Licencié pour faute grave après avoir utilisé à des fins non-professionnelles sa messagerie électronique, Monsieur S. avait saisi les prud'hommes, puis la cour d'appel d'Orléans. Cette dernière vient d'ailleurs de rendre sa décision, que nous reproduisons ci-dessous. Les juges ont retenu que le salarié avait bien « abusé » de courriels, et n'a par conséquent pas obtenu de dommages et intérêts pour licenciement infondé.
Travaillant depuis près de neuf ans dans un bureau d’études du Loir-et-Cher, Monsieur S. est licencié fin 2008 pour faute grave. Le motif avancé par son employeur : « détournement de moyens professionnels à usage personnel ». On reprochait plus précisément à ce salarié d’avoir utilisé sa messagerie électronique professionnelle pour des choses n’ayant aucun rapport avec son travail, que ce soit avec des collègues ou des personnes extérieures à l’entreprise.
Des mails à « prétention humoristique », avec blagues et photos
Il est ainsi mis en avant par l'employeur que Monsieur S. a envoyé, lors du mois précédant son licenciement, plusieurs messages non professionnels à l’attention d’autres personnes travaillant avec lui : un jour ce sont quelques lignes pour prendre des nouvelles d’un collègue ; un peu plus tard c’est un mail contenant un fichier publicitaire de 25 pages pour des poupées gonflables avec des photos très suggestives, à l’issue duquel Monsieur S. se plaisait à commenter « c’est pas mal et ça ne braille pas » ; dans les jours suivants ce sont différents messages à « prétention humoristique », contenant blagues et/ou photos (parfois érotiques), etc.
Mais ce n’est pas tout. L’employeur de Monsieur S. lui reproche également de s’être servi de sa messagerie électronique professionnelle pour envoyer et recevoir des emails relatifs à la société dont il était le cogérant (en plus de son emploi). Or le règlement intérieur de l’entreprise interdisait clairement le travail personnel au sein de ses locaux.
Sans identification des documents « personnels », pas de correspondance privée
Estimant que ces courriers électroniques relevaient de la correspondance privée - et devaient donc être protégés à ce titre, le salarié décide de contester son licenciement devant le conseil des prud’hommes de Blois. N’ayant pas obtenu gain de cause, il se résout à faire appel de la décision de première instance, rendue le 20 novembre 2011.
Dans un arrêt en date du 29 janvier 2013, reproduit ci-dessus, la cour d’appel d’Orléans écarte d’entrée l’argument du salarié. « Les mails et fichiers contenus dans son ordinateur professionnel [de Monsieur S., ndlr] sont présumés avoir un tel caractère, sauf s’ils sont identifiés comme personnels, ce qui ici n’était pas le cas ». En effet, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer dans ces colonnes, la jurisprudence considère de manière constante qu’un salarié a droit à l’intimité de sa vie privée sur son lieu de travail (y compris sur l’outil informatique mis à disposition par son employeur) dès lors qu’il précise clairement qu’un fichier, mail ou dossier est « personnel ». Ce n’est qu’à cette condition qu’il bénéficie d’une protection juridique spécifique, conduisant à ce que son employeur ne puisse ouvrir lesdits éléments sans sa présence.
Mais ici, ce n’était pas le cas. Les magistrats ont donc retenu que l’employeur de Monsieur S. pouvait ainsi « prendre connaissance » de ses emails « et les produire comme élément de preuve ».
Une attitude abusive
Sur le fond, les juges de la cour d’appel d’Orléans ont estimé que le salarié avait « abusé, tant par la fréquence que par l’importance de certains des fichiers envoyés ». Aussi, l’intéressé a selon eux « eu une attitude particulièrement cavalière en utilisant son ordinateur pour les besoins de son activité extérieure ». Les magistrats considèrent ainsi qu’il a bel et bien utilisé sa messagerie « à des fins extérieures à son activité ».
Si les juges refusent donc d'accorder les dommages et intérêts réclamés par Monsieur S. pour licenciement infondé, ils ont cependant décidé que son employeur devrait lui verser des indemnités de licenciement. L'arrêt relève à cet égard que ces faits ne constituent pas une faute grave, mais demeurent « une cause sérieuse de licenciement ». L’entreprise est donc tenue de lui verser 2 790 euros d’indemnités de licenciement, 3 100 euros de préavis, 310 euros de congés payés afférents, ainsi que 1 200 euros au titre des frais de justice.
Commentaires (74)
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Normal, un jugement de qualité je trouve " /> ( d’après ce que j’en ai survolé et compris, après si il y a un spécialiste;.. )
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Apparemment c’est plus le fait qu’il est “abusé” plutôt que le caractère personnel des messages qui fait qu’il n’obtient pas gain de cause.
Ca après c’est la justice qui juge, elle est là pour ça.
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SI désormais on ne peut plus travailler pour une autre boite sur ses temps de travail et se mater du youporn dans un élan de partage et de cohésion d’équipe, mais où va le monde " />
Décidément la France…..
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Licencié à cause de PDFs en Fw. C’est triste…. L’informatique nous tuera tous !
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Un truc que je ne comprends pas toujours si on veut se protéger il suffit de nommer tous les dossiers de son client mail/disque avec un préfix “Personnel_” ou “Privé_” pour être protégé?
Quite à mettre les trucs pro dedans…
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Dediou heureusement que c’est la bonne entente à mon bureau parce que les mails avec les conneries style powerpoint ou 9gag y en a un paquet qui passent et sont transférés…
Après le mec qui bosse depuis sa boite pro pour son entreprise perso, effectivement c’est moyen.
Là on a surtout du mal à se rendre compte de la quantité d’emails dont on parle…
Je pense qu’il y en avait un paquet…
C’est un bon jugement je trouve, pas de dommages et intérêts mais plus de faute grave car effectivement il n’a pas non plus divulgué d’infos confidentielles…
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tant que PCI est pas filtré " />" />
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le jugement dit que la rupture sans préavis et indemnités est abusive quand même … que le motif de rupture est ok, pas la manière … Et ouais, le coup des messages concernant son autre activité professionnelle (d’ailleurs, le gars est au temps partiel thérapeutique sur ce job, mais en a un autre à coté ? ben voyons …) est plutot grossier, je sais pas si avec ses mails persos seuls auraient suffi
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Y a tous les cas de figures possibles dans cette histoire, du pauvre employé qui fait son taf mais qui se fait virer à cause de son temps partiel thérapeutique au grand glandeur professionnel qui trouve toujours une raison d’être malade.
Moralité: les ppt de cul et les chaines de l’amitié, on les lit mais on ne les transfert pas!
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et devaient donc protégés
être protégés ?
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j’ai une question par contre pour les gens calés en droit.
le jugement note le flux important de mails non professionnels recus ou envoyés.
est ce qu’il est possible qu’un nombre important de mail recus non professionnels puisse etre une faute professionnelle ?
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[personnel]
Viré pour absence de 11 caractères, les boules pour lui…
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Pas de risque pour moi, y a pas internet sur les PCs où je bosse lol…
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Bien joué Xavier, titre racoleur à la con qui a failli me causer un arrêt cardiaque ! " />" />(" />)
Avec cette formulation, je suis prêt à parier que cette news sera la plus lue de la journée.
Or au final, décision complètement argumentée, pondérée et pertinente de la part du juge vis-à-vis d’un mec qui s’est très clairement désisté de ses obligations professionnelles (au profit de son activité de cogérant).
Pour le coup chapeau Monsieur le (Madame la ?) juge. " />
EDIT : Très bonne pratique d’intégrer le texte intégral de la décision. On ne peut effectivement rêver meilleure source. " />
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OK donc c’est en grande partie à cause du fait qu’il gérait son autre activité, ce qui me parait tout à fait logique.
OUF!
j’ai eu peur, je fais tous mes scans et impressions au boulot (justificatifs, factures, signatures…). " />
ceci dit, ça pourrait entrer dans l’abus de bien social, non? " />
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Je ne vois rien à redire sur l’affaire en espèce. Le bonhomme a clairement abusé concernant l’utilisation de sa messagerie.
Cependant, maintenant avec les smartphones, on peut faire exactement la même chose mais avec sa messagerie perso !
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Elwyns a écrit :
y a des métiers qui nécessite pas d’avoir un PC ou recevoir des mails pro..
Je dois pas être très culturé comme on dit mais je vois pas de taff qui me vient à l’esprit où on a pas besoin de mail.
….Après 5 minutes d’intense reflexologie, les premières idées qui me viennent, sont: escort girl, masseuse….
Un peu d’aide SVP
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Ce qui m’étonne toujours dans ces jugements, c’est qu’ils n’intègrent pas du tout le changement d’usage des communications électroniques.
C’est devenu très naturel pour bon nombre de personnes de communiquer par mail.
Ces mails avec des blagues, c’est l’équivalent d’une blague qu’il aurait pu faire à l’oral, et là l’employeur n’aurait pas eu de preuves sans le témoignage d’un collègue que ça n’aurait pas fait rire.
Précisément ce qui me gène, c’est l’inégalité face au droit que cause le moyen de communication, si tu fais un email, tu es pisté, si tu fais autrement, comme il n’y a pas de traces, on ne fera rien.
Et l’obligation d’identification des mails et fichiers perso est d’une lourdeur infinie…
Interdire de faire des blagues au boulot, c’est quand même moche, ça n’attire pas la bonne entente, c’est une austérité à laquelle je ne pourrai jamais me soumettre.
D’autre part, il y a dans cette affaire une utilisation du temps et du matériel de l’entreprise pour son autre activité professionnelle et là je pense que ça pose problème, l’employeur ne sait plus quand son employé bosse pour lui.
Du coup, comme ce n’est pas une affaire portant uniquement sur les blagues par mail au boulot, j’espère que face à un cas où le salarié ferait juste des blagues par mail, les juges donneront raison à l’employé.
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Vu dans l’entreprise, ce genre de personne est presque à mettre dans l’équipe des trolls, des envahisseurs " /> Pas étonnant que le tribunal choisisse cela !
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En même temps, pour la correspondance perso y’a les webmails… jugement logique même si c’est malheureux pour ce pauvre M. S " />
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D’une part il est évident que les faits ne sont pas à lourde conséquence : invoquer la faute grave est assez culotté de la part de l’employeur, même si il y a clairement une gene et un abus ( le gars spam ses collegues et détourne les heures de travail pour sa propre entreprise).
D’autre part le salarié a voulu profiter des Prud’hommes généralement largement acquis à sa cause, en demandant quand même 13700€ en plus de ce qu’il lui est dû légalement si le jugement bascule en sa faveur.
Comme dans la plupart des cas c’est bien le salarié qui a gagné en ayant obtenu la requalification du licenciement (donc en touchant le préavis et un peu plus) + des indemnites bien superieures à ce que va lui couter la procédure.
Tout frais confondu l’entreprise s’en sortira avec quasiment un billet de 10k.Heureusement pour eux que le licenciement est justifié.
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Pour ma part, depuis janvier, j’ai adopté une solution radicale : j’ai ma ligne internet perso au bureau pour tout ce qui est perso, merci Sosh et Google.
Pour une utilisation perso, je ne touche plus à mon ordi de travail. Simple, efficace et radical. Et les très rares documents perso que j’envoie désormais, c’est un lien de temps à autre à ma collègue.
Sinon, dans le cas présent, c’est vrai qu’il y a de l’abus. Un catalogue de poupées gonflables en PDF… " /> Mais bon, ça devait être le glandu de première ce gars-là, et l’abus de la messagerie pro a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
L’entreprise s’est polarisée là-dessus (sachant très bien qu’ils prenaient le risque de se faire retoquer aux prud’hommes puis en appel) pour pas qu’on examine en détail le reste du dossier. Ils ont monté le dossier sur le truc le plus gros afin que le reste passe à l’arrière-plan, quitte à en être de 10 k€ de leur poche au final. Car bon, un gus pareil, il ne devait pas y avoir que la messagerie pro qui causait problème avec lui…
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Si on lit les 5 pages, on voit que le mec branlait rien et qu’en plus la société a dû recruter !
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Merci pour vos réponses sur les Jobs ne nécessitant pas de messagerie Email
Note pour plus tard: Sortir de ma bulle