Big Data : une start-up française veut huiler les rouages entre les ayants droit et YouTube

Big Data : une start-up française veut huiler les rouages entre les ayants droit et YouTube

Track and claim, une solution contre les censures injustifiées sur la plateforme vidéo ?

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Marc Rees

Publié dans

Économie

08/06/2015 7 minutes
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Big Data : une start-up française veut huiler les rouages entre les ayants droit et YouTube

Nous avions déjà évoqué la cible de Transparency Rights Management. Cette start-up française croit au Big Data (ou mégadonnées) pour fluidifier les flux financiers entre sociétés de gestion collective et plateformes vidéos. Après avoir travaillé un temps avec la Sacem sur Dailymotion, celle-ci annonce, à l’occasion du MIDEM 2015, Track and Claim. Un outil taillé pour YouTube, en accord avec Google et la Performing Rights Society for Music (PRS). Jean François Bert, son fondateur et président, nous en explique les fondements.

Quelle est la vocation de Track and claim ?

Track and Claim est un outil permettant plus de transparence et d’efficacité dans la gestion des droits sur YouTube. Il se compose de deux strates. La première, le « Track », vise à pouvoir dire exactement pour chaque vidéo dans chaque pays du monde qui contrôle les droits (liées à la vidéo, l’enregistrement, la musique, etc.) et quelles sont les métadonnées attachées par les différents ayants droit ou ceux qui prétendent l’être. On peut donc savoir qui contrôle quoi sur quel territoire. Il faut savoir que toutes les déclarations faites par les ayant droits sont parfois contradictoires entre elles et donc inopérantes.

En clair parce que plusieurs ayants droit revendiquent une paternité sur une œuvre, alors qu’un seul pourrait le faire ?

Exactement. Sur la partie des droits d’auteurs par exemple, certains oublient parfois de dire que l’œuvre leur appartient, d’autres fois, plusieurs pensent que c’est à eux. Les questions sont ainsi multiples : est-ce que toutes les sociétés de gestion collective s’investissent assez dans leur mission de revendication ? Certaines ne sont-elles pas au contraire trop ambitieuses en revendiquant une paternité injustifiée ? Prenons un exemple : si la Sacem revendique 70 % d’une œuvre et que la PRS, équivalent Sacem outre-Manche, en revendique 50 %, le total incohérent fait 120 % et les ennuis commencent.

On a une idée de la volumétrie de ces incohérences ? Quelles sont les conséquences ?

Selon notre dernière estimation, il y a 35 % des vidéos qui souffrent ainsi d’un problème de sous-droits ou de sur-droits. Les conséquences sont douloureuses : il peut y avoir de longs retards de paiement, le temps que tout le monde se mette d’accord. Des droits peuvent aussi être versés aux mauvaises personnes, ou pire, rien n’est versé ni même perçu par YouTube compte tenu du blocage.

Est-ce ce genre de problème de multiple ou sous paternité qui vient emmêler les pinceaux de Content ID, lequel parfois censure injustement des atteintes à droits ?

Oui, Content ID (le système de détection des droits de YouTube, ndlr) est un simple outil de reconnaissance des contenus. Si suite à cette reconnaissance YouTube fait quelque chose de « stupide » c’est parce que des ayants droit, ou ceux qui se prétendent comme tels ont choisi de faire quelque chose de stupide. C’est une solution agnostique qui s’appuie sur les revendications des labels et des sociétés de gestion collective et les applique froidement. Quand on s’est penché sur ces problématiques, la solution a toujours été extrêmement logique : quelqu’un a, à un moment donné, décidé de bloquer ou fait une mauvaise déclaration de propriété qui a conduit YouTube à « censurer » quelque chose.

Mais qu’est-ce qui va justifier que votre entreprise va y arriver là où les sociétés de gestion collective ont échoué ?

Si vous voulez être crédible techniquement face à YouTube, il faut s’en donner les moyens. Transparency a beaucoup investi sur la technologie, le calcul Big Data et nous menons de multiples recherches et développements (R&D) sur ce thème.

Nous avons notamment développé cette année une capacité de traitement complexe des gros volumes de données unique au monde dans le cadre de notre R&D sur l’utilisation de Scalding-Cascading-Tez. Nous avons une vitesse de calcul entre 2 et 15 fois supérieure à l’état de l’art, et nous allons présenter nos résultats le 14 juillet au siège social de Twitter à San Francisco ainsi qu’à de nombreux acteurs du Big Data de la Silicon Valey.

Quelle est l’autre strate de votre projet ?

La première strate est le constat de la situation, c’est « le track ». La deuxième, le « claim », réside dans l’aide à la résolution de la situation : mettre à disposition des ayants droit des outils de veille, d’alertes en temps réel précisant les problèmes rencontrés sur telle vidéo dans tel pays, et des outils concrets pour optimiser la gestion des droits et la résolution des conflits.

A-t-on déjà une idée des conséquences financières d’une telle solution à deux étages ?

La résolution de conflits de ownership par Track and Claim aura deux conséquences : la première est que l’argent bloqué par YouTube à cause de ces conflits pourra enfin être redistribué aux bons ayants droit, et la seconde est que YouTube pourra monétiser plus de vidéos qui, actuellement, ne peuvent pas l’être dans certains pays à cause de ces problèmes de droits, et donc générer plus de revenus pour les créateurs. Tout le monde devrait y trouver son compte.

Comment s’est justement passée cette collaboration avec YouTube ? 

Il a fallu être très précautionneux et avancer pas après pas, cette collaboration étant axée sur une confiance mutuelle. Nous avons cependant réussi à nous faire former directement par YouTube à Londres où nous avons pu devenir « YouTube certified » sur la gestion de ces droits numériques. Nous avons maintenant un interlocuteur dédié chez Google qui nous permet d’avoir un quota de requête sur leur API conforme à nos process Big Data. Je pense que YouTube apprécie notre capacité à fluidifier les droits et à augmenter le nombre de vidéos monétisables.

Jean François Bert Transparency Rights Management
Crédits : Transparency Rights Management

Qui sont vos clients justement ? 

Toutes les sociétés qui postent des contenus sur YouTube, ou qui ont des droits sur ces contenus que ce soit dans la musique, l’audiovisuel ou le cinéma. Nous nous sommes concentrés jusqu’à présent sur la musique, car c’est là où l’on trouve le plus de conflits. Nous travaillons déjà avec la Sacem anglaise, la Performing Rights Society for Music (PRS). Cela leur permet vraiment d’optimiser leurs droits, mais d’autres sociétés préfèrent ne pas l’optimiser. À l’arrivée, cela fera une différence de revenus pour chaque créateur.

Les acteurs anglo-saxons semblent avoir compris beaucoup plus qu’en France à quel point ces problèmes de gestion de droits impactent négativement leurs revenus. Nous nous rendons souvent à Londres et aux États-Unis et nous venons d’ouvrir un bureau à San Francisco. Nous espérons pouvoir annoncer bientôt une belle coopération.

Mais quelles sont les autres SPRD, notamment en France, qui s’associent avec vous ?

Nous avons réalisé en 2013 une première mondiale en installant un marqueur dans le player de Dailymotion afin de pouvoir certifier l’usage réel des œuvres. Cela nous a permis de délivrer à la SACEM un reporting extrêmement précis pendant dix-huit mois.

Concernant YouTube, les différentes SPRD françaises de droits d’auteur et droits voisins nous expriment régulièrement leur intérêt fort pour une solution optimisant leur gestion des droits sur cette plateforme, mais ces sociétés ont des processus de décision très longs peu adaptés à la réalité numérique.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Quelle est la vocation de Track and claim ?

En clair parce que plusieurs ayants droit revendiquent une paternité sur une œuvre, alors qu’un seul pourrait le faire ?

On a une idée de la volumétrie de ces incohérences ? Quelles sont les conséquences ?

Est-ce ce genre de problème de multiple ou sous paternité qui vient emmêler les pinceaux de Content ID, lequel parfois censure injustement des atteintes à droits ?

Mais qu’est-ce qui va justifier que votre entreprise va y arriver là où les sociétés de gestion collective ont échoué ?

Quelle est l’autre strate de votre projet ?

A-t-on déjà une idée des conséquences financières d’une telle solution à deux étages ?

Comment s’est justement passée cette collaboration avec YouTube ? 

Qui sont vos clients justement ? 

Mais quelles sont les autres SPRD, notamment en France, qui s’associent avec vous ?

Commentaires (21)


 Vu que l’outil semble global, ça aurais une influence sur les blocages préventifs. (genre les merdes de la GEMA?)


Ca semble pas trop mal cet outil. A terme (lui ou un autre outil utilisant le même principe) il devrait même pouvoir remplacer les entreprises de gestion des droits d’auteurs … et donc forcément les AD lutteront contre <img data-src=" />


Ce point est, je crois, exposé parmi les questions ;)


En lisant le “Track and…” mes doigts se sont crispés en se remémorant la douleur <img data-src=" />

Mais non en fait <img data-src=" />









Jean-François Bert a écrit :



mais ces sociétés ont des processus de décision très longs peu adaptés à la réalité numérique.





S’il n’y avait que les processus de décision qui étaient inadaptés…







l’intro a écrit :



Cette start-up française croit au Big Data (ou mégadonnées) pour fluidifier les flux financiers entre sociétés de gestion collective et plateformes vidéos.





Ils ne sont pas à sens unique ces flux ?



Oui mais&nbsp;



&nbsp;      

&nbsp;"Qui sont vos clients&nbsp;justement ?&nbsp;






&nbsp;Toutes les sociétés qui postent des contenus sur YouTube, ou qui ont       

des droits sur ces contenus que ce soit dans la musique, l’audiovisuel

ou le cinéma."

&nbsp;

&nbsp;Entre ce qui est vendu, et ce qui est vrai, imho, y'a un gap.

&nbsp;Tous peuvent être client, mais contractuellement, ça m’étonnerais que tous soit liés avec eux.



&nbsp;

&nbsp;Y’a pas de listing exhaustif. Et en fin d’article, il est noté que nombre de pourparlers sont toujourss en cours.


Les acteurs anglo-saxons semblent avoir compris beaucoup plus qu’en France à quel point&nbsp;ces problèmes de gestion de droits impactent négativement leurs revenus. Nous nous rendons souvent à Londres et aux États-Unis et nous venons d’ouvrir un bureau à San Francisco. Nous espérons pouvoir annoncer bientôt une belle coopération.

&nbsp;

En France ils semblent surtout préférer aller pleurer dans les jupes de l’Etat et faire payer des solutions bancales aux autres (c’est à dire nous contribuables) plutôt que de réfléchir aux problèmes.

Soit ils trouveront un moyen de payer le moins possible pour obtenir ce service soit ils feront tout pour le saborder et une startup qui partira hors de France (vu ses ambitions ça ne serait pas étonnant).

&nbsp;








WereWindle a écrit :



Ils ne sont pas à sens unique ces flux ?





<img data-src=" /> Des données sur les vidéos sont envoyées par Youtube vers la AD, surtout les données de ContentID.



L’autre flux c’est les demandes de blocages/monétisation/autres que les AD renvoient à Google. Et c’est là je pense que c’est un peu le bordel, surtout quand on est pas Google (qui a les moyens de traiter ça).



Merci pour l’article, cela semble prometteur.



J’espère que cela peut réduite à termes les blocages injustifiés ou complètement abusés (comme le blocage total pour l’utilisation de 3s de musique).



les flux de données, oui mais là il est précisé “flux financiers”.



La SACEM qui donne de l’argent à un tiers, ça me semble tellement surréaliste que je pose la question <img data-src=" />


Mauvaise langue, la SACEM via Copie France donne beaucoup d’argent à titre de remboursement des indus créés par la redevance copie privée appliquée aveuglément aux professionnels, oh wait !


A voir, en effet. Je me demande, dans la résolution des droits, est ce que la personne ayant poster la vidéo à son mot à dire ou ça ne change rien pour lui et l’a dans le cul en cas de faux positif ?





Les acteurs anglo-saxons semblent avoir compris beaucoup plus qu’en France à quel point ces problèmes de gestion de droits impactent négativement leurs revenus. Nous nous rendons souvent à Londres et aux États-Unis et nous venons d’ouvrir un bureau à San Francisco. Nous espérons pouvoir annoncer bientôt une belle coopération.



Hahaha… la solution à la France est plus bête et méchante, les représentants d’ayant droit représente TOUS les ayants droits. Si tu n’es pas représenté par l’un d’entre eux, tu n’aies donc pas un ayant droit.








francois-battail a écrit :



Mauvaise langue, la SACEM via Copie France donne beaucoup d’argent à titre de remboursement des indus créés par la redevance copie privée appliquée aveuglément aux professionnels, oh wait !





bien vu <img data-src=" />



Ah. La police privée mondiale du net s’organise.



Ce “Track and Claim” rappelle furieusement “Searching Seek and destroy”.





We’re scanning the scene

In the city tonight

We’re looking for you

To start up a fight








127.0.0.1 a écrit :



Ah. La police privée mondiale du net s’organise.



Ce “Track and Claim” rappelle furieusement “Searching Seek and destroy”.







Lire …. article…. trop dur….. trop chaud…..



Une solution a priori pertinente, à voir à l’usage.



Cela ne change rien au fait que la définition même des droits d’auteur doit être revue… Une logique territorialisée sur un media mondial, quel oxymore !



Toutefois, on peut saluer la volonté de créer et développer un outil de gestion des droits adapté aux nouveaux médias mondiaux par le net comme Youtube. Souhaitons que cela fonctionne, et à suivre !


Heu… il s’agit bien d’une société privée (T.R.M) qui va traquer (track) des droits de propriétés détenus par des sociétés privées (SACEM, PRS) puis réclamer (claim) de l’argent auprès de sociétés privées (Google).



Non ?








127.0.0.1 a écrit :



Heu… il s’agit bien d’une société privée (T.R.M) qui va traquer (track) des droits de propriétés détenus par des sociétés privées (SACEM, PRS) puis réclamer (claim) de l’argent auprès de sociétés privées (Google).



Non ?







Pas exactement. Ils se placent comme intermédiaire entre par exemple YT et la SACEM (oui on prend ces 2 la pour l’exemple).



Pour YT, cela leur permet d’avoir un intermédiaire unique. Pour la SACEM, ça délègue la partie gestion des droits (et c’est donc pour ce dernier point que la SACEM se battera contre).



Pour que cela fonctionne, il faut que YT et la SACEM reconnaissent l’autorité de T.R.M sur ce sujet.



Auquel cas on aura bien créé une autorité compétente de nature privée.








127.0.0.1 a écrit :



Pour que cela fonctionne, il faut que YT et la SACEM reconnaissent l’autorité de T.R.M sur ce sujet.



Auquel cas on aura bien créé une autorité compétente de nature privée.







Pour que ça fonctionne, il faut que YT et la SACEM passe un contrat avec cette boite.



Et ce que tu appelles “autorité compétente de nature privée” ne sera rien de plus qu’une entreprise qui se pose comme intermédiaire. De plus, n’importe qu’elle autre entreprise pourrait aussi prendre ce rôle.



“Nous avons une vitesse de calcul entre 2 et 15 fois supérieure à l’état de l’art”

Et en français ? O_o’


En français “Nous avons une vitesse de calcul entre 2 et 15 fois supérieure à l’état de lard” …&nbsp;<img data-src=" />


<img data-src=" />



J’espère quand même que quelqu’un de l’équipe va se pencher sur cette question, ça m’intrigue cette histoire de cochon qui va pas assez vite…