Vodkaster abandonne son service de DVD, licencie, mais veut rebondir

Vodkaster abandonne son service de DVD, licencie, mais veut rebondir

Justice sauvage

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Guénaël Pépin

Publié dans

Internet

24/06/2016 7 minutes
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Vodkaster abandonne son service de DVD, licencie, mais veut rebondir

Après avoir supprimé la revente de DVD d'occasion, Vodkaster arrête définitivement leur lecture à distance. Selon l'entreprise, cette décision vient d'un « étouffement » de la part des studios, qui a forcé l'entreprise à changer de stratégie. Vodkaster redevient donc un réseau social, avec une nouvelle activité B2B en approche. 

« Ce qui me peine, c'est de devoir me séparer de super collaborateurs et qu'on n'ait pas réussi à faire bouger suffisamment les lignes de l'offre légale » nous confiait hier soir Cyril Barthet. Le patron de Vodkaster encaisse le coup de l'arrêt de son activité DVD et des nombreux licenciements qui vont suivre. Dans un billet de blog, l'entreprise explique qu'elle ne permettra plus à ses clients de lire des DVD à distance, comme elle le fait pourtant depuis deux ans.

Les utilisateurs ont jusqu'au jeudi 30 juin pour demander à récupérer leurs 200 000 DVD, qui leur seront réexpédiés. Un délai suffisant selon la société, notamment motivé pour des questions logistiques. « Il faut que les très gros clients, qui ont beaucoup de DVD, se manifestent en premier pour qu'on puisse leur expédier... Ce qui libère de la place dans l'entrepôt pour trier les autres » note Cyril Barthet.

Le site est d'ores et déjà redevenu un réseau social centré sur le cinéma. La lecture à distance de DVD et le marché de l'occasion qu'il hébergeait ne sont plus qu'un souvenir en page d'accueil. Pour rappel, Vodkaster s'était lancé début 2014 sur le DVD « en ligne », pour réduire les coûts de la VOD, profiter des bonus des films et exploiter les collections de disques qui dorment chez les Français... Cela en contournant les studios et leurs règles.

Sur cette base, l'entreprise discutait avec les ayants droit pour leur ouvrir ses revenus, en échange de nouvelles possibilités, comme la lecture hors-ligne ou encore proposer de la HD. Las, elles n'ont pas abouties, l'entreprise dénonçant des « pratiques anti-concurrentielles » en parallèle des discussions. Si la déception est grande, avec des occasions importantes manquées, tout n'est pas fini pour la société, qui compte lancer une nouvelle offre de VOD, sous une autre marque que Vodkaster.

Vodkaster dénonce « une stratégie d'étouffement » des ayants droit

Vodkaster misait tout sur son offre de DVD à distance, qui évitait les écueils de la VOD classique : ils disposent théoriquement de l'ensemble du catalogue DVD (largement indisponible en ligne) et peuvent contourner les ayants droit. Comme nous l'expliquaient d'autres entreprises du secteur, ceux-ci dictent leurs conditions aux services de vidéo à la demande, qui sont dépendants de leurs contenus.

Selon la jeune pousse, leur système déplaisait aux studios, qui acceptent tout de même de discuter avec eux pour monter une offre. « Après s'être faits balader pendant un an et demi, et avoir constaté un certain nombre de pratiques anticoncurrentielles, on a compris que non seulement il n'y avait pas d'intention de négocier avec nous, mais surtout qu'ils voulaient toucher notre activité » déclare Cyril Barthet. Vodkaster et ses investisseurs jettent donc l'éponge. « À partir du moment où on n'est plus en capacité de bousculer le marché, ce n'est plus du tout un motif d'excitation pour les investisseurs » estime-t-il.

Fin avril, c'est la revente de DVD qui est stoppée. Entretemps, un projet Kickstarter (financé) ne convainc pas les investisseurs et est annulé. Il y a deux semaines, l'entreprise décidait de mettre fin à toute l'activité DVD. « Nos investisseurs [des fonds de capital-risque] ont considéré qu'il valait mieux se concentrer sur une activité de réseau social, ce qu'on va faire croitre et ce sur quoi on est en train de nouer des partenariats. C'est un segment sur lequel on n'est pas menacés par la piraterie et la concurrence est assez faible. Il n'y a pas de souci » résume le patron de Vodkaster.

Pour Cyril Barthet, « il y a une stratégie d'étouffement de l'innovation dans le domaine de la culture qui est assassine pour la culture », en détruisant les modèles à même de détourner les internautes du piratage. « En fait, les ayants droit nous dictent leur loi, les usages, les marges... Nos investisseurs se disent qu'il n'est donc pas possible de construire quelque chose de différencié ou profitable. [...] J'ai l'impression que les ayants droit se satisfont de cette situation avec 15 millions de pirates et une offre légale qui ne bouge presque pas. Nous sommes toujours dans la logique de préserver la marge du studio » s'agace-t-il encore.

Des partenariats « rompus » avec distributeurs et FAI

Concrètement, l'étouffement de Vodkaster aurait consisté en un porte-à-porte des ayants droit du cinéma auprès des partenaires du service, pour leur demander de couper les ponts. À défaut de pouvoir attaquer le modèle du service en justice, ceux-ci auraient « creusé un fossé sanitaire » autour de lui.

« Au lancement d'une nouvelle box, on remporte le prix de la meilleure application, on a un accord pour être embarqués en natif dans la box... Et une semaine avant, un studio américain a pris contact avec le FAI » pour qu'il ne l'installe pas, affirme Barthet. Des accords avec des distributeurs et des médias auraient aussi été suspendus. Dans tous les cas, l'accès à la TV a été coupé à Vodkaster, qui en a besoin pour se développer.

« Au bout d'un moment, les studios nous ont dit que si on avait l'espoir de construire quelque chose, si on voulait que nos partenaires nous reparlent, il fallait qu'on suspende notre service » raconte Vodkaster, qui a donc cessé son activité DVD. Contactée, l'Union des producteurs de cinéma n'a pas répondu à nos sollicitations.

Un réseau social et une activité B2B en marque blanche

Vodkaster redevient donc un réseau social centré sur le cinéma, avec de nouvelles annonces de partenariats prévues dans les semaines à venir. L'activité, laissée de côté au profit de l'activité DVD, est donc le nouveau cœur battant de l'entreprise. De nouvelles fonctions devraient d'ailleurs arriver dans les prochains mois, même si l'entreprise ne tient pas encore à donner de détails.

« Il y a encore beaucoup de choses à inventer autour des données des spectateurs, et d'un marketing intelligent des distributeurs avec beaucoup de données... On veut créer un TripAdvisor du cinéma, en quelque sorte. On travaille pour améliorer la diffusion des données sociales en dehors de Vodkaster avec des partenaires, comme on l'a déjà dans des cinémas UGC en pilote où on diffuse des avis de spectateurs sur des affichages 4x3 dans les halls » détaille Cyril Barthet. Pour lui, la qualité de sa communauté doit donc être le tremplin de l'entreprise.

A côté de cela, les investissements sur la partie VOD ne sont pas perdus. L'entreprise compte bientôt proposer en marque blanche un service de conversion de DVD en version en ligne, sans besoin de les envoyer. Un modèle négocié avec les ayants droit... Même si celui-ci semble énormément se rapprocher de celui du futur Orange Chill, qui proposera de scanner le code-barre d'un DVD pour en obtenir une copie numérique sur un compte en ligne.

Cyril Barthet l'admet, la décision n'appartient pas vraiment à Vodkaster. « Le modèle sur le disque digital est un modèle sur lequel ils dictent leurs règles » estime-t-il. Plutôt que de voir émerger un marché de l'occasion, les ayants droit préfèreraient fournir des copies numériques, éventuellement améliorables en HD pour un léger surcoût. Vodkaster dit déjà avoir plusieurs acteurs intéressés, notamment dans la grande distribution culturelle. Affaire à suivre dans les prochains mois, donc.

Écrit par Guénaël Pépin

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Vodkaster dénonce « une stratégie d'étouffement » des ayants droit

Des partenariats « rompus » avec distributeurs et FAI

Un réseau social et une activité B2B en marque blanche

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Commentaires (5)


On s’en doutais un peu. Etre progressiste dans le domaine du copyright, c’est casse gueule, encore plus si on est petit.



Les ayant droits préfèrent encourager l’offre totalement illégale, que des solutions grises “progressistes” mais qui risquent de devoir revoir la copie coté gestion des droits.

 


Je venais tout juste d’essayer leur service, et il s’est arrêté peu après… dommage car je n’avais jamais vu un service “DVD” en ligne qui évite de posséder le support physique, et permet de le revendre directement après 1 visionnage.


<img data-src=" /> aux ayants-droits. Ce comportement est pitoyable <img data-src=" />


Qu’est-ce qu’un “disque digital” ? Un disque qu’on utilise avec les doigts ?


non c’est un disque qui a des doigts !