Actuellement examinée au Sénat, la proposition de loi sur la réforme de la prescription en matière pénale est une belle occasion pour asséner un autre tour de vis sur la prescription de la loi de 1881. Un texte sur la liberté de la presse qui concerne également la liberté d’expression.
Dans le cadre du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté, trois sénateurs – François Pillet (LR), Thani Mohamed Soilihi et Alain Richard (PS), ont souhaité modifier les délais de prescription des actions en diffamations et injures commises en ligne. Concrètement, le point de départ du délai de droit commun de trois mois ne serait plus figé à la date de publication, mais à celle du retrait du contenu en ligne.
Dit autrement, une telle action serait toujours possible contre un internaute, même des années après que celui-ci a déversé quelques noms d’oiseaux sur Facebook par exemple.
La gronde d'une ribambelle de sociétés de journalistes
Évidemment, la mesure a soulevé l’opposition de plusieurs titres (le Figaro, Le Monde, Les Échos, Libération, L'Humanité, Médiapart, Le Point, L'Express, Télérama, L'Obs, TF1, France 2, France 3, BFM, i-Télé/Canal+, France 24, Europe 1, Radio France, RTL, Capa, Premières lignes, Alternatives économiques, l'AEF, Bastamag, agence TV Presse Productions) : « sur le support Internet, ces infractions deviendraient, de fait, imprescriptibles, au même titre que les crimes contre l'humanité. Ainsi, les contenus audiovisuels rediffusés ou disponibles conjointement en ligne (podcasts, replays, etc.), pourront être poursuivis indéfiniment, ce qui introduit une discrimination manifeste entre les médias et les supports » (voir la tribune cosignée par 25 sociétés de journalistes).
Un détail passé sous silence : ces dispositions ne concernent pas que la presse mais également Mme et M. Tout-le-monde puisque la loi de 1881 régit la liberté d’expression dans son ensemble.
Extension de trois mois à un an de la prescription des infractions de presse en ligne
La colère va être sans doute plus vive : dans le cadre de la proposition de loi sur la réforme de la prescription en matière pénale, le sénateur François Pillet compte pousser plus loin encore ce tour de vis. Dans un amendement présenté ce matin dans les couloirs du Sénat, il propose d’étendre la prescription de l’action publique et de l’action civile à... un an. Une idée puisée dans un rapport présenté cet été au Sénat sur la loi de 1881 à l'heure d'Internet.
Ce délai ne concernerait que les infractions commises en ligne, non celles publiées sur un journal papier par exemple. Cette disposition viendrait évidemment se cumuler avec la règle du point de départ actuellement débattu. « Un délai de prescription de trois mois apparaît aujourd’hui insuffisant pour permettre aux victimes de constater l’infraction, d’identifier l’auteur et de mettre en mouvement l’action publique, explique l'explosé des motifs. Or si la prescription est de trois mois, l’infraction est néanmoins susceptible de produire ces effets pendant des années ».
Pour justifier la différence de traitement entre le papier et l’électronique, François Pillet utilise l’argument de l’infraction d'apologie des crimes contre l’humanité, laquelle fait effectivement l’objet d’une prescription annuelle. Ainsi, il juge « indéniable qu’un délit de diffamation, d’injure ou d’apologie de crimes contre l’humanité commis sur Internet reste plus longtemps accessible et justifie une prescription allongée ».
Si on suit cette comparaison, sur le terrain de la prescription, soutenir en substance qu’« Hitler n’a pas tué assez de juifs », ou traiter sur Twitter un parlementaire d' « ignoble abruti décérébré » devrait obéir au même régime.
Commentaires (37)
#1
Nos élus n’aiment clairement pas la liberté d’expression. Tout ce qui ne les caresse pas dans le sens du poil est considéré comme un abus de ce droit.
#2
On est dejà vendredi?
#3
Lundi … et un jour de moins sur une semaine qui en compte 7.
#4
C’est moi ou le sénateur estime qu’une insulte est aussi grave que d’apologie de crime contre l’humanité.
Perso je me sens insulté par sa propositionj’ai le droit de le poursuivre ? " />
#5
De la poudre aux yeux. J’ai porté plainte contre un élève qui m’avait insulté sur Twitter, avec une photo de moi partagée prise dans la cour de récréation et aucune suite, même en demandant ce que cela devenait 6 mois après… et cela fait 2 ans maintenant. La police n’intervient pas pour ce genre de choses, j’ai perdu mon temps…
#6
Mais puisqu’on te dit que l’insulte et la diffamation c’est de la liberté d’expression !!
Tu sais cette fameuse liberté qu’on met à toutes les sauces et qu’on va finir par perdre à cause de ceux qui s’en serve pour justifier leur diarrhée verbale ou écrite… " />
#7
Est ce que ça comptera aussi pour les députés lorsqu’ils diffament un juge sur Twitter (Haino)?
#8
Cela veut dire que les journalistes vont enfin dater leurs articles en ligne ?
#9
C’est terrifiant cette incompréhension, ils comparent une publication (donc livre ou presse) diffamante à n’importe quel forum inconnu.
L’argument c’est que si c’est accessible à tous, la portée de la diffamation est infinie, donc on devient infiniment coupable.
D’autant plus que le fonctionnement d’internet entièrement écrit/enregistré fait que tout reste et que l’on peut devenir coupable pour ce qui s’apparente à une discussion de piliers de comptoirs ! Vivement qu’ils mettent des micros dans les bars (ce qui revient au tout enregistré d’internet) pour poursuivre tout ce qui se dit de mal sur les hommes politiques, ça va faire perdre beaucoup du temps trop précieux de notre justice…
#10
Est-ce que nommer ‘sauvageons’ des assassins qui essaient de brûler vifs deux représentants des forces de l’ordre dans leur voiture de service peut être considéré comme une injure ?
#11
Sinon, on en est où sur la retenue sur indemnités pour les sénateurs qui poussent un roupillon ou qui s’absentent de l’hémicycle ?
#12
Les sénateurs, tous des salauds corrompus." />
1 an, top chrono. " />
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#14
J’espère qu’ils vont interdire TPMP et les émissions de télé-réalité. C’est d’une vulgarité.
" />
#15
Toi, tu sais pas ce qu’est un sauvageon " />
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#18
n’empêche que s’ils commencent par les commentaires de yahoo avant de lire le tien, avec un an tu es laaaaaaarge " />
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#22
”… ou traiter sur Twitter un parlementaire d’ « ignoble abruti décérébré » devrait obéir au même régime.”
Ce qui sous entends que certains parlementaires ont un cerveau, et ça, c’est quand même l’exception … " />
#23
ben alors, il est est ou le vilain FN privateur des libertés là ? Des gens bien ces PS, LR … Des gens biens ces mecs là.
#24
La mise au pas de la presse et de la société continue… remarque comme ça nos gouvernants et autres lobbies peuvent continuer leurs magouilles en toute discrétion, tout comme leur vol du contribuable aussi nommé évasion fiscale…
#25
Que le délai des prescription soit allongé ça ne me choque pas perso (même si 1 an ça fait beaucoup).
Par contre, classer tout ça de la même façon que l’apologie de crimes contre l’humanité…
Un moyen de donner du lest face au texte d’origine, tout en muselant toujours plus la liberté d’expression.
De la poudre sénatoriale dans les yeux en quelque sorte…
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#27
Un bon point godwin pour ce collabo de député !
" />
#28
ça devrait être 3 ans comme pour la prescription des violences physiques.
#29
le sénat ? elle existe encore cette maison de retraite pour politiciens ?
Il faudra détruire ce Sénat, ou en tout cas le transformer, ce sera la première chose à faire.
— Charles de Gaulle — 2 octobre 1962
#30
Il y a quand même un truc que je me demande par rapport à la prescription qui démarre à partir du retrait du contenu.
Si le contenu est répliqué (automatiquement, comme sur archive.org), mais que l’auteur a supprimé son message/post/tweet injurieux, qu’est ce qu’il se passe?
L’auteur est poursuivable? Le répliquant? Les 2? Obi-wan Kenobi?
Et la date de prescription part de quand? Retrait du contenu? Retrait du réplicat?
#31
#32
Alors suffit de changer de point de vue pour en conclure: “les Français sont des “bourgeons” greffés à l’arbre Terre, et que comme cela a été mal fait, certains sont partis en sucette” " />
#33
C’est pas mon point de vue, je rapporte un fait " />
#34
Il n’y a qu’une chose à dire dans ce cas là :
ce sénateur est vraiment qu’un “ignoble abruti décérébré”
et pourquoi pas un an de prison pour les sénateurs qui proposent des lois portant atteinte à la liberté d’expression.
il y a un temps pas si loin ou ces gens là se faisaient guillotiner….
#35
Vazy lui !
On commence comme ça et on finit par exiger un casier vierge des élus (ou, en tous cas, exiger que leurs condamnations n’aient pas de lien avec les sous publics et la corruption).
Liberticide !
#36
Quand je pense qu’ils se vantaient il y a un an et demi guère plus d’être charlie…
#37
pas besoin justement, je la vois deja sous es étiquettes “divers”.