France Mobile : la nouvelle tentative de l'État pour réconcilier élus locaux et opérateurs

France Mobile : la nouvelle tentative de l’État pour réconcilier élus locaux et opérateurs

Prendre les opérateurs par la main

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Guénaël Pépin

Publié dans

Société numérique

13/10/2016 8 minutes
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France Mobile : la nouvelle tentative de l'État pour réconcilier élus locaux et opérateurs

L'État a présenté France Mobile, un futur programme pour améliorer la communication et les remontées de problèmes sur le réseau mobile en campagne et en montagne. Une plateforme en ligne doit notamment être mise en place pour cataloguer les problèmes, alors que les opérateurs peinent déjà à respecter leurs obligations de couverture.

Le gouvernement multiplie les initiatives sur les questions de couverture, quitte à prendre les opérateurs par la main. Axelle Lemaire a annoncé la future création de France Mobile, un programme de concertation et une plateforme en ligne destinés aux élus, pour signaler les divers soucis de couverture mobile en zone rurale. Le but : créer un dialogue formalisé et « transparent » entre élus et opérateurs, qui manquait jusqu'ici sur ces questions, selon Bercy.

Concrètement, il s'agit de collecter et traiter les problèmes des réseaux mobiles, via une méthode sur laquelle collectivités et groupes télécom se sont mis d'accord, sous l'habituelle houlette de l'État. Le dispositif doit « apporter une réponse à la hauteur des enjeux de couverture pour nos concitoyens », dont il n'est pas dit s'ils contribueront directement aux remontées.

En clair, le programme doit traiter une question qui a été largement délaissée ces dernières années au profit de celle du très haut débit fixe, de l'aveu même d'Axelle Lemaire. Une situation qui alertait notamment beaucoup les parlementaires l'an dernier, prompts à questionner ministres et régulateur sur le déséquilibre entre annonces de couverture et réalité.

Un dialogue à créer entre élus et opérateurs

Cette nouvelle incursion du gouvernement, avec lequel les opérateurs ont des discussions constantes, doit donc aider ces entreprises et les élus locaux à se coordonner sur toute la France. À lire le communiqué de Bercy, ce dialogue était jusqu'ici une chimère. « Les élus locaux étant souvent laissés sans interlocuteur » en cas de souci de réception du réseau mobile, écrit ainsi le ministère de l'Économie.

Le gouvernement compte donc créer « une enceinte de dialogue » entre les opérateurs et les élus (dont les préfets de région) sur la couverture mobile. Les Commissions régionales d’aménagement numérique des territoires, notamment en charge de coordonner le déploiement du très haut débit, verront donc leurs missions étendues sur le mobile. Localement, des référents dédiés dans les préfectures et chez les opérateurs seront mis en place localement, quand un comité de concertation national « France Mobile » devra être créé.

Deuxième défi : en finir avec l'« incapacité » des élus et habitants à faire remonter les problèmes de couverture aux opérateurs. Désormais, les premiers devront pouvoir passer par une plateforme France Mobile, pour signaler les soucis et définir les priorités ; cela avec réponse des opérateurs sollicités via la plateforme elle-même.

Enfin, l'État veut régler la difficulté à  « mobiliser l’investissement public là où il est le plus utile ». Quand les opérateurs n'auront pas couvert eux-mêmes une zone, l'État et la collectivité leur offriront le pylône où poser des antennes mutualisées, avec obligation de couvrir la zone... Même même si les pylônes déjà prévus ont pris un sérieux retard.

L'ARCEP nous expliquait que ce dispositif d'État, qui fournit l'infrastructure passive dans les zones oubliées, n'est pas tant un cadeau qu'une pression sur les opérateurs, qui doivent avoir la même couverture que leurs concurrents à l'endroit concerné. En clair, ils ne peuvent plus s'y différencier par le réseau. Il reste que si ces zones n'ont pas encore été couvertes, il est probable que les opérateurs s'inquiètent peu de s'y différencier commercialement.

Des détails à définir et un désintérêt à compenser

Si les grandes lignes sont définies, « les travaux vont se poursuivre activement pour préciser les modalités de mise en œuvre, et évaluer en continu le dispositif et ses voies d’amélioration ». Il ne faudra donc pas attendre une mise en place avant plusieurs mois, au moins le temps que les représentants des collectivités et des opérateurs se mettent d'accord sur les détails du système.

Dans l'absolu, France Mobile doit construire « un dispositif pérenne et respectueux des intérêts de chacune des parties prenantes », avec lesquels le gouvernement a récemment échangé. Il faudra voir quels volumes de remontées engendrera ce futur dispositif.

En fait, le programme reste fondamentalement dans l'idée que le problème principal est celui de la communication entre opérateurs et élus locaux, et non le désintérêt des premiers pour les seconds. Pourtant, les retards récurrents (et encore très récents) sur la couverture mobile de ces zones rurales pointent clairement vers ce désintérêt, que seules les mises en demeure du régulateur semblent concrètement dissiper.

Des engagements peu respectés sur la couverture rurale

Résumons rapidement. L'an dernier, l'Etat s'est associé aux opérateurs pour enfin en finir avec les zones blanches, via un accord sous pression. Pour s'assurer de leur bonne coopération, Bercy a introduit de nouveaux pouvoirs de sanction à l'ARCEP sur le sujet dans la loi Macron, adoptée en août 2015. Il faut dire que ce programme en suit d'autres, notamment en 2003 et 2009, qui ont laissé un reliquat important dans les zones les plus reculées, sans sanction de l'État.

D'ici la fin de l'année, l'ensemble des centres-bourgs français doivent être couverts en 2G, via des antennes mutualisées, posées sur des pylônes financés par l'État (à hauteur de 80 millions d'euros)... En plus de 1 300 sites hors centres-bourgs. Ces derniers doivent ensuite être couverts en 3G à la mi-2017. La sélection des zones à couvrir (en deux vagues) a lui-même été une bataille entre collectivités. Pour faire avancer les opérateurs sur le sujet, l'État a donc une carotte (le financement des pylônes) et des bâtons (sanctions de l'ARCEP et prise en main des zones non-couvertes).

Las, le nouvel observatoire de l'ARCEP sur le sujet montre un retard récurrent des opérateurs sur leurs engagements de couverture. Orange et SFR ont d'ailleurs écopé de sanctions financières (de 27 000 et 380 000 euros) pour ne pas avoir couvert l'ensemble des centres-bourgs dont ils avaient la charge au 1er janvier dernier. Cela après une mise en demeure en 2015 sur le sujet. Les zones ont été couvertes plusieurs mois plus tard, trop tard même.

Sur la 4G, les opérateurs disposant de fréquences 800 MHz (tous sauf Free Mobile) doivent avoir couvert 40 % de la population rurale sur ces bandes d'ici janvier 2017. L'ARCEP a mis en demeure Bouygues Telecom et SFR de respecter les délais, sachant que leur couverture de ces zones a débutée il y a un an à peine. Les deux opérateurs sont donc dans une phase massive de rattrapage, face à Orange qui est, lui, bien en avance sur ses obligations.

Un complément à une application pour le réseau téléphonique fixe

Il reste aussi la question de l'État, qui tarde à fournir les pylônes pour la couverture 2G des centres-bourgs en zone blanche. Un retard qui concerne l'immense majorité des centres-bourgs encore à couvrir, et mènera très sûrement à reporter la couverture 2G des zones blanches, sans recours envers les opérateurs. Ces derniers doivent avant tout poser leurs antennes dans les six mois après fourniture du pylône. D'ailleurs, l'État compterait se désengager de la maitrise d'ouvrage sur ce projet, pour les laisser aux collectivités elles-mêmes. Un comportement qui aurait déjà contribué au fiasco des premiers programmes « zones blanches ».

Ce programme sur le mobile rappelle beaucoup les initiatives d'Orange sur le service universel, en clair l'entretien du réseau téléphonique fixe. Après avoir été épinglé suite à de très mauvais indicateurs en 2013, l'opérateur historique a pris toute une série de mesures pour améliorer la remontée des problèmes locaux, dont une application pour que les élus puissent signaler précisément les problèmes de réseau qu'ils constatent. Sur le sujet, la loi Numérique amène de nouvelles obligations pour le prochain responsable du service universel, sûrement encore Orange, pour éviter que des manquements ne se répètent.

Écrit par Guénaël Pépin

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Un dialogue à créer entre élus et opérateurs

Des détails à définir et un désintérêt à compenser

Des engagements peu respectés sur la couverture rurale

Un complément à une application pour le réseau téléphonique fixe

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Commentaires (4)


“D’ailleurs, l’État compterait se désengager de la maitrise d’ouvrage sur ce projet, pour les laisser aux collectivités elles-mêmes. Un comportement qui aurait déjà contribué au fiasco des premiers programmes « zones blanches ».”

C’est bien, comme cela chaque collectivité se paie les peaux de bananes, doit découvrir la maitrise d’ouvrage associée, n’aura qu’un tarif unitaire plutôt qu’un tarif de gros. GG l’Etat !




l’État a donc une carotte (le financement des pylônes)



L’État s’était surtout engagé à financer les supports d’emprise et à y poser les pylônes que les opérateurs attendent toujours.



Et maintenant on apprend qu’il veut se désengager : il y a vraiment des tocards en haut de la pyramide politico-bureaucratique. <img data-src=" />


J’ai la nette impression qu’il y a une relation entre la consolidation de la couverture réseau en France, la 4G et le développement de la 4G fixe pour compenser la fibre et accélérer le plan France Très Haut Débit…



Mais j’suis peut être parano <img data-src=" />


Ce serait drôle si ce n’était pas pathétique. Tout dans la com’ et annulation des engagements contractuels. Si les opérateurs avaient vraiment besoin de ces pylônes, ils attaqueraient l’exécutif devant la justice administrative (tribunal administratif - Conseil d’État).