Le projet de loi sur le numérique a été adopté hier par les députés. Parmi les dispositions votées, une nouvelle exception est introduite dans le Code de la propriété intellectuelle : la liberté de panorama.
L’amendement est court. Il autorise comme exception au monopole des créateurs, « les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »
Portée par Luc Bélot, rapporteur et le groupe des députés socialistes, cette disposition va nettement moins loin que celle qui fut proposée notamment par les élus écologistes ou ce groupe de députés socialistes. Qu’on en juge, l’amendement, qui confirme la frilosité française à l'idée d'injecter de nouvelles exceptions, exige plusieurs conditions cumulatives pour autoriser ces prises de vue :
- Une œuvre architecturale ou sculpturale
- Placée en permanence sur la voie publique
- Une reproduction et une diffusion par des particuliers
- À des fins non lucratives.
Les fins non lucratives
Si Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique, a émis un avis défavorable, renvoyant le sujet à la réforme du droit d'auteur engagée à Bruxelles, le député Lionel Tardy s’est ému du critère lié aux fins non lucratives : « Prenons le cas d’un particulier qui diffuse ses photos de vacances sur son blog : il suffirait qu’il y accueille de la publicité pour être considéré comme faisant un usage commercial de ces photos. On mesure toute l’ambiguïté. Votre amendement exclurait également Wikipédia puisque sa licence permet la réutilisation à des fins commerciales. Idem des photos postées sur les réseaux sociaux ». Et l’élu LR de réclamer, en vain « une liberté de panorama pour tous ».
Un avis non partagé par Émeric Bréhier, député PS, membre de la commission des affaires culturelles : l'« extension de cette exception aux activités lucratives ne me semble pas pertinente. À mon sens, dans un tel cas de figure, rien ne justifie en effet que les auteurs ne puissent pas être rémunérés à juste raison ». Argument combattu par Christian Paul : « il n’y a pas d’immenses préjudices : les œuvres en question sont déjà financées – il est aussi possible de leur conférer, par ce biais, une notoriété supplémentaire – et les rémunérations découlant des reproductions sont particulièrement accessoires, même s’il convient évidemment de regarder de près ce dont il s’agit ».
Karine Berger (PS) a pour sa part soutenu la version restreinte de l’amendement : « lorsque Google insère une image sur sa page d’accueil, l’entreprise estime que ce n’est pas dans un but lucratif. Je ne sais pas si M. Paul considère que la vie de « M. Google » est plus dure que celle des internautes, mais un vrai problème ne s’en pose pas moins : l’utilisation d’images par un certain nombre de plateformes pourrait être juridiquement réalisée à des fins non lucratives alors que, nous le savons parfaitement, la vitrine d’une boutique, au final, a un impact sur le chiffre d’affaires ».
Une reproduction et une représentation par des particuliers
Autre condition, il faut que la photo soit le fait d’un particulier. Cela indique donc qu’une association de défense du patrimoine ne pourrait ainsi pas profiter d’une telle exception, quand bien même la prise de vue correspondrait à son ADN associatif.
Ce caractère « individuel » doit également se vérifier lors de la représentation de l’œuvre. Il s’agit juridiquement de sa communication au public par un procédé quelconque. Si une personne partage une photo d’un bâtiment sur Internet, celle-ci ne pourrait sans doute pas être reprise et diffusée à son tour par une association, une société quelconque sous l'égide de cette exception.
Une œuvre architecturale ou sculpturale placée en permanence sur la voie publique
Enfin, la liberté de panorama doit être limitée aux œuvres architecturales et aux sculptures sur la voie publique. Cette restriction n'est pas surprenante. Elle est imposée par la directive de 2001 sur le droit d’auteur qui autorise les États membres à prévoir une telle exception seulement « lorsqu'il s'agit de l'utilisation d'oeuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics ».
Cependant, dans le texte européen comme français, il n’est pas certain que la Tour Effeil puisse désormais être photographiée de nuit, puisque son éclairage relève de l’ornemental, protégé en lui-même par le droit d'auteur et même le droit des marques.
Commentaires (46)
#1
Lionel Tardy : Dommage qu’il n’est pas Ministre l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, il ferait à première vu un travail plus soigné. C’est l’impression qu’il me donne perso." />
#2
La différence entre le légitime et le légal ne cesse de grandir chaque jour.
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Ils partent du principe que tout ce qui existe a été créé par quelqu’un (personne physique ou morale).
Donc, par corolaire, toute reproduction de ce qui existe est soumis au droit d’auteur.
Simple, efficace et rémunérateur.
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#5
Google va crachez ses tripes avec Street View " /> si tout le monde saute dessus
et une petite class action marcherait ?
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#8
On va voir ce que dit la jurisprudence… Il y a une chance pour que la différence entre « non commercial » et « non lucratif » d’une part, « réalisation » et « diffusion » d’autre part permette de s’en sortir. Attendons les jurisprudences…
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Mais qui est volontaire pour tester ?
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Encore une fois, on restreint la liberté du citoyen. Ça va finir par pêter.
Ah ça ira, ça ira, ça ira !
#11
Franchement, dans la situation ou est notre pauvre pays, se torturer les neurones (si tant est qu’ils en aient) sur la liberté de panorama, me laisse sans voix.
On dirait que nos parlementaires n’ont qu’une idée en tête : limiter encore et encore les libertés individuelles.
#12
limiter encore et encore les libertés individuelles.
Justement, là, non, c’est une amélioration. Mais elle est malheureusement trop timide. " />
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#14
Normal, il est informaticien de formation. On aurait alors un ministre qui saurait un minimum de quoi il parle.
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#16
Hé bé, la mère Lemaire qui s’occupe du numérique en France, elle devrait apprendre l’usage du digitale, parque que depuis quelques jours elle fait tout contre le ‘4E 75 6D’.
De plus cela lui ferait certainement du bien, et elle deviendrait enfin utile (elle n’aurait plus a tutut les lobbys).
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Sérieusement?! Il y a plus important à faire que légiférer sur “le panorama” " />
#18
“Cependant, dans le texte européen comme français, il n’est pas certain que la Tour Effeil puisse désormais être photographiée de nuit, puisque son éclairage relève de l’ornemental, protégé en lui-même par le droit d’auteur et même le droit des marques.”
pour l’éclairage de la vieille dame , ils ont du boulot vu le nombre de photos prisent tout les soir ; c’est mission impossible a moins de mettre des dizaines de policiers qui verbalisent a tour de bras ainsi qu’un infirmier pour soigné leur entorse du poignet. " />
#19
Il a les pieds sur terre, il sait de quoi il parle, et il a vrai boulot en dehors de la politique.
Donc non, il ne sera jamais ministre.
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#21
et quel pourcentage doit-on reverser?
parce qu’une photo lucrative, c’est pas une simple reproduction de l’objet présent dans le cadre, c’est aussi une oeuvre, alors quel pourcentage représente la composition et la mise en lumière par rapport à la sculpture publiquement visible qui s’y trouve?
et pour aller plus loin, comme la tour eiffel de jour, la moindre maison en préfabriquée n’est-elle pas une “oeuvre architecturale” en un sens ? en somme on n’aurait plus le droit de photographier professionnellement le moindre cadre extérieur un tant soit peu urbanisé, quelle usine à gaz :|
#22
#23
Les 2 sont intimement liés.
Usines à gaz économiques et sociales => hésitation et doute => pas d’emploi.
Dès qu’on parle de simplifier => hop on rajoute un truc “pour remplacer”
Stop ! Il faut ENLEVER des choses ! " />
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#25
« une liberté de panorama pour tous ».
on y viendra (c’est une question de temps) ils ne pourront pas appliquer leur loi
dans le sens “stricto sensu” (dans la pratique : y-aura TROP de cas qui se
présenteront) ils vont être “obligés” d’être tolérants !
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Et une usine à gaz … une.
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Le bâtiment est joli par contre c’est quoi les horreurs qui sortent du sol ? Il pourraient mettre un espace vert à la place, ce serait mille fois plus joli.
#28
“Cependant, dans le texte européen comme français, il n’est pas certain
que la Tour Effeil puisse désormais être photographiée de nuit, puisque son éclairagerelève de l’ornemental, protégé en lui-même par le droit d’auteur et même le droit des marques.”
ça m’inspire deux choses :
Prochaine étape : instaurer la RCP sur les bâtiments " />
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#30
Tout ce qui est dans la rue, visible depuis la rue devrait pouvoir être photographier sans se soucis du droit d’auteur/diffusion privée/…
C’est l’espace public, ca devrais être gratos et aux chiottes les artistes qui pensent que non.
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(ou alors, “les artistes”* ne mettent pas”leurs œuvres” dans le Domaine Publique !
ils se les gardent pour eux, “bien au chaud”, et SEULS ceux qui PAYENT
pourront les voir ..on verra bien : s’il ont AUTANT de succès ? )
* quand je vois ce qu’ils appellent (certaines) “œuvres”….tout le monde peut être “artiste”
au mieux, qq. milliers de pers.
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Avant de prendre votre photo et de la mettre en ligne, veuillez regarder le code civil.
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Au temps / Autant pour moi, merci de m’avoir corrigé " />
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donc en gros coller un plug anal devant le louvre étant donné que c’est temporaire, payé par nos impots, ça ne peut pas etre photographié, bravo, je sors quand ma kalach???
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On est toujours dans la logique mortifère d’un monde entièrement privatisé.
Tout devrait appartenir à quelqu’un SAUF à tout le monde (le bien public).
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Personellement, ça me dérangerait pas que le colonnes de Buren dégagent. Même pour poser ses fesses, c’est inconfortable.
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" />
#41
oui et faut bien voir que la collectivité a payé déjà bien cher “l’artiste” (ou copain de l’élu, vous l’appelez comme vous voulez) lors de la commande de l’oeuvre… donc l’artiste, c’est bon il a eu sa rémunération.
Moi je voudrais qu’on me verse des sous chaque fois qu’un utilisateur pose les yeux sur un écran d’une appli que j’ai développée/fait développée.
Pareil, faudrait que l’ouvrier de l’industrie automobile touche une com’ à chaque fois que quelqu’un pose ses fesses dans la voiture qu’il a construite!
etc… etc… ce statut d’artiste me sort par les yeux. Déjà que le statut d’intermittent du spectacle me débecte….
#42
Ne pourrait-on pas dans ce cas envisager une redevance payée par l’artiste ou les ayant-droits pour l’occupation de l’espace public ? Comme ça tout le monde serait content !
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