Le W3C travaille depuis longtemps sur les Encrypted Media Extensions, un standard qui doit permettre la mise en place d’une infrastructure commune pour les DRM. En avril dernier, 27 organisations demandaient le rejet de ce futur standard. Mais coup de théâtre : c’est Tim Berners-Lee en personne, le directeur du Consortium, qui a annoncé hier l’inclusion des EME dans la nouvelle charte du groupe de travail HTML.
Les EME entrent dans le groupe de travail HTML
Dans un communiqué publié hier, l’Electronic Frontier Foundation exprime toute sa déception : le président du World Wide Web Consortium, Tim Berners-Lee, a accepté de faire de la « lecture des contenus protégés » l’un des sujets à traiter officiellement par le groupe de travail HTML. Les EME, pour Encrypted Media Extensions, pourraient ainsi faire partie du standard HTML 5.1 si le processus de validation avançait à bon rythme.
La nouvelle charte de travail a été dévoilée par Berners-Lee le 30 septembre et son contenu fait bondir l’association de défense des droits dans le monde numérique. Pour l’EFF, accepter de faire des EME un standard revient à sacraliser les DRM et à donner le signal aux éditeurs de contenus que le web peut être plié à leur volonté. Rappelons à ce propos que les EME ne sont pas des DRM en elles-mêmes, mais une infrastructure commune à laquelle les DRM devront se conformer pour être reconnus par les navigateurs.
L'EFF « très déçue »
Pour la fondation, qui se dit « très déçue », cela revient finalement à offrir le contrôle des navigateurs à des entreprises tierces. On assisterait alors à un changement profond dans la philosophie du web puisque l’utilisateur final n’aurait plus le dernier mot sur ce qu’il peut voir ou non. Une fois les EME acceptées et utilisées, il ne serait ainsi pas rare de recevoir un message d’erreur portant sur l’absence de droits pour visualiser un contenu en particulier.
L’EFF estime que le W3C franchit une étape dangereuse et que les dégâts pourraient être potentiellement nombreux. La fondation s’inquiète évidemment des changements que cela implique pour les internautes, mais également pour la réputation du Consortium lui-même, considéré depuis longtemps comme le gardien d’un web ouvert et accessible par tous.
Tout est histoire de consensus
L’association est consciente qu’au sein du W3C, il s’agit avant tout de trouver un terrain de compromis pour répondre à l’ensemble des besoins, avec d’un côté les distributeurs de contenus, et de l’autre les internautes. Car il est encore une fois question d’intérêts divergents : des sociétés telles que Netflix ne peuvent pas mettre en place des flux aisément piratables car les ayants droits n’autoriseraient plus de telles entreprises à puiser dans leurs catalogues. En somme, le W3C avait le choix entre laisser proliférer des solutions basées sur Flash, Air ou encore Silverlight, ou tenter d’harmoniser au minimum les pratiques autour d’une infrastructure ne reposant sur aucun plug-in. L’objectif des EME est en effet d’utiliser la balise vidéo du HTML5.
Pour l’EFF cependant, le consensus se fait au prix de l’indépendance et du combat mené depuis des années. En outre, il ne touche qu’à la vidéo, et il faut s’attendre à ce que d’autres éditeurs de contenus fassent pression, notamment sur l’audio et les contenus numérisés tels que les ebooks. Mais la fondation considère également que les EME ouvrent la voie à un futur restrictif qui verrait par exemple l’interdiction de la consultation des sources d’une page, la protection des polices embarquées, le blocage du téléchargement des images ou encore la récupération d’un code JavaScript.
L’EFF indique être encore membre du W3C et que le travail continuera pour faire échec à ce type de projets. L’association espère d’ailleurs que le web lui-même prendra la bonne décision, même si ce n’est pas le cas du W3C. Note en outre que la position de la Fondation est très proche de celle de Richard Stallman, que nous avons interviewé récemment. Le fondateur du projet GNU (qui a fêté ses 30 ans) n'hésitait pas à parler de « trahison » : « C’est pour cela que nous avons lancé une campagne de pression. Chacun peut aller sur le site de la FSF.org pour la soutenir. »
Commentaires (67)
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Cela voudrait dire aussi et en partie, plus de marque page ?
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L’EFF n’est pas la seule à fustiger, mort aux DRM, le web ne doit pas être transformé en minitel ! " />
Encore un grand merci aux grosses entreprises liées à ces décisions, de pourrir l’avenir de l’internet pour leur business. " />
Le W3C vient de perdre toute crédibilité…
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Hé bé, c’est donc ça la soi disant neutralité du Net qu’ils veulent mettre en place ? " />
Quelle jolie chose /sarcasme
plus sérieusement j’espère voir un backlash monstrueux se pointer.
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et donc ils proposent quoi en contrepartie, pour répondre aux problématiques citées ? Rien, restez sur flash ?
j’adore au passage, ça gueule sur “le président du World Wide Web Consortium, Tim Berners-Lee, a accepté de faire de la « lecture des contenus protégés » l’un des sujets à traiter officiellement par le groupe de travail HTML” … Ils osent vouloir aborder ces sujets, les salauds ! .. Il faut en effet absolument les en empêcher.
au passage, point neutralité décerné à italiandragon, en 3 commentaires.
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Le lobbyisme à coup de millions sera toujours le plus efficace, quoi qu’on en dise " />
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Moi je suis pour, ça ne sert à rien de mettre des bâtons dans les roues de distributeurs exprès.
Au moins, quand ça continera à ne pas marcher, ils n’iront pas dire que c’est encore la faute aux standards
ça n’empêchera pas du tout le piratage (“si c’est en clair sur mon écran, alors c’est piratable”).
En clair, gagnons du temps, ceux qui proposeront des formats faciles à lire gagneront en popularité par rapport à ceux qui essaient d’organiser artificiellement la pénurie, le contrôle, la restriction, au nom du sacro-saint “ayant droit”, c’est à dire d’énormes boîtes qui possèdent le droit de jouir de la création d’autrui.
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L’association espère d’ailleurs que le web lui-même prendra la bonne décision, même si ce n’est pas le cas du W3C.
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Le W3C, c’est pas obligatoire.
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On assisterait alors à un changement profond dans la philosophie du web puisque l’utilisateur final n’aurait plus le dernier mot sur ce qu’il peut voir ou non.
…
Mais la fondation considère également que les EME ouvrent la voie à un futur restrictif qui verrait par exemple l’interdiction de la consultation des sources d’une page,…
Des extensions comme Adblock s’appuient sur le code source des pages web non ?
Si tel est le cas, ça signifie qu’ABP pourrait être inefficace à l’avenir sur tous les sites utilisant ces nouveaux DRM ?
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Mais la fondation considère également que les EME ouvrent la voie à un futur restrictif qui verrait par exemple l’interdiction de la consultation des sources d’une page, la protection des polices embarquées, le blocage du téléchargement des images ou encore la récupération d’un code JavaScript.
Trop bien… très pratique…
Mais bon, c’est pour sauver les artistes comme Cantat et Polanski des vilains pirates qui tuent et violent. " />
Et TINA, parce que sinon c’est le domaine publique, et le domaine public, c’est l’URSS (© Nicolas Seydoux) " />
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Donc en fait l’EFF fustige le W3C de vouloir discuter du bien-fondé et des possibilités d’unifier les API des contenus protégés…
En gros chacun est dans son rôle :
Rien de nouveau sous le Soleil… " />
En espérant tout de même que les positions de l’EFF l’emportent histoire de bien emmerder les majors. " />
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Les restrictions existent déjà : restrictions géographiques, pages ouvertes aux abonnés seulement…
Le fait d’ajouter des DRM dans HTML permettra de le faire d’une seule façon et pas passer par un player différent pour chaque fournisseur.
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La neutralité du web serait donc de se rendre sourd aux besoins de certains acteurs dans le domaine ? Ce serait prendre parti ?
Qu’on le veuille ou non, le thème de la restriction d’accès au contenu ne peut pas être écarté comme par magie.
Si le W3C propose de réfléchir à une norme, c’est pour chasser de probables futurs standards qui seraient très certainement bien moins respectueux des utilisateurs.
Le W3C est probablement un peu plus au milieu de la bataille que l’EFF par ce choix.
De toute façon, nous savons tous qu’il ne faudra pas longtemps pour qu’un pareil système soit outre-passé et rendu caduque.
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“Ce contenu n’est pas disponible pour votre navigateur”
Un message qui va se généraliser, surtout pour les navigateurs open-source…
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Ceci dit, on peut se poser la question du devenir de navigateurs libres comme Firefox.
Si une telle norme finit par imposer des outils internes sous licence propriétaire (ce dont je doute, mais une pierre après l’autre… sait-on jamais), un problème pourrait se poser sur le plan légal.
Un problème qui pourrait aggraver la perte de parts de marché des Firefox face à des Chrome ou Internet Explorer qui se moquent bien de payer un million ou deux de plus.
Cela rappelle fortement la problématique des formats audio/vidéo supportés par les navigateurs aujourd’hui (aka “pas de mp3 dans Firefox”).
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Plus généralement, cette décision ramène une fois de plus à l’éternelle question du libre accès à la culture.
Tant que personne ne voudra traiter sérieusement le fond de cette question on aura droit à un incessant florilège de mesures dictatoriales et de solutions techniques aberrantes auxquelles le W3C vient d’apporter son soutien.
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Votre FAI X ne vous permet pas d’accéder à ce site (idem pour les FAI Z, W, V), par contre l’abonnement chez le FAI Y vous le permettrait
Liberté totale pour la vaseline (parmi les pharmacies G, O, Q) " />" />
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ce que les world companies on voulu créer : la télé satellite “interactive” on a vu ce que ca donnait " />
ce que les universitaires et les gens enfin libérés des contraintes ont crées : Internet
ce que les world companies voudraient récupérer : Internet
ce qu’elle vont donc détruire : leur nouvelle poule aux oeufs d’or.
de toute façon un jour on aura un internet 2.0 (un vrai) qui sera créé par tous les gens qui font l’internet d’aujourd’hui. car des techniciens pointus ils y en a des millions, des fabriquant naturels de contenus; encore plus!
il nous faudra juste reprendre le pouvoir politique mais ne sommes nous pas en democratie? ne sommes nous pas le fameux monde libre défendable à tout prix?
le loup devra enfin sortir du bois et nous comprendrons enfin qui est le véritable ennemi. car ce loup a toujours envie de plus en plus et il ne sais plus quand il est rassasié.
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Techniquement parlant, toute personne munie d’un cerveau sait qu’on ne peut pas empêcher la copie numérique de quelque oeuvre que ce soit. Si les DRM ne peuvent pas gagner, ils peuvent néanmoins faire chier le monde : combien de nos chaînes nationales utilisent ainsi des plugins proprios sur leurs sites web, qui pénalisent au final les usagers GNU/Linux ? De quel droit se permettent elles ce qu’il convient d’appeler une discrimination électronique ? Après tout, la redevance annuelle les paie bien pour produire un bien public, alors pourquoi faut-il ensuite repasser une seconde fois à la caisse pour voir ce qu’ils ont produit ? Et en plus, avec du proprio ?
Il y a 2 mois environ, j’ai jeté le plugin flash de mon Iceweasel (Firefox sous Debian), et je remarque simplement que depuis, mon navigateur tourne beaucoup plus vite. J’arrive à consulter environ 50% des videos du web - pour les autres, j’utilise chromium si vraiment la video m’intéresse, sinon je passe mon chemin. En outre, ces “CPU hogs” sont nuisibles, chiants à installer et à maintenir, et surtout non sécurisés… Et là, on touche un autre problème : pourquoi la NSA irait elle s’emmerder à introduire des virus chez vous, si elle peut vous forcer à les installer vous mêmes, de votre propre chef ? Vous croyez sérieusement que toutes ces boîtes noires sont politiquement et stratégiquement “neutres” ?
Sachant ensuite que les recommandations W3C valent pour norme au niveau des webmasters, sauf chez microsoft qui nous a fait perdre 10 ans avec son navigateur de merde, on peut considérer que M. Berners-Lee a finalement rejoint le côté obscure de la force. C’est d’autant plus dommage que s’il y avait bien une personne capable de calmer les instincts primaires de tous ces dealers de drogue, en utilisant son aura morale et mondiale, c’était ce monsieur.
L’histoire démontre donc, une fois n’est pas coutume, que la liberté n’est jamais un acquis, et que si nous voulons un internet libre et ouvert, il faut aussi penser à le défendre, en commençant par adhérer aux associations créées pour.
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