La Hadopi prône un dépôt légal à la BNF sécurisé mais sans DRM

La Hadopi prône un dépôt légal à la BNF sécurisé mais sans DRM

Exceptionnel

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

04/02/2013 7 minutes
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La Hadopi prône un dépôt légal à la BNF sécurisé mais sans DRM

Saisie l’année dernière par la Bibliothèque nationale de France, la Hadopi vient de rendre un avis dans lequel elle retient qu’il est « nécessaire » de permettre à cet établissement public de disposer, au titre de sa mission de dépôt légal, d’une version non protégée des documents qu'elle conserve. L’institution esquisse même une éventuelle réforme en ce sens, exigeant toutefois la prise en compte de certaines conditions.  

bnf

 

Depuis 1537, la BNF a pour mission de collecter au titre du dépôt légal divers documents mis à la disposition du public, à commencer par les documents imprimés. Aujourd’hui, cette mission s’étend aux documents audiovisuels tels que les DVD, aux logiciels et aux bases de données, et même aux sites Internet (voir notre dossier : Dans les coulisses du dépôt légal de l’internet).

 

Pour accomplir cette mission, la BNF bénéficie d’exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins, qui lui permettent de reproduire les documents concernés en vue de garantir leur conservation ainsi que la pérennisation de leur communication au public. Sauf que depuis plusieurs années, l’évolution des technologies rend de plus en plus difficile la mission de l’établissement public. En cause : les mesures techniques de protection (MTP, ou en anglais DRM) visant à protéger les logiciels, CD, DVD, CD-Rom, etc. de copies frauduleuses au regard du droit de la propriété intellectuelle.

 

Pourtant, pour éviter ce problème, le Code du patrimoine prévoit que les documents déposés au titre du dépôt légal soient accompagnés des « mots de passe et le cas échéant des clés d’accès aux documents protégés ». Cependant, dans la pratique, ces dispositions s’avèrent insuffisantes et ne permettent pas toujours à la BNF de profiter des exceptions auxquelles elle a droit.

 

C’est pour cette raison que l’établissement public a décidé en février 2012 de saisir la Hadopi, qui est pour mémoire également chargée d’une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection. La BNF demandait alors à la Haute autorité de lui garantir le bénéfice de ses exceptions aux droits de propriété intellectuelle, et de publier un avis qui imposerait aux déposants, « dans les cas où aucune autre solution n’aura été trouvée en accord avec ceux-ci, de lui fournir une version spécifique non protégée des documents, lorsque les MTP portent atteinte à leur conservation et à leur consultation dans le cadre du dépôt légal ».

 

avis bnf hadopi

Des versions garanties sans DRM

Le 30 janvier dernier, soit près d'un an après sa saisine, la Hadopi a finalement rendu son avis (PDF). L’institution retient dans sa décision que « les dispositions des articles R. 132-14, R. 132-22 et R. 132-23-1 du Code du patrimoine (...) ne sont, le plus souvent, pas susceptibles de permettre, dans la pratique, de remédier de façon pérenne à ces difficultés, afin de garantir les finalités du dépôt légal ». En clair : la Haute autorité considère que la législation actuelle est inefficace, au moins à long terme. « En effet, écrit la Hadopi, les codes fournis par les déposants permettent d’installer et de consulter le document dans le cadre de la protection mais non de lever cette protection ». Autrement dit, la BNF a le droit de disposer de la clé, mais ne peux pas faire sauter le verrou.

 

Le problème réside justement dans le fait que les codes fournis par les déposants ne sont pas forcément prévus pour durer dans le temps. La Hadopi relève ainsi que la BNF « est ou sera amenée, notamment, à redemander régulièrement de nouveaux codes d’accès aux éditeurs des documents déposés ». Or, une telle procédure s’avère d'après cet avis « longue, coûteuse, et surtout incertaine » : si un éditeur venait à mettre la clé sous la porte, il pourrait  en effet être difficile voir impossible d’obtenir de nouveaux codes d’accès.

 

La conclusion de la Hadopi est sans appel : « La conservation et la consultation du document sont alors compromises ou risquent de l’être dans le futur ».  

La Hadopi favorable à une réforme, à trois conditions

L’institution en vient ainsi à répondre à la question suivante : faut-il permettre à la BNF de disposer de documents numériques non protégés au titre du dépôt légal ? Oui, affirme la Hadopi. « La Haute autorité est arrivée à la conclusion qu’il serait préférable (...) que les documents numériques conservés à la BNF ne comportent pas de mesures de protection ». Cette solution serait d'ailleurs « la plus simple » pour que l’établissement public puisse reproduire sans limite les documents concernés, et les mettre à disposition dans les conditions prévues par la loi. La Hadopi considère en outre, suite à ses investigations, que cette solution serait « toujours techniquement possible ».

 

Seulement, l’avis relève que cette solution emporte certaines conséquences sur le plan juridique : « Une telle proposition reviendrait à apporter un changement à l’obligation de dépôt légal pour les documents numériques, dans la mesure où ne serait plus exigé le simple dépôt de deux des exemplaires mis à disposition du public, mais la création et le dépôt d’un nouveau document ». En effet, le dépôt légal ne concernerait plus le document originalement visé, mais celui dans sa version dépourvue de mesure technique de protection.

 

La Hadopi voit donc trois conditions cumulatives à la mise en place d’une telle réforme :

  1. Engager une réflexion relative au périmètre de cette nouvelle obligation, afin que certaines règles soient respectées (test des trois étapes de la Convention de Berne, que les charges imposées aux déposants ne leur causent pas un préjudice injustifié au regard des finalités poursuivies,...).
  2. Étudier les modalités permettant de rendre l’obligation de dépôt légal des documents numériques « aussi légère que possible, de façon à ne pas porter préjudice à la création et à l’édition françaises ». Estimant que le coût d’un document non-protégé « peut s’avérer très variable », la Hadopi esquisse plusieurs pistes : imposer le dépôt de la nouvelle version uniquement sur demande de la BNF, ou bien à partir d’un délai plus long que celui actuellement en vigueur (et qui pourrait par exemple correspondre à la période d’amortissement du produit).
  3. Assurer des contreparties de sécurité et d’accompagnement aux déposants pour lesquels le dépôt d’une version non-protégée pourrait présenter un risque important. Sont ici visées deux choses : garantir qu’un document sans verrou ne se répande pas suite à sa transmission à la BNF ; mieux informer les déposants.

La Hadopi termine donc en insistant sur le fait qu’il lui paraît « nécessaire de permettre à la BNF de disposer, au titre du dépôt légal, d’une version de ces documents numériques non protégée par des mesures techniques ». Dans l’optique d’une éventuelle réforme en ce sens, l’institution en appelle cependant à mener « des réflexions complémentaires et une large concertation ». Cet avis simple est désormais entre les mains du ministère de la Culture et de la Communication, sans pour autant avoir de force juridique contraignante. La Rue de Valois est ainsi libre de l'ignorer.

Écrit par Xavier Berne

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Introduction

Des versions garanties sans DRM

Commentaires (9)


Février 2012, il était temps ! <img data-src=" />



Quid de VLC ?


C’est cool… Paris, Paris, Paris et Paris… Et les autres?



Y a des bibliothèques partout en France; pourquoi le statut ne serait pas le même?







Sinon, on pourra télécharger de la musique sans DRM depuis le site de la BNF afin de lutter contre la fracture culturelle quand on est en province??




le Code du patrimoine prévoit que les documents … soient être accompagnés



quoi ?





la Haute autorité considère que la législation actuelle est inefficace



Pour une fois qu’ils savent de quoi ils parlent…








tAran a écrit :



Quid de VLC ?







J’ai envie de dire, quid de VLC surtout, parce que la réponse de la Hadopi sur cette question de dépôt légal est logique (répondre par la négative, ça revenait à nier une des principales missions de la BnF et ça aurait fait désordre)



Cela serait malheureux que la BnF soit la seul à avoir des documents avec drm alors que le commun des mortels peu les avoirs en 2-3 tours de torrent.



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Le très variable est très drôle mais le côté amortissement du produit est pire vu que pour un bien culturel c’est quasiment immédiat ou 70 ans après la mort de l’artiste ?








coket a écrit :



C’est cool… Paris, Paris, Paris et Paris… Et les autres?



Y a des bibliothèques partout en France; pourquoi le statut ne serait pas le même?







Boarf !

On continuera à tipiaker de plus belle dans nos vertes campagnes…

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coket a écrit :



C’est cool… Paris, Paris, Paris et Paris… Et les autres?



Y a des bibliothèques partout en France; pourquoi le statut ne serait pas le même?



Sinon, on pourra télécharger de la musique sans DRM depuis le site de la BNF afin de lutter contre la fracture culturelle quand on est en province??





La BNF, c’est la Bibliothèque Nationale de France, c’est pas une médiathèque de quartier… Tu ne peux pas demander à toutes les bibliothèques de France d’avoir une copie de tous les documents existant depuis l’origine de l’imprimerie quand même… <img data-src=" /> Là c’est de ça qu’on parle.



Après, la question de la mise à disposition se pose: il semblerait effectivement logique d’offrir un accès à ce que conserve la BNF à tous les Français, sans besoin de se déplacer physiquement jusqu’à la capitale. Le problème, c’est que ça a intérêt à être super-blindé, sinon ça revient à dire que tout part dans le domaine public le jour de sa sortie. <img data-src=" />









choukky a écrit :



Boarf !

On continuera à tipiaker de plus belle dans nos vertes campagnes…

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<img data-src=" /><img data-src=" />



Étudier les modalités permettant de rendre l’obligation de dépôt légal des documents numériques « aussi légère que possible, de façon à ne pas porter préjudice à la création et à l’édition françaises ». Estimant que le coût d’un document non-protégé « peut s’avérer très variable »,



Eh pauvre pomme, s”il existe une version protégée, c’est que l’original non protégé exstait avant <img data-src=" />