Mozilla abandonne le combat contre les DRM. Dans une annonce faite hier soir, la directrice de la fondation, Mitchell Baker, précise que la décision est le résultat d’une nécessité dictée par le marché. Cependant, l’acceptation du standard EME du W3C représente une série de camouflets car certains aspects ont bien du mal à cadrer avec la mission que s’est donnée Mozilla.
Les EME, ce standard trouble-fête
Les EME, pour Encrypted Media Extensions, sont un standard du W3C pour normaliser la gestion des DRM par les sites web et les navigateurs. L’objectif du Consortium est d’en finir avec les plugins tiers tels que Flash et Silverlight pour que les droits numériques soient gérés au sein d’une infrastructure commune et dont le comportement est prévisible. Du moins en théorie.
Internet Explorer 11, Chrome et Safari gèrent ces EME, mais ce n’est pas le cas de Firefox. Deux points en particulier causaient un vrai problème à l’éditeur, qui a toujours milité pour les logiciels libres et un équilibre entre la protection des contenus et celle des consommateurs. Or, pour Mozilla, les EME protègent surtout les contenus, donc les entreprises qui se trouvent en arrière-plan, au détriment de l’internaute, surtout à cause d’un composant en sources fermées requis pour lire le contenu protégé.
Une décision nécessaire
Mais nécessité fait visiblement force de loi. Dans son explication publiée hier soir, la directrice Mitchell Baker indique que les EME seront pris en charge par Firefox dans une prochaine mouture. Ce qui implique pour la fondation d’annoncer publiquement qu’elle renonce au combat contre les DRM, mais qu’elle va devoir également inclure du code propriétaire et fermé au sein de Firefox. Dans le cas présent, l’éditeur indique avoir noué un partenariat avec Adobe pour obtenir le composant idoine, nommé Content Decryption Module (CDM).
Car si les EME représentant une infrastructure commune, le CDM est le lecteur proprement dit. La définition du standard au W3C impliquait que les sources de ce composant crucial soient toujours fermées, les éditeurs de contenus craignant que leurs flux puissent être piratés. Pour compenser l’arrivée de ce code fermé, Mozilla a retenu une solution hybride : le composant ne sera téléchargé que lorsqu’il sera requis, et après validation par l’utilisateur. L’ensemble fonctionnera à la manière d’un plugin manquant et dont Firefox suggère l’installation. Pour Mozilla, cela évite de fournir ce code de manière intégrée avec son navigateur.
Le code fermé ne sera pas directement intégré dans Firefox
Comme l’explique également le directeur technique de Mozilla, quelques aménagements ont été faits autour du CDM pour éviter que son comportement puisse poser des problèmes. Il sera donc isolé dans son propre espace mémoire (sandbox), sans possibilité de communiquer avec le disque dur de l’utilisateur, ni avec le réseau. Le CDM ne pourra agir que sur la page en cours. Ces efforts d’isolation se retrouvent également dans le fonctionnement du CDM qui, normalement, se sert d’une référence unique pour identifier la machine. À la place, Mozilla fournira un identifiant par site pour empêcher notamment qu’un suivi puisse être fait dans la session de navigation.
Côté Mozilla, ce combat ressemble très largement à celui contre le H.264. L’éditeur s’était largement élevé contre ce codec vidéo à cause notamment de la montagne de brevets qui l’accompagnait. Pourtant, à cause d’une utilisation toujours plus intensive de ce format, Firefox Mobile avait fini par le prendre en charge, avant que le changement ne soit répercuté sur la version classique. Le codec n’est pas directement intégré dans le code, le navigateur s’appuyant sur le système d’exploitation et son architecture multimédia.
Pression pour Mozilla, un échec pour l'EFF
Or, on peut sentir chez Mitchell Baker que la situation est équivalente : l’accumulation de la pression a fait basculer Mozilla. La problématique pour l’éditeur était dans tous les cas simple, puisqu’un refus obstiné aurait probablement conduit à une chute des parts de marché du navigateur. Baker pense en effet que les internautes suivront dans tous les cas le contenu. Si ce dernier n’est pas lisible dans Firefox mais qu’il l’est dans Internet Explorer, Safari et Chrome, la directrice estime que cela conduira une partie des utilisateurs à abandonner le panda roux. En définitive, Baker se sent incapable de faire changer seule la direction prise par l’ensemble de l’industrie et Firefox se trouvait en danger d’en faire les frais.
Mozilla va donc laisser passer la gestion des DRM au sein de Firefox, et personne au sein de l’éditeur n’est heureux de le faire. Cela n’empêche pas l’Electronic Frontier Foundation de regretter ce choix, même si elle reconnait que Mozilla ne l’a pas fait de gaité de cœur. Pour l’EFF, les EME ne changeront cependant rien au problème : tout en n’empêchant pas le piratage des contenus, ils entrainent une baisse de la sécurité pour les internautes, à cause des sources fermées.
« Défendre et promouvoir un web ouvert »
L’EFF n’est en résumé pas d’accord avec Mitchell Baker quand elle parle de nécessité car c’est justement le fait de céder à ces pressions qui change l’industrie dans une direction qui convient aux majors. Elle conclut : « Mozilla et le W3C sont tous deux des organisations dont les missions sont de défendre et de promouvoir un web ouvert. Les deux sont maintenant engagées envers un système de contrôle des contenus vu comme une violation de ces principes par de nombreux internautes. »
On remarquera enfin que la manière de procéder de Mozilla en dit long sur l’ambivalence de la situation. Car si d’un côté Mitchell Baker annonce avec force détails les raisons de cette décision, les travaux ont été menés dans le plus grand secret. La solution n’est pas prête, mais Firefox sera équipé des EME plus tard dans l’année et le partenariat avec Adobe est déjà en place. L’éditeur rappelle cependant dans une FAQ qu’il cherche toujours à mettre en place des solutions alternatives aux DRM. Cependant, d’ici à ce que lesdites alternatives puissent être mises en place, il souhaite que les utilisateurs aient le choix d’accéder aux contenus protégés.
Commentaires (145)
#1
Pour défendre et promouvoir un web ouvert fermons la porte!
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Mauvaise nouvelle (les DRM), mais on s’y attendait un peu.
Ça va être marrant de chercher des sites sans DRM. " />
Bonne nouvelle toutefois pour la disparition de Flash et consorts (mais inutile de me réjouir trop vite, c’est pas encore fini).
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Sans déconner, on peut enfin commencer à se passer de flash, qu’ils nous balancent déjà une autre techno fermée dans la tronche…
Avec ça, le web ouvert, c’est finit, tous les sites vont se cacher derrière des DRM pour garder leurs petits secrets et éviter d’afficher la source de la page, et de facto, le bloquage des pubs… " />
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ben s’ils le font pas, quand les autres en face supporteront sans problème la techno, firefox sera moins utilisé..
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On a donc un standard censé éviter l’utilisation d’un plugin tiers fermé, et au final, le composant de lecture est fermé…. ça valait le coup….
Après, la position de Mozilla se comprend, difficile de refuser d’implémenter des fonctionnalités disponibles sur d’autres navigateurs.
L’idée d’en faire un composant téléchargé à la demande après validation est un bon compromis, et ça me permettra de le refuser " />
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Après personne n’oblige à utiliser Firefox, et puis les sites avec des DRM suffit de ne pas les visiter…
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Pourquoi ce sont toujours les mêmes qui gagnent à la fin ? " />
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Triste mais évident…
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C’est triste, mais Mozilla n’avait surement pas le choix." />
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Il sera donc isolé dans son propre espace mémoire (sandbox), sans possibilité de communiquer avec le disque dur de l’utilisateur, ni avec le réseau. Le CDM ne pourra agir que sur la page en cours. Ces efforts d’isolation se retrouvent également dans le fonctionnement du CDM qui, normalement, se sert d’une référence unique pour identifier la machine. À la place, Mozilla fournira un identifiant par site pour empêcher notamment qu’un suivi puisse être fait dans la session de navigation.
On va dire que ça sauve un peu les meubles.
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C’est affligeant. Quelle trahison et quelle insulte pour ses contributeurs !
un refus obstiné aurait probablement conduit à une chute des parts de marché du navigateur.
Les parts de marché sont plus importantes que la mission que Mozilla s’est donnée…
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Je comprends mieux l’abandon de la pub sur la page “nouvel onglet”." />
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Bon, au moins, cela évitera d’avoir un FF qui ne fonctionne pas avec certains sites pour cause de DRM…
C’est vraiment dommage, mais, comme dit plus haut, j’espère que la fondation Mozilla inclura un message d’avertissement dans les prochaines versions de FF en cas d’activation de ces merdes.
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Je n’ai pas du tout suivi l’affaire, du coup quelqu’un pour m’expliquer en quoi un bout de code proprio va les protéger ? Ça finira bien par être reverse engineeré non ?
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çà me fait bien rigoler là…
Vous voulez à la fois :
Vous croyez au père Noël ou quoi ?? Si Netflix fonctionne et empêche à n’importe qui de grabber les flux sans payer c’est grâce aux DRMs. Si canal à la demande permet de télécharger des films et avoir plusieurs jours pour les regarder sans devoir streamer, c’est grâce aux DRMs.
Sans çà le service ne pourrait pas vivre. Vous voulez le beurre, l’argent du beurre et le * de la crémière.
A un moment donné faut savoir choisir hein…
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Là y’a un truc que je comprends pas.
Il y a quelques années, le W3C n’a pas pu définir de standard pour la vidéo, à cause d’une absence de consensus sur le sujet : certains voulaient tel format, d’autres un autre.
Résultat, pas de standard.
… pourquoi y a-t-il eu un standard de DRM estampillé W3C si Mozilla était contre ???
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Vu comment Adobe insiste lourdement pour installer ses merdes opaques sur tous les PC du monde, faudrait enquêter si la NSA n’a pas un bureau entier dans leurs locaux " />
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Et voici le Web 2.0, un Web DéRMisé… Elle est pas belle la vie ?
Bientôt le WEB 3.0 : avec des DRM, de la pub forcée, des débits conrôlés pour favoriser les Excellents flux vidéo, des sites triés sur le volet par le CSA, etc.
Internet devient une poubelle !
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Je croa (Comme les corbeaux) que je vais éviter au maximum les sites avec DRM … " />
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Même si c’est dommage, ne jetons pas la pierre à Mozilla. C’est le W3C qui a vraiment merdé sur ce coup là.
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Si ça peut permettre de tuer cette m* de flash player, ça sera déjà un départ." />
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J’ai rendu des CD à la FNAC à cause de protection qui empêchait de les lire sur mon PC.
J’ai arrêté d’acheter des DVD car les lire sous Linux est limite légal.
Bon bah on va continuer à pirater donc.
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Le plug-in pourra fonctionner sous Linux apparemment. C’est pas si mal.
Multiplateforme et non inclus par défaut çà le fait quand même.
M’enfin c’est vrai que dépenser pour les DRM autant s’en passer finalement. Vu que çà ne règle en rien le problème du piratage…
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Alors qu’ils accepteraient de nous louer de jolie MKV avec les sous titres , tout le monde serait content.
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c’est une cause perdue les EME…
ca sera jamais multiplateforme a 100%, y’aura des bugs chelou selon les plateforme et le EME en question sera jamais mis a jour. une fois la protection casse, elle sera casse definitivement " />
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Tiens, c’est Adobe qui dev le blob binaire?
Je sens que ça va beaucoup changer au final…
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La définition du standard au W3C impliquait que les sources de ce composant crucial soient toujours fermées, les éditeurs de contenus craignant que leurs flux puissent être piratés.
A partir du moment où c’est standardisé par le W3C, difficile d’en vouloir à Mozilla. Le problème c’est que ce standard soit passé tel quel. Même si on ne rejette pas l’utilisation des DRM, avoir un code fermé est problématique. Je ne comprends pas toutes les subtilités des DRM, mais il me semble qu’il était possible d’avoir un code ouvert et des clés cachées.
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est ce que quand un panda roux se fait sodomiser à coup de DRM c’est considéré comme de la zoophilie ? " />
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J’ai du mal à capter. La fondation Mozilla ne gagne pas d’argent. Il ne subissent pas la pression du marché et de ce fait peuvent envoyer se faire mettre pas mal de lobby.
Comment peuvent-il céder à ça ?
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Magnifique Adobe…
Pour ceux qui ont suivi par intérêt ou curiosité le cheminement - ou les faits essentiels - entourant la video sur internet (H264/5 vs toutes googleries qui s’en inspirent, Jobs qui dit fuck off flash, les internautes qui disent pareil tout en disant pareil à Jobs " /> , les app mobiles, les remous de Netflix et consorts, le W3C/T.B.Lee qui s’allonge, …), c’est quand même hallucinant comme Adobe est arrivé contre toute attente à obtenir une situation équivalente à celle à laquelle ils étaient arrivés presque par chance avec Flash… Incroyable…
La 1ère fois, le Flash d’Adobe est choisi presque par consensus des internautes, simplement parce qu’il mettait un terme à la jungle des codecs, dont ceux de streaming, et qu’il permettait de “voir la video dans la page”. Donc fin des mpg1, wmv, asf, avi, ram/rm, mov, avi etc en ligne : ceux-ci retournent dans les machines uniquement, au mieux, plus sur le net. Ceci avant Youtube donc avant 2005⁄6.
Puis tout le monde conchie flash, conforté dans cet élan par un plug-in perclus de failles dont presque seul java peut lui tenir la dragée haute en terme de dangerosité de module web…
Enfin le W3C cède, et la sorte “d’appel d’offre” sur la gestion des DRM dans les navigateurs est remportée par… Adobe.
Belle preuve de ténacité et d’opportunisme quand même… Quels seront les prochains griefs ? À suivre. Déjà, la boite est dans le Top 5 de la pratique du calling home dans tous ses softs, ça va jouer " /> (et ça a du jouer en sa faveur d’ailleurs dans le principe EME, au regard de l’implémentation dans les navigateurs.
Fidèle à elle-même, en tous cas…
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Depuis quand un drm est efficace contre un pirate, ce n’est qu’un moyen de contrôle envers l’acheteur et rien d’autre.
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L’EFF rêve debout si il croit que les contenus auraient été mis sur le net sans être sûr qu’ils soient protégés un minimum.
L’avantage maintenant, c’est que les pirates n’ont plus flash, silverlight etc… à contourner mais plus qu’un (eme) à contourner.
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Question : Tous les éditeurs de forks basés sur le code de Firefox (il en reste quelques-uns, non ?) et qui voudront (aussi) jouer jouer avec le CDM d’Adobe dans le bac à sable (pour pas perdre de parts de marché " /> ) devront-ils aussi avoir un accord avec Adobe ?
J’imagine que le code du bac à sable, tout Open Source qu’il soit, ne devra pas être modifié par un tiers sans l’aval d’Adobe ?
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Enfin bon, je dis ça comme ça, mais perso si je surfe et qu’on m’empêche d’aller où je veux, je prend une autre vague. Point. Ca voulait dire que ça n’avait aucun intérêt.
Si je me rend compte que je ne peux plus rien voir d’intéressant, alors là je prends les moyens. Je vais sur les forums où on me raconte comment faire pour voir un peu de soleil.
J’y arrive pour l’instant toujours. Même si je sais que je n’utilise pas les 3⁄4 du potentiel d’internet. Je sais qu’il existe des moyens de surfer librement. Mais tout est dans le mot “libre”. Je ne crois pas que tout le monde en ait la même définition.
L’“économie” par exemple. Tout le monde ne comprend pas économie, comme le moyen d’économiser les ressources. D’économiser nos efforts, notre consommation, de devenir sobre et finalement épicuriens.
Etre libre, pour moi, c’est ne pas avoir à me justifier d’exister. D’être pour ce que je suis au monde. Pouvoir comprendre une situation sans qu’on m’impose son point de vue de façon désagréable. Et apporter ma contribution.
La gentillesse des gens, quand elle a le droit de s’exprimer, est insoupçonnable. Se plier au bon vouloir des dieux “Marchés” n’est la preuve que d’un envoûtement au capitalisme. C’est aussi la preuve que ce n’est pas agréable.
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Oui, parce qu’on confond aussi le “nomos” avec la loi ( la lex, romaine, base de la démocratie d’empire).
En son sens premier, nomos signifie littéralement (Bailly) : “ce qui est attribué en partage”, d’où “usage, coutume”.. et en deuxième lieu, “ce qui fait force de loi” (et non pas loi).