
La GESAC est un organisme très influent puisqu’il représente près de 500 000 auteurs ou ayants droit d'auteurs et compte dans ses rangs la plupart des sociétés collectives européennes (la Buma, la SABAM , la SACEM, etc.). Le document a fait l’objet de peu de publicité et c’est dommage, car il montre l’imagination de ces sociétés d’auteur déployées pour faciliter le prélèvement de la rémunération pour copie privée. Tour d’horizon.
Une redevance versée par les importateurs
Normalement, la rémunération pour copie privée est versée lors de la mise en circulation des médias vierges et autres supports de stockage. Afin de lutter contre une certaine fraude ou évasion, le GESAC veut démultiplier les contrôles. Il souhaite qu’en Europe, les importateurs soient contraints de déclarer à l’organisme chargé de la collecte tous les produits qui ont franchi les frontières nationales et qui sont soumis au paiement de la rémunération pour copie privée. Le paiement de la rémunération interviendrait donc lors du franchissement de la frontière, et non plus lors de la mise en circulation.
L’accès aux documents fiscaux en vue du contrôle
Mieux encore, les systèmes de collecte (PCRM ou private copying remuneration schemes - systèmes de rémunération pour copie privée) pourraient avoir accès aux informations détenues par les autorités de la TVA et des douanes de l’UE.
En « big brotherisant » les données fiscales de tous les importateurs d’Europe, aucun centime n’échapperait à leurs yeux : « Les autorités nationales de la TVA possèdent également des informations permettant de savoir quels produits soumis au paiement de la rémunération pour copie privée ont été commercialisés dans le pays où la TVA est due. Ces informations devraient aussi être accessibles aux PCRM pour améliorer la surveillance qu’ils exercent et lutter contre la fraude concernant le paiement de la rémunération pour copie privée. »
Pour faire passer la pilule à cette nouvelle couche de contrôle sur les faits et gestes des importateurs, le Gesac souligne que dans certains pays, la TVA doit être calculée en incluant la rémunération pour copie privée. « Par conséquent, les autorités de la TVA tireraient également bénéfice d’un échange d’informations ». Mais ce n’est pas tout. Les PCRM demandent à pouvoir auditer les importateurs placés dans les autres pays européens, via l’homologue PCRM en place dans ce pays.
La responsabilité des sites d’e-commerce
En outre, on demande à ce que la responsabilité en cas de non-paiement de la rémunération soit étendue aux opérateurs intervenant dans la commercialisation des produits. Distributeurs, détaillants, etc. seraient pieds et poings liés aux comportements des importateurs. En cas de défaut de déclaration, Rue du Commerce, et autre Top Achat etc. pourraient être redevables des sommes éludées.
Autre proposition : de nombreux Français achètent des supports vierges en Allemagne, en Belgique ou au Luxembourg, pays qui ne connaissent pas la même pression qu’en France. Les États membres devraient veiller, selon le GESAC, à ce que les vendeurs à distance - et non les consommateurs - soient soumis au paiement de la rémunération pour copie privée dans le pays où résident les consommateurs. Un vendeur luxembourgeois devrait ainsi reverser des les sommes aux organismes français si le consommateur en ligne est français... On imagine sans mal la gestion administrative d’une telle obligation dans une Europe si morcelée, ou lorsque la vente a lieu via eBay…
Criminalisation du non-paiement de la redevance
Au rang de la sanction, le groupement demande en toute simplicité à ce que les États européens considèrent le non-paiement de la rémunération pour copie privée « comme une infraction criminelle soumise à des sanctions ayant un effet véritablement dissuasif. »
En appliquant le droit pénal international (principe dit de la lex loci delicti), cela permettrait aux organismes français d’attaquer en France un vendeur situé en Belgique qui aurait omis de déclarer la rémunération pour copie privée.
Par ailleurs, toute une série de procédures civiles serait adaptée pour faciliter le paiement des redevances non versées. Des procédures facilitées par une collaboration ultra active entre les PCRM européens (échange d’information, surveillance et audit des redevables, possibilité d’introduire des plaintes pour le compte d’un autre PCRM dans certains cas particulière, etc.).
Filtrage des sites d’e-commerce
Et pour couronner le tout, l’obsession des ayants droit dans la quête de cette dîme irait même jusqu’au filtrage : les Sacem européennes demandent à Bruxelles que les FAI bloquent l’accès aux sites sur lesquels des produits sont vendus sans que soit effectué le paiement de la rémunération pour copie privée. On adapterait là certaines des mesures de filtrages actuellement aiguisées en matière de droit d’auteur (cf la mission Olivennes). On imagine de nouveau sans mal l'effet sur eBay par exemple...
L’Europe veut remettre en cause la rémunération pour copie privée
En attendant, les premiers retours de Bruxelles ne sont pas ceux attendus et le rapport du GESAC a pour le moins irrité. « À court terme, le mécanisme actuel de copie privée reste en place, mais à plus long terme, il faut trouver quelque chose de plus rémunérateur. Une redevance sur internet me semble d'ailleurs plus adaptée [aux problématiques] du marché intérieur » a exposé Tilman Lueder, lors des rencontres de Cabourg. Ce personnage est membre du cabinet de Charlie McCreevy, commissaire européen en charge du Marché Intérieur.
Vendredi, la magazine les Echos indiquait par ailleurs que le dossier de la copie privée serait à nouveau revu début 2008, alors que les plaintes des fabricants pleuvent actuellement (Philips contre l’Espagne et Imation contre les Pays-Bas). Seules réponses pour l’instant des collecteurs : la paiement pour copie privée « ne freine en aucune façon le développement des marchés concernés et […] se justifie d'un point de vue économique ». Ces prélèvements ont été de 555 millions en Europe en 2005 et on attend 154 millions en France pour 2007. On rappellera enfin que ces collecteurs auront un appui de choix puisque Christine Albanel entend défendre elle-même le dossier de la rémunération à Bruxelles.