporters de l’éditeur de Redmond.
Selon nos informations toujours, trois contributions mystérieuses sont arrivées à l’AFNOR durant le week-end pour démontrer les bienfaits de l’Open XML. Qu’elles soient prises en compte ou non, on ressent encore les effets d’une pression assez conséquente sur l’ensemble des membres de tous les comités nationaux impliqués.
La décision finale de la France est attendue pour aujourd’hui, ou demain au plus tard. Elle ne devrait pas avoir d’impact sur la situation générale si le « oui » est clairement majoritaire, mais il sera intéressant de constater l’évolution du travail français après un premier vote négatif accompagné d’une montagne de commentaires très audacieux.