Deux partenariats signés entre le ministère de la Culture et plusieurs entreprises privées au sujet de la numérisation d'oeuvres appartenant à la Bibliothèque nationale de France suscitent depuis quelques jours une vive polémique. En effet, la Rue de Valois est accusée de vouloir monétiser des oeuvres appartenant au domaine public, au détriment de l'intérêt général.
Le ministère de la Culture a annoncé cette semaine la signature de deux partenariats avec des entreprises privées, visant à la numérisation et la diffusion d’œuvres appartenant aux collections de la Bibliothèque nationale de France (BNF). S’inscrivant dans le cadre des investissements d’avenir, un premier accord a ainsi été conclu avec la société ProQuest, qui se présente comme un éditeur de bases de recherches historiques et culturelles. Il devrait conduire à la numérisation de 70 000 livres anciens datant de 1470 à 1700. Le second accord porte quant à lui sur un projet de numérisation et de valorisation d’environ 200 000 vinyles, des 78 et 33 tours. Believe Digital et Memnon Archiving Services se sont vues confier la mission de rendre accessible ces plus de 700 000 titres sur les principales plateformes de distribution musicale numérique.
Une monétisation pointée du doigt
Jusqu’ici, rien de particulièrement choquant. Sauf qu’en fin de communiqué, la Rue de Valois explique que « les revenus issus des partenariats seront réinvestis par la BnF dans de nouveaux projets de numérisation ». Autrement dit, en vertu de ces accords, les trois entreprises concernés ont dû ouvrir leur porte-monnaie, pour un montant qui n’est pas précisé. Cela en a néanmoins conduit certains à se demander ce que le ministère de la Culture avait bien pu accorder en contrepartie de cette participation financière...
Nos confères d’ActuaLitté ont ainsi fait le rapprochement avec l’extrait d’un programme de commercialisation qu’ils se sont procuré dès cet été. Selon eux, il s’agit là d’un partenariat public-privé en vertu duquel un « prestataire engage des capitaux et du matériel, et reçoit des contreparties ». Problème : les conditions de ces accords sont considérées comme relativement alarmantes. Le co-fondateur de La Quadrature du Net Philippe Aigrain a ainsi vivement déploré dans un billet de blog que le ministère de la Culture ait accordé un droit d’exploitation commerciale exclusif de dix ans à ces entreprises privées, et ce pour un patrimoine qui appartient pourtant au domaine public (de manière totale pour les livres anciens, et partielle en ce qui concerne les vinyles).
Montée au créneau afin de défendre le domaine public
Dans la foulée, l’association COMMUNIA, l'Open Knowledge Foundation France, La Quadrature du Net, Framasoft et SavoirsCom1 ont publié un communiqué commun visant à exprimer leur « plus profond désaccord » vis à vis de ces partenariats « qui privatisent l'accès numérique à une part importante de notre patrimoine culturel ». Ces organisations regrettent ainsi la « situation absurde » qui va découler de ces accords, faisant valoir que des bibliothèques universitaires ou des organismes publics de recherche vont par conséquent se retrouver « contraints et forcés, faute d'alternative, à acheter des contenus numérisés qui font partie du patrimoine culturel commun ».
D’une manière plus large, ces organisations critiquent les conditions d'accès aux oeuvres bientôt numérisées, en ce que celles-ci seront selon elles « restreintes d'une façon inadmissible par rapport aux possibilités ouvertes par la numérisation. Seule la minorité de ceux qui pourront faire le déplacement à Paris et accéder à la BnF seront en mesure de consulter ces documents, ce qui annule le principal avantage de la révolution numérique, à savoir la transmission à distance ». Elles demandent ainsi le retrait de ces partenariats ainsi que la publication immédiate du texte intégral des accords.
Contacté, le ministère de la Culture n’a pas pu nous donner plus d’informations sur le contenu de ces partenariats. La Rue de Valois a juste tenu à préciser que « le but de la filiale n'est pas de faire des bénéfices mais d'investir ses revenus dans les programmes de numérisation annoncés ou futurs ».
Commentaires (77)
#1
D’une manière plus large, ces organisations critiquent les conditions d’accès aux oeuvres bientôt numérisées, en ce que celles-ci seront selon elles « restreintes d’une façon inadmissible par rapport aux possibilités ouvertes par la numérisation. Seule la minorité de ceux qui pourront faire le déplacement à Paris et accéder à la BnF seront en mesure de consulter ces documents, ce qui annule le principal avantage de la révolution numérique, à savoir la transmission à distance ». Elles demandent ainsi le retrait de ces partenariats ainsi que la publication immédiate du texte intégral des accords.
c’est purement fantastique ! " />
tout le monde sait qu’il n’y a que Paris en France, je me demande pourquoi le pays n’a pas été rebaptisé depuis le temps. " />
et là ou ça tient du génie c’est nous faire repayer un accès a des livres qui est normalement gratuit, j’adore ! " />
ils s’entrainent pour l’émission “La France a un incroyable talent ” ?
#2
Bordel, le milieu des “affaires” de la culture est vraiment un des milieux les plus pourris, c’est dingue ça. " />
#3
Comment rendre la culture néfaste pour le peuple ? Et bien ça en prend le chemin et ils rouspètent déjà que le CD, DVD, BR, Autos, Bistrots, l’industrie, etc vont mal. Il faut encore alourdir la culture d’un nouveau service. " /> avec un portefeuille qui s’amenuise (mais continuez) " />
#4
Ils ont bon dos après de nous parler de l’exception culturelle française.
Putains de crevars !
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#5
Perso, je ne suis pas étonné d’une facturation de services, même du domaine public entre mêmes organismes, publics ou privés..
Ça a toujours existé, non ?
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De toute façon, accuser un organisme mafieux de tous les maux est toujours fondé. (même sans preuves) " />
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Le problème, c’est la durée accordée à l’exploitation commerciale, et le cout d’accès qui pourra en découler. Qu’ils essaient d’amortir le cout de numérisation et de distribution initiale, à la rigueur je comprendrais. 1à ans, ça me parait beaucoup trop. Entre 2 et 3 ans pour une œuvre qui normalement ne coute plus rien, c’est largement suffisant (déjà trop à la limite, étant donné le principe de domaine public).
Mais je sens bien qu’on va se retrouver avec des tarifs proches des sorties récentes, et sans tue de vaseline offert !
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On peut également souligné l’initiative de ce tumblr http://lesprofsdisentledomainepublic.tumblr.com/ lancé par lyclic, qui cette fois donne la parole aux professeurs.
Les oeuvres dans le domaine public ont un intérêt fondamental dans l’enseignement, que cette tentative de monétisation remet en cause. A tous les profs, n’hésitez pas à témoigner!
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Oups, doublon, merci les serveurs occupés :)
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Ça aurait pu être pire avec un gouvernement de droite ! " />
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En gros, ils ont vendu quelque chose qui ne leur appartenait pas.
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« le but de la filiale n’est pas de faire des bénéfices mais d’investir ses revenus dans les programmes de numérisation annoncés ou futurs ».
OK, mais nous attendons des précisions ! " />
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Le domaine public, l’intérêt général…
Des notions de crypto-staliniens rétrogrades tout ça.
On n’est plus au XXème siècle, c’est fini ces conneries. " />
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Les PPP ont le sait très bien c’est pour obtenir un monopole sur un marché d’Etat et faire de gros bénéfices sur le dos des contribuables.
Ce type de contrat devrait illégal…
" />
Notons la phrase : droit d’exploitation commerciale exclusif.
Donc si un des prestataires s’aperçoit qu’une des oeuvres n’attire pas assez de publique (donc pas rentable) il aura la droit d’en suspendre la diffusion pendant 10 ans…
" />
Vive la France !
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La guerre au gratuit???
Je comprend plus trop bien là. " />
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lUne toile restaurée du domaine public du jour au lendemain redevenir payante, alors que l’ancienne version en image est utilisée sur des affichages publicitaires " />
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C’est quand qu’on ferme le CSA, Hadopi, le ministère de la culture, CNC, SACEM, SNEP?
On fera beaucoup d’économie financièrement, de corruption, censure et en plus la culture ne sera plus politisée. La culture n’a pas besoin de la politique pour s’exprimer.
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Pas mal le socialisme culturel! donner l’exclusivité d’exploitation de celui-ci à des partenaires privés du domaine public, du patrimoine culturel immatériel à quelques individus… fallait le faire! On va bien leur trouver une mission d’intérêt général à ces généreux bienfaiteur privés qui finance la restauration du patrimoine immatériel pour leur permettre de faire tranquillement des bénéfices exorbitants , qui dépassent l’imagination…
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” le ministère de la Culture ait accordé un droit d’exploitation commerciale exclusif de dix ans à ces entreprises privées, et ce pour un patrimoine qui appartient pourtant au domaine public”
Qu’ils rayent “exclusif” et que la BNF ne débourse ni ne touche rien me semblerait plus normal. Après tout, n’importe qui peut tenter de faire du fric à partir du domaine public (ou du bien commun).
Je m’explique :
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Avec un partenariat exclusif (encore un point commun avec JSTOR), les partenaires privés auront un deal suffisamment juteux pour arroser la BnF, le ministère de la culture et je ne sais qui d’autre.
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Le prix du papier et un petit pourcentage, ça pourrait aller quand-même ? " /> (pour les livres , bien sûr)
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Monétiser le domaine public n’est pas une nouveauté que je sache… Ils se réveillent seulement aujourd’hui?
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C’est comme les autoroutes, après le remboursement des investissements, tout sera gratuit.
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Tout se vend, tout s’achète !
A vot’ bon coeur messieurs-dames pour sauver la république (numérique) !
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doubon, a effacer, merci " /> *
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En gros c’est comme si moi, j’avais décidé de vendre la voiture de mon voisin.
De plus en plus pourris ces technocrates !
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…
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Après le suicide de Aaron Swartz, ça allait forcément pas passer inaperçu ce genre de connerie…
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Faudrait que je pense à faire payer les documents que j’ai récupéré sur Gallica et que je transforme en Epub ^^;
Ca me fera de l’argent de poche ^^;
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Surtout, sur quelles bases juridiques les sociétés privées ont pu obtenir 10 ans d’exclusivité ? Les œuvres sont dans le domaine public, et la numérisation n’a pas de caractère créatif et donc n’engendre pas de droit d’auteur.
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C’est du social libéralisme à la PS
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Qu’il y ait monétisation du service rendu, pourquoi pas, ça me semble juste. Mais que le ministère de la Culture ait accordé un droit d’exploitation commerciale exclusif de dix ans à ces entreprises privées c’est " />
Est ce que l’auteur de la news peut préciser ce point ? Pour moi, ça ne veut rien dire car on ne sait pas si la Culture c’est attribué le droits d’exploitation des oeuvres. C’est très différent!
Soit le partenariat abouti à l’exploitation d’un service (numérisation, OCR, indexation, stockage, etc) et c’est normal OU le partenariat abouti à la cession de droits que le ministère ne possède pas et le public aura interdiction de consulter les oeuvres autrement que le par le service géré par l’entreprise.
Je pense que l’article est volontairement alarmiste ; car je suis certain que c’est le service qui sera monétisé et que le domaine publique conservé.
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Est ce que PC Inpact à lu le document en question? Il y a d’autre infos croustillante dedans notamment en ce qui la distribution commerciales des oeuvres. Mais ce qui me chagrine c’est le document est très incomplet et l’extrait fournit est libre d’interprétation.
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C’est pour voir le 61# " />
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Le Ministère de la culture commence à nous lasser =
Soutient aux vampires “Ayant droits” et HADOPIR
Maintenant on vent le patrimoine !!!!
Basta !
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Excellent article, merci. Faut-il s’étonner de ce qui vient de Filipet’?
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La Rue de Valois a juste tenu à préciser que « le but de la filiale n’est pas de faire des bénéfices mais d’investir ses revenus (…)
Ouais c’est bien le problème, ils veulent faire payer l’accès au domaine public…. z’ont rien compris ou quoi ? " />
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#71
Personnellement sur le principe ça ne me choque pas plus que ça, après faut voir si les prix en jeu ne sont pas aberrants.
Actuellement, le seul moyen de consulter les documents est de se rendre sur place. Et vu la rareté et la probable fragilité des œuvres en question, j’imagine que la consultation ne doit pas être simple.
Numériser tout ça va demander des heures et des heures de travail minutieux, donc à moins de trouver des bénévoles qui savent un minimum ce qu’ils font, je ne trouve pas choquant que des professionnels soient rémunérés pour ce travail. Après il y a le choix du mode de rémunération : soit directement sur nos impôts, soit sur les futurs consommateurs du produit final, pendant un temps limité.
S’il suffisait d’un claquement de doigt pour numériser tout ça, je crierai aussi au scandale, mais ce n’est pas le cas.
Pour info, c’est le même principe avec une traduction/interprétation/publication d’œuvre tombée dans le domaine public, il faut payer les personnes qui font le boulot : l’orchestre qui interprète les musiques de Beethoven et les ingénieurs son qui enregistrent, le traducteur de Lovecraft, les boîtes qui impriment, transportent et vendent les CDs/Livres ou les mettent à disposition sur le net.
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Doublon, désolé
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Si le socialisme est la voie du communisme, le parti socialiste est la voie du communisme privé !
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