Le module Philae est maintenant sur sa comète depuis tout juste un an. Si la communication est interrompue depuis plusieurs mois, les retombées scientifiques sont déjà nombreuses et tout espoir n'est visiblement pas encore perdu.
Un an, cela fait tout juste un an que le module Philae est parvenu à se poser sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, alors située à 650 millions de kilomètres de la Terre. Pour l'occasion, le CNES a d'ailleurs mis en ligne une frise chronologique et nous avons décidé de faire une rapide rétrospective.
Cette aventure avait débuté il y a plus de 20 ans avec un voyage total de 6,5 milliards de kilomètres dans l'espace. Comme nous l'avions alors expliqué, l'atterrissage a été quelque peu chaotique avec plusieurs rebonds sur la surface de la comète avant que Philae ne parvienne à se stabiliser.
Ont alors commencé des heures de travaux acharnés avant que la batterie ne se vide, plongeant le petit module en hibernation en attendant des jours meilleurs lorsqu'il se rapprochera du Soleil. Pour autant, les scientifiques étaient ravis et, selon Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta/Philae au CNES, « 80 % de la science a été faite et les données ont été traitées et fournies à la communauté scientifique ».
Après un long voyage et un atterrissage mouvementé, Philae se met au travail
Les résultats scientifiques ont commencé à tomber dans les semaines et les mois qui ont suivi. La surface de la comète livrait alors ses premiers secrets : elle est « très homogène et composé de macro-molécules organiques, c'est-à-dire composées de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, un peu moins d'azote, mais d'azote. C'est en fait les quatre atomes qui forment la vie », expliquait en février dernier Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta au CNES.
I promised I’d send postcards from #67P! Here's one you might not have seen! #lifeonacomet https://t.co/i01DfLweXz pic.twitter.com/N3OlF5qcmO
— Philae Lander (@Philae2014) November 12, 2015
Mais ce n'est pas tout et l'eau était également au centre des recherches, avec une petite surprise explique le responsable du Centre national d'études spatiales : « Rosetta a découvert que l'eau de la comète est différente de l'eau sur Terre. L'hydrogène qui la compose n'est pas pareil. Cette découverte suggère un lien entre l'eau sur Terre et sur les astéroïdes plutôt qu'avec les comètes ».
Plus récemment, le CNES annonçait que des chercheurs ont apporté « la première preuve observationnelle de l’existence d’un cycle quotidien de la glace d’eau à la surface de la comète ». Les scientifiques cherchaient en effet à comprendre comment la glace d’eau est extraite du sol afin d'approvisionner la chevelure de la comète en vapeur. Il y avait bien des hypothèses, mais une « preuve » scientifique est toujours plus intéressante.
Le cycle de l'eau sur la comète 67P
Dans une publication dans la revue Nature, une équipe de chercheurs explique qu'elle a pu observer de la glace d’eau apparaître et disparaître quotidiennement sur le « cou » de la comète (la zone qui se trouve au milieu). Le CNES détaille le processus observé de la manière suivante :
« Quand la lumière du Soleil chauffe le noyau gelé d’une comète, la glace d'eau contenue dans le sol sublime. La vapeur d'eau qui en résulte s'échappe de la surface, emportant avec elle des poussières solides : ensemble, ce mélange de gaz et de poussières approvisionne la coma et la queue brillante qui rendent observables les comètes depuis la Terre [...]
Les données suggèrent que durant le jour, la glace d’eau sublime dans les premiers centimètres du sol, se transformant en gaz et migrant vers la surface. À la tombée de la nuit, la surface refroidit très rapidement ; les couches plus profondes, qui ont accumulé la chaleur solaire, refroidissent plus lentement et restent plus chaudes. La glace d’eau à quelques centimètres sous la surface continue donc de sublimer et de migrer vers la surface à travers le sol poreux. Dès que cette vapeur d’eau « souterraine » atteint la surface froide, elle gèle à nouveau, créant ainsi une pellicule de glace fraîche sur cette région.
Lorsque le Soleil se lève à nouveau sur cette région, les molécules dans la couche de glace nouvellement formée subliment immédiatement, et le cycle reprend. »
Il s'agissait d'observation faite en septembre 2014, lorsque la comète était à 500 millions de kilomètres. Depuis, elle s'est rapprochée du Soleil, ce qui augmente considérablement son activité de dégazage, accélérant les cycles de sublimation de l'eau (passage de l'état solide à de la vapeur). Les scientifiques ont donc encore des données à analyser afin d'approfondir leur étude.
La communication difficile depuis cet été
Mais au-delà de ces résultats scientifiques, ce qui pose problème pour le moment c'est le manque de communication entre Philae et Rosetta. Le module est bien muet depuis plusieurs mois...
Pourtant, mi-juin, Philae se réveille et commence à dialoguer avec Rosetta en orbite autour de la comète. Philippe Gaudon explique tout de même qu'il « n’y a rien en provenance des instruments, ils sont tous arrêtés depuis la fin de la mission scientifique initiale en novembre 2014 ».
Mais l'espoir est là : Philae s'est réveillé. La fête sera de courte durée : après « 7 brefs contacts qui se sont produits entre le 13 et le 24 juin, et alors que l’orbiteur modifie progressivement sa trajectoire depuis quelques semaines pour se rapprocher du noyau, Philae est restée obstinément silencieux lors des tentatives de communication » explique laconiquement le CNES.
Néanmoins, le 9 juillet 2015, de 19h45 à 20h05, un contact qualifié comme étant de très bonne qualité a été enregistré. « Concrètement, sur les 20 minutes, il y en a 12 d’utiles, durant lesquelles nous avons reçu des données. Il s’agit essentiellement de données relatives à la plate-forme de Philae, mais il y a également des données provenant de l’instrument CONSERT » explique le chef de mission Rosetta.
Des chances d'avoir de nouveau un contact ? « 50/50 »
Depuis, force est de constater que Philae reste muet comme une carpe. Pourtant, les conditions d'ensoleillement pourraient être favorables au module jusqu'à début novembre expliquait Philippe Gaudon.
À ce moment, Stephan Ulamec, responsable de mission à l'agence spatiale allemande, expliquait à nos confrères de l'AFP qu'il « y a vraiment d'assez bonnes chances pour que nous puissions à nouveau établir un contact avec Philae. Disons 50/50 ». Pour cela, la sonde Rosetta va se rapprocher de plus en plus de la comète, tout en restant à une altitude qui lui permet d'assurer sa sécurité. Si le contact pouvait être de nouveau noué, de nouvelles expériences scientifiques pourraient être lancées, sans que cela ne demande des heures de préparations ; quelques minutes peuvent suffire.
Dans l'absolu, tous les résultats scientifiques des données recueillies au cours des mois précédents ne sont probablement pas encore tombés, et d'autres publications seront certainement mises en ligne dans les mois qui viennent. De plus, Rosetta continue de tourner autour de la comète et, même si elle ne discute pas avec Philae, elle récupère des données et les transmet à la Terre.
Commentaires (54)
#1
Tant d’avancées et d’hypothèses scientifiques qui reposent sur une p’tite machine …
Prions pour qu’elle tourne pas sur Windows 3.1 ! " />
Sinon en sous-titre, j’aurai plutôt vu “Philae comète maison”.
#2
passionnant.
Combien de temps mettent les infos pour arriver à la terre ?
#3
le titre est étrange:
…Il y a un an, Phiale se…
c’est pas PHilaé !!!?
#4
Le débit est compris entre 5 et 20 kilobits par seconde quand cela communique.
#5
#6
C’est corrigé, merci ;)
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#8
#9
Pour le sous-titre, les Doors en avaient un parfait " />
#10
Il y a eut un excellent dossier là dessus dans le Canard PC Hardware du début d’année, qui expliquait bien les contraintes de l’espace et les solutions utilisées en terme de matos informatique (plus quelques un des plus spectaculaire loupés " />)
#11
ah ok donc c’est jouable !
Car pour contrôler un truc sur Mars il faut attendre 30 mn par ordre (environ), donc pour les “rover” : coton pour celui qui pilote à distance le truc !
#12
En référence à cela ? : http://portail.free.fr/tech-web/high-tech/6066159_20151112_l-aeroport-d-orly-victime-d-une-panne-liee-a-windows-31.html " />
#13
Actuellement c’est plutôt de l’ordre de 21-22min vu la distance terre<>mars. Mais quand la positionnement des 2 planètes est idéal, 3 petites minutes suffisent.
#14
Tu peux changer l’adresse aussi ?
(question de webmestre touché par le référencement)
#15
eh oui , j’oubliai le référentiel est en mouvement … donc là aussi il y a mouvement.
doivent être coton les calculs de trajectoire pour l’envoi de sonde etc !
Tiens par contre, savez-vous si les points de Lagrange bougent eux aussi ?
#16
Ayant une connaissance qui a travaillé pendant longtemps à la nasa, je peux vous dire que les rovers et aux satellites sont loins de tourner sous un windows ou sous un Linux. Non, en faite, tous nos satellites sont tout simplement programmé en ASM (assembleur). Bref, c’est le genre de truc qui sont optimisés au petit oignons. Les CPU sont sont extrêmement faibles mais sont blindés et travaillent en triple redondances.
Pour un petit exemple, un CPU qui embarque un satellites coûte 60K $ :p
#17
Y a l’air d’avoir pas mal de VxWorks en termes d’OS de nos jours (les programmes martiens notamment)
Dans tous les cas, il faut un OS temps réel et surtout, des performances déterministes : si un programme doit prendre 3s pour s’exécuter, il faut qu’il prenne toujours ces 3s.
Pour les CPU, Philae à un truc 16 bits à 8Mhz avec 256 ou 512 ko de RAM. (Rosetta, c’est un peu plus costaud, mais Philae a plus de contraintes). Comme quoi, c’est pas la taille qui compte " />
#18
”… Depuis, elle s’est rapprochée de la Terre” au 7eme paragraphe: il faut lire : “Depuis, elle s’est rapprochée du soleil”
Juste pour pinailler!
" />
#19
Magnifique !
#20
Ça me vends du rêve…
#21
#22
hum, réponse qui ne me satisfait …
Par rapport à l’univers : ils bougent donc ?
y’a tellement d’interaction de gravité entre les différents élément du cosmos , que je ne sais pas comment ils font leurs calculs !
#23
#24
#25
La carte contenant l’OS de Philae est doublée de mémoire.
Reste le problème du “le backup merde aussi, que fait-on ?” " />
#26
#27
#28
Merci pour l’article !
Allez, on y croit, Philae est comme moi, elle a du mal à se réveiller le matin pour aller bosser…
" />" />" />" />" />
#29
La question du langage avait été posée sur Twitter, et de mémoire, c’est de l’Ada qui a été utilisé pour programmer Philae et Rosetta.
#30
Les points Lagrange sont produits par les champs de gravité de deux corps en orbite (l’un autour de l’autre). Ils sont fixes par rapport à ce référentiel (les deux corps). Tu en déduis que vu que les deux astres bougent, les points Lagrange aussi.
C’est ce qui fait leur intérêt d’ailleurs, notamment pour le James Web Space Telescope, qu’on enverra au point L2, ce qui permettra au télescope de ne pas être gêné par la Terre et son rayonnement (Hubble par exemple orbite autour de la Terre et est donc obligé d’interrompre ses observations à chaque fois que celle-ci passe entre lui et le sujet observé). Il sera complètement immobile par rapport à la Terre (et donc orbitera avec elle), ce qui facilitera la communication l’appareil. En revanche, sa position rendra impossible toute opération de maintenance. Ils ne doivent donc surtout pas se foirer (comme avec Hubble), et le lanceur Ariane ne devra rencontrer aucun problème. :)
#31
Rosetta a découvert que l’eau de la comète est différente de l’eau sur Terre. L’hydrogène qui la compose n’est pas pareil.
C’est comme les chasseurs ? Y en a des bon et des mauvais ?
Quelqu’un peut m’expliquer comme de l’hydrogène peut être différent de l’hydrogène ? " /> (vrai question)
#32
Tiens ça permettrai d’introduire des variantes dans le porn : “Bonjour, je viens réparer la grosse sonde” " />
#33
La RAM aussi est ECC avec moult autres protections. Bon ça ne garantit pas une crasse ceci dit :)
#34
#35
#36
Il y a différents isotopes de l’hydrogène.
L’hydrogène “commun” a un noyau composé d’un proton.
Le deutérium a un noyau composé d’un proton et d’un neutron. Comme c’est le nombre de protons qui définit l’élément chimique, c’est donc aussi de l’hydrogène.
Enfin le tritium a un noyau composé d’un proton et de deux neutrons.
Si la proportion hydrogène commun/deutérium/tritium est très différente de celle qu’on a sur Terre (et il me semble que c’est le cas), on peut dire ce que n’est sans doute pas une comète de sa région d’origine qui apporté l’élément hydrogène sur Terre.
#37
Donc on devrait tous retourner sous 3.1? Ahaha " />
#38
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#40
oki, mais donc si on se place au niveau de la voie lactée (notre galaxie).
Le soleil tourne autour de Sagittarius A (trou noir du centre de notre galaxie) , donc les point de Lagrange sont mobiles si on prends ce référentiel ?
Donc points de Lagrange = immobiles si on se positionne sur notre soleil en fait ?
#41
Et sinon,rien a voir,mais on a découvert l’exoplanète la plus proche jamais observer (GJ 1132b),situer à 39 années lumière,suffisamment proche pour analyser dans le détail sa composition atmosphérique,par contre,peu de chance de trouver des p’tits gris,il fait 216°C,sa taille est de 16% plus grande que la terre,elle est donc plus proche de la configuration de Venus que de la notre.
L’avantage de sa proximité permettra d’évaluer les instruments d’observation actuelle et futur pour l’observation d’exoplanète plus lointaine. " />
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#43
Regarde la définition sur Wikipedia, mais les explications fournies jusqu’à présent m’ont parues suffisantes.
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" />
Intéressant de voir que l’orbite balaie même une sorte de ruban dans l’axe Z, plutôt important (120 000 km) en comparaison des autres tailles (X et Y).
#54
Les orbites autour des points de Lagrange sont assez atypiques (que ce soit celles des satellites artificiels ou celles des objets naturels), et pas du tout intuitives à première vue. Il y a des orbites - vues depuis le référentiel concerné - en forme d’ellipses, d’autres en forme de haricot, il y en a même en forme de fer à cheval…
Pour les satellites artificiels, faudrait demander ça aux trajectographistes qui calculent ça pour avoir plus de détails.
Mais oui, effectivement ils orbitent autour d’un point de l’espace qui ne contient aucun objet.