Les collectivités s'inquiètent du rachat de Bouygues Telecom par Orange

Les collectivités s’inquiètent du rachat de Bouygues Telecom par Orange

Les réseaux de la colère

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Guénaël Pépin

Publié dans

Internet

18/02/2016 5 minutes
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Les collectivités s'inquiètent du rachat de Bouygues Telecom par Orange

Alors qu'il a pris un peu de retard, le rachat de Bouygues Telecom par Orange n'est pas vraiment du goût de l'AVICCA, une association de collectivités. Ces dernières estiment être exclues des débats, alors qu'elles supportent une grande part du déploiement du très haut débit, et réclament un co-investissement dans les réseaux publics en fibre.

Le rapprochement entre Bouygues Telecom et Orange ne fait pas que des heureux. Dans un communiqué au nom explicite (« 3 opérateurs gagnants, 85% du territoire perdant ? ») publié mardi, l'association de collectivités AVICCA tire la sonnette d'alarme sur les rapports de force entre opérateurs nationaux et collectivités.

Si l'annonce du rachat, prévue pour celle des résultats annuels d'Orange mardi, a été repoussée de quelques semaines, sa perspective inquiète bien l'association. « Si les collectivités ne sont pas invitées à la table de négociation, elles sont pourtant directement concernées » estime l'AVICCA. En cause, l'attitude des opérateurs face aux réseaux d'initiative publique (RIP) et le risque d'une nouvelle perte de concurrence à trois acteurs.

Des réseaux publics qui ont besoin des FAI nationaux

Pour rappel, dans le cadre du plan France THD, qui doit amener le très haut débit à toute la population en 2022, le territoire est séparé en deux zones. D'un côté, les zones denses et immédiatement rentables sont réservées aux opérateurs privés, qui doivent y déployer la fibre à leurs frais. De l'autre côté, les 43 % de la population en zones moins denses (85 % du territoire) sont à la charge des collectivités, qui montent des réseaux d'initiative publique, subventionnés en partie par l'État.

Alors que ces réseaux commencent à sortir de terre, un problème devient de plus en plus pressant. Les fournisseurs d'accès Internet nationaux y proposent encore rarement leurs offres. Même si de petits opérateurs existent, les particuliers préfèrent attendre qu'un grand nom arrive pour s'abonner, donc se connecter au RIP.

Les petits FAI peinent notamment sur les offres TV, qui ne tiennent souvent pas la comparaison avec celle des mastodontes nationaux, même si quelques initiatives émergent. Les grands opérateurs, de Bouygues Telecom à SFR, sont pour le moment plus occupés par les zones rentables, dont les réseaux fibre se remplissent peu à peu.

Les opérateurs viennent plus pour construire que pour connecter

Selon l'AVICCA, les opérateurs nationaux jouent sur ce besoin pour obtenir la construction des RIP, qui sont d'importants investissements. « Depuis un an, ni Bouygues ni Free ne sont venus co-investir ni même louer les réseaux publics FTTH ; quant à Orange et SFR, ils ne sont venus co-investir quasi-exclusivement que sur les réseaux publics qu’ils exploitent » décrit l'association.

Cette attitude nous avait été décrite par de nombreuses collectivités lors de notre enquête sur la lutte d'Orange contre les réseaux publics en fibre. À certains élus, le groupe explique ainsi qu'ils ne peuvent pas garantir de connecter leurs Livebox aux RIP s'ils ne les construisent pas eux-mêmes, à cause des choix techniques à effectuer. Interrogé, le groupe démentait ces accusations, même s'il expliquait devoir retravailler des réseaux publics avec les collectivités, avant de s'y connecter.

« Au mieux les opérateurs majeurs mettent en balance leur venue sur ces réseaux pour capter des marchés publics de construction et d’exploitation ; au pire, ils pourraient jouer l’attrition pour ceux qu’ils perdent, en retardant leur venue sur ces réseaux, espérant ainsi racheter à bas prix les sociétés qui gagnent ces marchés » affirme l'AVICCA. Cette stratégie d'attrition, si elle est anticipée, n'est pas encore avérée.

Obliger les opérateurs à co-investir, à hauteur de leur part de marché

Aux Échos, l'AVICCA et la FIRIP ont déclaré vouloir peser auprès du gouvernement pour qu'il impose certaines mesures aux opérateurs nationaux. La principale demande est que le gouvernement pousse les fournisseurs d'accès nationaux à proposer leurs services sur les réseaux d'initiative publique. « En tant qu’actionnaire d’Orange, l’État pourrait l'inciter à être davantage client des RIP » estime ainsi Etienne Dugas, le président de la FIRIP.

Dans son communiqué, l'AVICCA a une demande aussi importante : que les opérateurs investissent dans les réseaux dès qu'ils sont prêts. « Les opérateurs majeurs doivent co-investir ab initio, en proportion de leurs parts de marché, sur tous les réseaux d’initiative publique, dès lors qu’ils respectent les conditions techniques et tarifaires réglementaires » écrit l'association. Les négociations autour du rapprochement entre Bouygues et Orange seraient donc l'occasion idéale.

Il faut dire que l'enjeu est réel pour les réseaux publics. Comme nous l'expliquait Altitude Infrastructure début février, l'opérateur d'infrastructure qui compte gérer 30 % des prises fibre sur les réseaux publics, l'arrivée des FAI nationaux est un point important. « On a des modèles d'affaire avec le cas de base, si les grands opérateurs arrivent sur le réseau, et le cas dégradé » s'ils ne viennent pas, affirmait Altitude. Avec plus de 1,2 million de prises signées, le groupe estime être un interlocuteur important, même si rien n'est encore garanti.

Écrit par Guénaël Pépin

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Des réseaux publics qui ont besoin des FAI nationaux

Les opérateurs viennent plus pour construire que pour connecter

Obliger les opérateurs à co-investir, à hauteur de leur part de marché

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (26)


Pour ma part je préfère un petit FAI qui fait l’impasse sur un media du siècle dernier mais qui propose une connexion internet béton, avec un minimum de QoS, un vrai modem/routeur plutôt qu’une box buguée/imparamétrable.



Manque de chance je ne suis pas représentatif de la clientèle <img data-src=" />


J’aimerais bien avoir une estimation des perte des grands opérateurs si les populations des 85% du territoire concerné se désintéressaient d’eux…. Pas sur qu’ils aient les moyens de continuer le déploiement en zone “rentable”…



Y a un SDAN de prévu dans mon département (53) (géré par le CG) mais toutes les instances que j’ai pu contacté ne m’ont répondu soit par le silence, soit par des lien vers le SDAN.pdf que j’ai déjà consulté… (mairie, communauté de commune, conseil général, président de la commission des routes et du développement des territoires (numérique)…

Si quelqu’un a des infos sur le 53 ou s’intéresse à la création d’un RIP, ça m’intéresse… J’y connais rien encore mais l’envie est là…



[EDIT]Je suis d’accod avec mon voisiin du dessus… D’ailleurs, je suis en train de regarder l’offre OVH qui me paraît pas trop mal au regard du reste… (ouverture des ports, …)[/EDIT]


article très INtéressant

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Un soucis sur la proposition d’investissement à hauteur de la part de marché (intéressante en elle même).

Quelle part de marché : l’actuelle ? =&gt; 90% sur Orange sur lafibre (sans*) je pense.

Mais que se passe t il une fois le coucou qui se réveille ? On (le nouvelle opérateur ?) rembourse orange de son investissement à hauteur du transfert de part de marché vers l’autre opérateur ? Voudra t il le faire ?

&nbsp;








Charly32 a écrit :



Pour ma part je préfère un petit FAI qui fait l’impasse sur un media du siècle dernier mais qui propose une connexion internet béton, avec un minimum de QoS, un vrai modem/routeur plutôt qu’une box buguée/imparamétrable.



Manque de chance je ne suis pas représentatif de la clientèle <img data-src=" />





idem en ce qui me concerne.





article Next Inpact :



Selon l’AVICCA, les opérateurs nationaux jouent sur ce besoin pour obtenir la construction des RIP, qui sont d’importants investissements. « Depuis un an, ni Bouygues ni Free ne sont venus co-investir ni même louer les réseaux publics FTTH ; quant à Orange et SFR, ils ne sont venus co-investir quasi-exclusivement que sur les réseaux publics qu’ils exploitent » décrit l’association.



<img data-src=" /> Dommage que la bande des 4 (potentiellement, bande des 3) ne louent pas ces réseaux RIP “clé-en-main”.



c’est vrai que comme chaque opérateur gère son réseau différemment (ip fixe ou non, ipv4 etc), ça semble difficile à faire.. m’enfin heureusement qu’il y a les RIP :)


Charly32: Quel FAI?


“Cette&nbsp;stratégie d’attrition, si elle est anticipée, n’est pas encore avérée.”



Pardon ?! Guénaël, on a pourtant discuté de ce qu’il se passe dans l’Ain il me semble, non ? Il n’y a aucun doute sur les intentions d’Orange.



Il y a de nombreux moyens politiques de mettre en avant des alternatives locales pour supprimer tout moyen de pression de l’oligopole. Mais aucun élu n’a encore agi de façon significative et le régulateur laisse faire.


Un des “big 4”, Free étant au moment de la souscription le seul a avoir dégroupé mon NRA.

La fibre arrive d’ici quelques semaines, via un RIP - THD Oise -&nbsp; (et là c’est les 3 mois où les FAI doivent se manifester pour proposer leur offres) mais seul SFR proposera dans l’immédiat une offre.



Arès si tu me demandes si un FAI tel que j’aimerai existe, je n’en connais pas, sauf peut être FDN, que je n’ai jamais testé, et dont le fonctionnement est un peu particulier.








jayr0m a écrit :



J’aimerais bien avoir une estimation des perte des grands opérateurs si les populations des 85% du territoire concerné se désintéressaient d’eux…. Pas sur qu’ils aient les moyens de continuer le déploiement en zone “rentable”… (…)





Puisque Orange a proposé la coupure du réseau téléphonique commuté (RTC) à court terme (remplacé par la technologie DSL en VoIP) et la coupure de la boucle locale cuivre en cas de fibrage d’une zone (voir: L’ARCEP prépare l’arrêt du réseau téléphonique classique par Orange), j’imagine que les réseaux d’initiative publique (RIP) peuvent se prévaloir de la même disposition. Résultat : finie la rente de l’ADSL pour les 4 gros (bientôt 3?) en zones très peu dense si la zone est “RIPée”.









jayr0m a écrit :



(…) [EDIT]Je suis d’accod avec mon voisiin du dessus… D’ailleurs, je suis en train de regarder l’offre OVH qui me paraît pas trop mal au regard du reste… (ouverture des ports, …)[/EDIT]





il y a aussi Coriolis qui s’engage sur la fibre des RIP. Concernant les offres triplay (avec TV), il existe aussi l’offre de Videofutur et d’autres (qui ne sont pas compétitives, mais qui ont le mérite d’exister) (voir: L’inquiétude grandit autour des futurs tarifs des réseaux publics en fibre)



Encore un sous-titre qui déchire !! <img data-src=" />








joma74fr a écrit :



Puisque Orange a proposé la coupure du réseau téléphonique commuté (RTC) à court terme (remplacé par la technologie DSL en VoIP) et la coupure de la boucle locale cuivre en cas de fibrage d’une zone (voir: L’ARCEP prépare l’arrêt du réseau téléphonique classique par Orange), j’imagine que les réseaux d’initiative publique (RIP) peuvent se prévaloir de la même disposition. Résultat : finie la rente de l’ADSL pour les 4 gros (bientôt 3?) en zones très peu dense si la zone est “RIPée”.

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&nbsp;Ce serait en effet l’idéal. Les opérateurs continueront à se gaver sur la boucle locale cuivrée tant qu’ils pourront le faire, selon la logique de l’investissement minimal (voir inexistant) et du rendement maximal à court terme. Mais moins il y aura d’opérateurs, plus la position des promoteurs de RIP via DSP sera précaire, de facto.









Charly32 a écrit :



Pour ma part je préfère un petit FAI qui fait l’impasse sur un media du siècle dernier mais qui propose une connexion internet béton, avec un minimum de QoS, un vrai modem/routeur plutôt qu’une box buguée/imparamétrable.



Manque de chance je ne suis pas représentatif de la clientèle <img data-src=" />





Bien d’accord !



J’ai toujours considéré que les réseaux devaient être déployés aux seuls frais des RIP. Les FAI devant payer une taxe sur chaque abonné pour rembourser l’infra (et l’entretenir). Il en est de même pour&nbsp; les autres réseaux (routes, autoroutes)


“Pour rappel, dans le cadre&nbsp;du plan France THD, qui doit amener le très haut débit à toute la population en 2022,&nbsp;le territoire est séparé en deux zones. D’un côté, les zones denses et immédiatement rentables sont réservées aux opérateurs privés, qui doivent y déployer&nbsp;la fibre&nbsp;à leurs frais. De l’autre côté, les 43 % de la population en zones moins denses (85 % du territoire) sont à la charge des collectivités, qui montent des réseaux d’initiative publique, subventionnés en partie par l’État.”



Tout est dit, faut pas s’étonner que 99% de la richesse soit détenue par 1% de la population (approximativement parlant).








Charly32 a écrit :



Pour ma part je préfère un petit FAI qui fait l’impasse sur un media du siècle dernier mais qui propose une connexion internet béton, avec un minimum de QoS, un vrai modem/routeur plutôt qu’une box buguée/imparamétrable.



Manque de chance je ne suis pas représentatif de la clientèle <img data-src=" />







pareil… <img data-src=" />



En matière d’économie, il n’existe aucune philanthropie. Orange rachètera Bouygues Telecom parce qu’il veut se développer. Bouygues Telecom se fera racheter parce qu’il est trop faible face aux mastodontes que sont Orange et Free.



Les collectivités, les clients de Bouygues Telecom ainsi que ses salariés n’auront que leurs yeux pour pleurer.



Enfin, ce rachat va réduire la concurrence dans le monde des FAI, provoquant irrémédiablement une hausse des prix.


il suffit de faire financerles réseaux par les opérateurs privés, donc par les clients en augmentant leprix des abo avec une taxe d’investissement obligatoire ou un impôt sur lesbénéfices. les RIP, encore des usines à gaz gérer par des collectivités dont cen’est pas les métiers. En même temps, ça permet de créer de m’emploi et defaire marcher la machine à fabriquer des fonctionnaires.



Autre idée, on renationaliseOrange et on fait financer le plan fibre par l’impôt. Les RIP, c’est comme leurnom, REST IN PEACE. Des trucs voués à mourir ou se faire racheter.


En même temps, on a les prix les plus bas au monde, ce n’est pas exagéré d’essayer de remonter un peu les marges.C’était exagéré quand ils étaient 25% plus cher &nbsp;que la moyenne, mais on est passé d’un extrême à l’autre, ce qui n’est jamais bon. Et comme dans ces domaine-là,il y’a de l’inertie, les impacts se verront par le retard que prendra la France dans certaines technologies à moyen terme.








Goblin a écrit :



En même temps, on a les prix les plus bas au monde, ce n’est pas exagéré d’essayer de remonter un peu les marges.C’était exagéré quand ils étaient 25% plus cher &nbsp;que la moyenne, mais on est passé d’un extrême à l’autre, ce qui n’est jamais bon. Et comme dans ces domaine-là,il y’a de l’inertie, les impacts se verront par le retard que prendra la France dans certaines technologies à moyen terme.





Le retard que la France prend s’observe déjà : le très haut débit en est un bon exemple.



oui mais en même temps on ne voit pas encore bien les effets négatifs sur l’économie Françaises. Avant l’usage purement personnel/individuel, c’est avant tout un levier de développement Economique qui a de multiples champs d’applications (santé, économie IT, loisirs et j’en passe ..). C’est le prix à payer pour les métiers de demain.&nbsp;


2 remarques :




  • les collectivités locales pilotent non seulement des RIP, mais sont aussi propriétaires des réseaux locaux :



    • de distribution d’eau, d’assainissement,

    • d’électricité,

    • de routes départementales, de routes communales,

    • de chauffage urbain, etc


  • les RIP existent dans les zones que les 4 opérateurs télécom nationaux n’ont pas choisi de couvrir (sorte de droit de préemption détenu par les 4 opérateurs nationaux). Entre rien ou les RIP, le rien ressemble plus à la mort que l’existence d’une solution.




je suis en phase, mais cela montre bien la délicate cohabitation public privée. Je me suis toujours demandé pourquoi on ne donne par un statut de société privée servant des intérêts publiques avec une fiscalité alignées pour assurer des missions publiques qu’on attend de ces entreprises.



Nos collectivités sont des gouffres d’argent publique non optimisé. Il y’a des métiers qui ne s’improvise pas. il suffit d’obliger les opérateurs à couvrir en leur redistribuant l’argent des RIP avec des objectifs qui, si non atteint, seront sanctionnés par des amendes substantielles. La France se meurt de tant de service publique anarchique servant de réserve d’emploi afin de contenir les chiffre du chromage.



Tu auras compris que je ne suis pas fonctionnaire.&nbsp;


Pour ceux qui l’aurait ratée, a Pas Sage En Seine 2013, Benjamin Bayart avait fait une conférence sur la problèmatique du déploiement de la fibre:

Petit état des lieux du déploiement de la fibre optique en France. (ou comment ruiner une bonne idée)


Le remplacement du réseau cuivre par la fibre baisse substantiellement les coûts et donc augmente substantiellement les marges à tarif constant. Seulement là les tarifs augmentent sensiblement (du moins concernant les tarifs Orange) et ça sent un peu l’arnaque, surtout quand tu prends en compte les centaines de millions que va rapporter la revente du cuivre.



Quand à l’effet négatif sur l’économie française, il est flagrant depuis un bout de temps de déjà: pas de haut-débit = pas de développement économique + pas de nouveaux habitants.








Goblin a écrit :



je suis en phase, mais cela montre bien la délicate cohabitation public privée. Je me suis toujours demandé pourquoi on ne donne par un statut de société privée servant des intérêts publiques avec une fiscalité alignées pour assurer des missions publiques qu’on attend de ces entreprises.





Pour info, nombres de RIP sont gérés par des entreprises (comme Altitude Infrastructure), en délégation de service publique. Encore heureux que les villages de 1000 habitants s’improvise pas en gestionnaire de réseaux…