L'ARCEP cherche comment ouvrir la fibre à toutes les entreprises

L’ARCEP cherche comment ouvrir la fibre à toutes les entreprises

Carnet de vacances pour opérateurs

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Guénaël Pépin

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16/06/2016 7 minutes
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L'ARCEP cherche comment ouvrir la fibre à toutes les entreprises

L'ARCEP a mis en consultation publique deux lots de recommandations pour les réseaux en fibre pour les entreprises. L'objectif : dynamiser le secteur et éviter une domination du duopole Orange-SFR sur ce marché en pleine croissance.

L'ARCEP veut préparer le marché de la fibre pour entreprises à l'avenir. Hier, le régulateur des télécoms a mis en consultation publique (jusqu'au 26 juillet) deux documents de recommandations techniques et commerciales sur ce secteur, qui est censé exploser dans les prochaines années, entre autres avec la transition des professionnels du cuivre vers la fibre.

Selon les derniers classements européens, les entreprises françaises sont à la traine en matière de numérique. Comme elle nous l'expliquait en novembre, l'ARCEP soupçonne que les offres télécoms contribuent à ce retard, et compte donc bien lever les barrières de ce marché.

Les deux documents doivent faire avancer deux chantiers de l'ARCEP : connecter les PME via une architecture réseau unique, et inciter à la migration vers la fibre. L'un des buts est de concevoir une architecture réseau qui puisse répondre aux besoins de l'ensemble des entreprises et institutions, en exploitant potentiellement les réseaux grand public.

Un marché dominé par deux acteurs

Actuellement, l'un des principaux risques sur le marché entreprises est celui d'un duopole entre deux groupes : Orange et SFR. « Orange est le premier opérateur en termes de part de marché, aussi bien sur les offres généralistes à destination de la clientèle entreprise que sur les offres spécifiques entreprises » écrit ainsi l'ARCEP. Face à lui, SFR couvre aussi l'ensemble des besoins via ses offres Pro et Business, s'appuyant à la fois sur la division entreprises de SFR et sur Completel, arrivé dans le panier de Numericable. Il utilise aussi en partie des offres de gros d'Orange.

À côté existent Bouygues Telecom (qui s'appuie principalement sur son cuivre et les offres fibre d'Orange), de plus petits opérateurs pour entreprises (dont des locaux), les opérateurs de réseaux d'initiative publique (RIP) et quelques opérateurs grand public. En clair, le marché est aujourd'hui dominé par Orange et SFR, qui sont les seuls à disposer d'un réseau fibre en propre pour cette clientèle.

Pour l'ARCEP, « il est important qu’un troisième acteur investisseur puisse se développer sur le marché entreprises, afin d’y permettre une concurrence saine et durable au bénéficie des utilisateurs finaux ». Il faut donc encourager l'émergence d'un autre opérateur capable de déployer son propre réseau fibre.

La fibre dédiée aux entreprises jugée trop chère

Surtout, la fibre pour entreprises est encore un produit de luxe pour de nombreuses entreprises. Celle-ci passe par le FTTO (fibre jusqu'au bureau) qui demande de tirer une ligne dédiée par entreprise, avec des offres à forte valeur ajoutée (notamment en qualité de service). L'an dernier, Bercy autorisait d'ailleurs le déploiement de lignes entreprises mutualisées avec le réseau grand public sur les zones FTTO, pour un coût de connexion divisé par cinq : de 1 500 euros aux environs de 300 euros.

« Pour la majorité des acteurs, les tarifs des offres en fibre optique reposant sur un raccordement dédié et effectué à la demande (offres dites « FTTO ») sont un frein au passage au très haut débit des entreprises » indique ainsi l'ARCEP. Il faut dire que la majorité des entreprises n'ont pas besoin d'une ligne dédiée, et peuvent supporter une coupure de quelques heures de leur connexion.

Dans les faits, cette majorité se contente d'offres grand public ou approchantes (labellisées « pro » avec quelques services supplémentaires). Cela alors que celles, moins nombreuses, avec des besoins spécifiques en termes de débit ou de garantie de service (grandes entreprises ou sociétés du numérique, par exemple) se tournent plus facilement vers des offres chères. Le chemin à parcourir du cuivre vers la fibre reste d'ailleurs long : quand 500 000 entreprises avec des besoins spécifiques sont connectées via des offres SDSL, 90 000 à peine le sont en FTTO. 

Des offres passives et actives sans discrimination

En solution, l'ARCEP compte donc encourager l'émergence de plus d'offres de gros passives (où seul la fibre est fournie au fournisseur d'accès) et actives (où le FAI a simplement à fournir sa box). Ces offres « pro » devraient passer via des réseaux mutualisés avec le grand public, pour ne plus dépendre uniquement du FTTO. Ce FTTE est donc l'objectif clair du ministère de l'Économie et de l'autorité indépendante.

Le régulateur insiste sur le besoin d'un marché de gros activé via les réseaux généralistes (sans qualité de service renforcée) ou sur des lignes dédiées aux entreprises. Du côté des offres passives, elles peuvent passer par le réseau mutualisé avec le grand public (FTTE) et celui réservé aux entreprises (FTTO), avec une qualité de service améliorée, par exemple une garantie de rétablissement en cas d'incident.

Les documents recommandent d'ailleurs aux opérateurs de réseaux de prévoir l'accès à des fibres surnuméraires, pour parer à de futurs besoins, comme une seconde ligne pour une entreprise ou un équipement commun dans le bâtiment qui nécessitera une connexion.

Dans tous les cas, l'autorité se dit vigilante à l'émergence d'une diversité d'offres sur la fibre, de celles proches du marché grand public à celles nécessitant une ligne par entreprise et des garanties de qualité de service supplémentaire. Bien entendu, le tout doit être proposé sans discrimination des fournisseurs d'accès ou des clients finaux, martèle l'autorité dans ses documents.

Le cas de la zone très dense

Un point sur lequel l'ARCEP était attendue est la zone très dense, où la concurrence serait réduite avec le passage à la fibre, selon certains acteurs du marché. En cause, l'absence d'offres de gros pour concurrencer Orange sur la fibre « pro ».

Pour y remédier, l'ARCEP envisage des offres de gros pour le transport des données en fibre entre le point de mutualisation (au bâtiment) et le point d'interconnexion (le NRO). Soit un segment difficile d'accès aujourd'hui pour les opérateurs spécialisés sur  le marché entreprises.

Plusieurs moyens concrets d'ouvrir l'accès à ce segment sont envisagés, dont la location des lignes et l'incitation au coinvestissement sur ce segment. Une position qui n'est pas évidente pour le régulateur, qui fait la part belle à la concurrence par les infrastructures en zone très dense, où chacun doit financer ses propres tuyaux.

Dans ces zones, le régulateur note d'ailleurs que les opérateurs fibrent très peu les bâtiments accueillant uniquement des entreprises, laissant le risque de réserver leur accès à la fibre optique aux offres FTTO, les plus chères. Un problème, quand le réseau mutualisé avec le grand public doit justement devenir la norme. 

Les négociations entre opérateurs privilégiées

L'ARCEP attend que les opérateurs publient des indicateurs réguliers sur la qualité de service de leurs offres de gros en fibre. Plus généralement, le choix de recommandations n'est pas anodin pour l'autorité, qui ne compte pas imposer de mesure contraignante pour le moment. Elle compte officiellement privilégier négociations entre opérateurs.

Si celles-ci ne donnent pas les résultats escomptés, des solutions s'offrent à l'ARCEP. La première est d'utiliser le futur statut de « zone fibrée », attribué aux zones où toutes les lignes peuvent basculer sans problème du cuivre vers la fibre, pour contrôler le marché localement. La seconde est la prochaine analyse de marché de l'ARCEP, qui pourrait mener à de nouvelles obligations pour les opérateurs d'infrastructure ou, au contraire, à l'allégement de certaines contraintes. Cela alors qu'elles pourraient aussi donner de nouvelles orientations sur le marché grand public, actuellement dominé par Orange.

Écrit par Guénaël Pépin

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Sommaire de l'article

Introduction

Un marché dominé par deux acteurs

La fibre dédiée aux entreprises jugée trop chère

Des offres passives et actives sans discrimination

Le cas de la zone très dense

Les négociations entre opérateurs privilégiées

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Commentaires (18)


Excellente initiative. Mais a-t’on une idée de l’échéancier associé ?

Parceque si c’est pour l’horizon 2030…


Quand je vois le prix que propose le RIP de Poitiers dédiés aux entreprises, je me dis que la concurence aura du bon (et la régulation des prix du RIP aussi).


L’idéal étant d’avoir 2 lignes avec 2 technologies et 2 opérateurs différent en entreprise. Par exemple la ligne principale en fibre chez Orange et la ligne de secours en SDSL chez SFR.


Et comme fibre et SDSL passent dans les mêmes fourreaux et sont vulnérables aux mêmes coups de pelleteuse, ne pas oublier la connexion de secours en dernier recours via 4G.

 


intéressant, merci <img data-src=" />



et un nouvel acronyme, FTTE <img data-src=" />





c’est la FTTE des acronymes <img data-src=" /> <img data-src=" /> :loin:


Si seulement on pouvait avoir de la fibre noire avec un SFP crypté sans payer un rein tous les mois…

&nbsp;







alex.d. a écrit :



Et comme fibre et SDSL passent dans les mêmes fourreaux et sont vulnérables aux mêmes coups de pelleteuse, ne pas oublier la connexion de secours en dernier recours via 4G.

&nbsp;





La fibre, je croyais que c’était le secours du faisceau hertzien <img data-src=" />



En même temps, on ne récolte que les graines que l’on a semées en voulant prolonger le (quasi) monopole d’Orange


Bonjour,



pas loin de Poitiers : proposition SFR fibre pour l’entreprise 10Mb/s symétrique = 1200 € /mois .. !!



hallucinant ! On est donc resté sur 3 lignes adsl particulier et over the box …



bonne journée à tous au passage.


ah ouais quand même °_°


Avec au moins un GTR 4h j’espère!


Et c’est là qu’on voit que les FAI s’en mettent plein les poches suivant les clients pour la fibre.



Dans ma boite, SFR Fibre 10Mb Symétrique est à moins de 600€/mois mais gros contrat négocié au siège, avec en effet un GTR de 4h qui dans les faits ne sert quasiment à rien ! Si c’est un camion qui a arraché le poteau (déjà vécu) ton GTR tu peux t’asseoir dessus ! :)


Mais tu as quand même un dédommagement, même si c’est pas une erreur interne, non?

&nbsp;


Non pas du tout, le cadre du GTR est tellement précis que ça couvre pas grand chose.

&nbsp;

On va dire qu’il traite nos demandes en priorité, ça prends du sens pour les pannes de leur coté sur leur fibre, si c’est le routeur, un soucis coté NRO, voir des problèmes de conf, routages sur leur infra.



&nbsp;Mais si c’est une fibre loué (Orange ou Collectivité locale) les 4h passent à la trappe et toujours sans indemnité.


Le RIP de Poitiers est “cher” ? C’est quoi “cher” ?



J’ai les offres sous les yeux et je trouve ça correct.


Pour comprendre “comment ça marche”, il faut comprendre le modèle d’un FAI pro, différent d’un FAI grand public.



Et ça, ça ne se lit pas dans les journaux… aussi bons soient ils ;)


Cher parce qu’en mutualisant plusieurs ADSL pour avoir un VDSL tu as un ratio débit/prix largement plus compétitif.



De mémoire, 600 €/mois pour du 40 Mo/s avec une dizaine de lignes de téléphone, c’est cher.


Tu ne peux pas avoir du VDSL en mutualisant plusieurs ADSL, si tu prends 3 lignes ADSL en débit montant ça te fait 3*1 Mega soit 3 Mega alors que le débit montant du VDSL va jusqu’à 25 Mega


Désolé me suis trompé dans les sigles. <img data-src=" />Je parlais du SDLS.



Tu prends 2 lignes: une pour la bande passante descendante et une autre pour la bande passante montante