Le CEA revient sur la « naissance d'une planète en direct » et en images

Le CEA revient sur la « naissance d’une planète en direct » et en images

Selon Doctor Who, c’est un vortex temporel !

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

04/08/2020 7 minutes
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Le CEA revient sur la « naissance d'une planète en direct » et en images

Il y a quelques semaines, le télescope géant de l’Observatoire européen austral a observé « les signes de la naissance d’une planète ». Une découverte importante pour le CEA, car elle permet de « valider tout un scénario de formation de planètes ».

Dans notre Système solaire, la formation du Soleil et des planètes est aujourd’hui bien documentée. Il y avait au départ un nuage immense, fait de gaz et de poussières. Puis un chamboulement, il y a 4,6 milliards d’années environ : « une étoile voisine explose. L’onde de choc est énorme. Le nuage se met en rotation et s’aplatit. Au centre, une sphère se forme ». Cette dernière deviendra notre étoile. Les poussières s’agglomèrent en roche, puis en planètes. 

La chanson est différente dans le reste de l’Univers : « il reste très difficile d'observer la formation de planètes au sein de "disques proto-planétaires", hors du système solaire », explique le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Il s’agit pourtant d’un élément important, car « leur compréhension est d’une importance primordiale pour mieux reconstituer l’origine de notre propre système solaire ». Des observations récentes ont permis aux scientifiques de faire des progrès dans ce domaine.

Disques proto-planétaires et circum-planétaire, proto-étoile… késako ?

Mais avant toute chose, un rappel sur les disques proto-planétaires. Ils sont composés de gaz et de poussières, entourent les proto-étoiles – les étoiles en formation – et donnent ensuite naissance aux planètes. Le principe est connu, mais « les premières phases de l'évolution d'un disque proto-planétaire sont encore mal comprises, car, même pour les plus proches de nous, leur observation nécessite de pouvoir distinguer au télescope des détails inférieurs à la seconde d'arc (soit la taille d'une pièce de monnaie vue à 4 kilomètres de distance) ».

Le CEA précise que leur observation nécessite d’utiliser des radio-télescopes (des télescopes captant des ondes radio) car, à cause de leur « très faible température et de leur enfouissement au cœur de cocons de matière », ils n'émettent pas de lumière visible, mais un rayonnement dit millimétrique.

Les scientifiques ont évidemment des idées sur le déroulement des opérations : « Des modèles théoriques de formation de planètes géantes postulent l'existence, à l'intérieur du disque proto-planétaire, d'un anneau appelé "disque circum-planétaire", dont la largeur vaut quelques rayons de la planète en formation. Il "stocke" la matière provenant du disque proto-planétaire avant son "accrétion" à la planète ». L’accrétion étant la « capture de matière par un astre sous l'effet de la gravitation », rappelle le Larousse.

Les physiciens s’attendaient à trouver « une zone en forme de « S » […] à l'intersection de deux ondes de matière de forme spirale »… Et c’est justement « le cliché exact d'une telle structure que les chercheurs sont parvenus à capter », explique le CEA.

Des « signes révélateurs d’un système planétaire en formation »

Il y a quelques mois, Anthony Boccaletti, de l'Observatoire de Paris, rappelait qu’il fallait « observer de très jeunes systèmes pour vraiment saisir le moment où les planètes se forment ». Problème, « les astronomes n'avaient pas réussi à prendre des images suffisamment nettes et profondes de ces jeunes disques pour trouver le point précis qui indique l'endroit où un bébé planète devrait être en train de naître », ajoutait l'Observatoire européen austral (ESO).

Du changement est arrivé fin mai : l’ESO annonçait officiellement avoir observé « les signes révélateurs d’un système planétaire en formation », autour de la jeune étoile AB Aurigae. Les scientifiques prenaient des précautions dans l’interprétation des résultats : « Autour de la jeune étoile AB Aurigae se trouve un disque dense de poussière et de gaz dans lequel les astronomes ont repéré une structure en spirale proéminente avec une "torsion" qui marque le site où une planète pourrait se former. Cette structure observée pourrait être la première preuve directe de la naissance d'une planète ».

Dans l’image ci-dessous, la partie de droite est une version agrandie de celle de gauche, centrée sur la région interne du disque. « La "torsion" jaune très brillant (entourée de blanc) » est, selon les scientifiques, « l'endroit où une planète est en train de se former. Cette torsion se trouve à peu près à la même distance de l'étoile Aurigae AB que Neptune du Soleil. Le cercle bleu représente la taille de l'orbite de Neptune ».

Naissance planète
Crédits : ESO/Boccaletti et al.

Une observation « unique et exceptionnelle »

Il y a quelques jours, le CEA est revenu sur cette découverte. Le Commissariat explique que la collaboration internationale de scientifiques a d’abord été « intriguée par un disque proto-planétaire atypique observé en ondes millimétriques par le réseau d'antennes Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) au Chili ».

Pour pousser les analyses, l’instrument SPHERE (Spectro Polarimetric High contrast Exoplanet REsearch) du Très Grand Télescope (VLT) de l'Observatoire européen a été mis à contribution et pointé « vers la jeune étoile AB Aurigae, située à 520 années-lumière de la Terre ». Afin de se concentrer sur le disque proto-planétaire, SPHERE utilise un procédé d'occultation « de la lumière aveuglante de l'étoile ».

C’est le jackpot pour le Commissariat : « Ils découvrent alors la structure en « S » prédite par les modèles, située au point de convergence de deux bras spiraux. Des disques proto-planétaires avec des ondes spirales et des planètes à l'intérieur de disques avaient déjà été observés, mais c'est la première fois qu'une structure dans l'onde spirale trahit la présence d'une proto-planète. Cette unique et exceptionnelle observation suffit donc à valider tout un scénario de formation de planètes ! ».

Le CEA prend donc moins de pincettes que l’ESO dans son communiqué, alors que les deux s’appuient sur la même publication scientifique (sur arXiv et dans Astronomy & Astrophysics), dont le titre est : « Possible evidence of ongoing planet formation in AB Aurigae ». Il n’est question que d’une « preuve possible ». Dans tous les cas, cela reste une avancée dans ce domaine et dans la compréhension de la formation des planètes.

Naissance planete
Crédits : CEA

Le Télescope Géant Européen prendra la relève

L’avenir se prépare au Chili, où l'Observatoire européen austral (ESO) construit un télescope géant (Extremely Large Telescope ou ELT) de 39 mètres, qui sera équipé de l’instrument Metis (Mid-infrared ELT Imager and Spectrograph).

Ce dernier « pourra observer bien d'autres disques proto-planétaires autour de jeunes étoiles. En révélant les caractéristiques fines des sites de formation, il permettra de mieux comprendre encore les phases de croissance des planètes géantes ». « Nous devrions être en mesure de voir directement et plus précisément comment la dynamique du gaz contribue à la formation des planètes », indique Anthony Boccaletti.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Disques proto-planétaires et circum-planétaire, proto-étoile… késako ?

Des « signes révélateurs d’un système planétaire en formation »

Une observation « unique et exceptionnelle »

Le Télescope Géant Européen prendra la relève

Commentaires (12)


Fascinant. <img data-src=" />


générique de dr who itensifies


Un bébé planète de 520 ans tout de même…





Furtherobservations would be required to confirm this result and to de-rive better mass estimates for potential planets in this location





Je suis curieux de savoir si le bébé est congelé, ou pas. <img data-src=" />


520 ans en référence aux 520 années lumières qui sépare de la Terre?


Oui.

Mais il manque des infos sur le système complet pour se faire une idée.


Je pense que cette formation a + de 520 ans. <img data-src=" />

L’espace c’est très leeeeenttttt


Pourtant la congélation pas tant que ça. <img data-src=" />

Bon après c’est vrai que le refroidissement global est lent, mais cela n’invalide pas mon hypothèse, pis tant qu’on a pas observé plus je maintien le bébé congelé. <img data-src=" />


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dylem29 a écrit :



Je pense que cette formation a + de 520 ans. <img data-src=" />

L’espace c’est très leeeeenttttt







Oui, je pense aussi que ça doit avoir certainement qq millions d’années…

Par contre, l’image que nous avons est vieille de 520 ans par rapport à l’état actuel de la proto-planète.



Yes, vu que la lumière a mit 520 ans pour arriver jusqu’à la Terre. ;)


Génial ! Merci Sébastien pour cet article !


Lire un article dans NxI sur une découverte faite avec un instrument auquel j’ai participé pour la deuxième fois. Check :)